Intervention de Jacky Deromedi

Réunion du 18 juin 2015 à 15h00
Étude d'impact en application des articles 34-1 39 et 44 de la constitution — Discussion et retrait d'une proposition de loi organique dans le texte de la commission

Photo de Jacky DeromediJacky Deromedi :

Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi organique de Jacques Mézard et plusieurs des membres du groupe du RDSE nous donne l’occasion d’évoquer le rôle du Conseil constitutionnel dans nos institutions.

Le Conseil a gagné ses lettres de noblesse grâce aux décisions qu’il a rendues dans le domaine des libertés publiques. L’instauration de la question prioritaire de constitutionnalité, la QPC, a conforté sa mission en la matière. Toutefois, il ne faudrait pas oublier que la Constitution lui confie également des attributions particulières en termes de contrôle du bon déroulement de la procédure législative. La récente réforme constitutionnelle de 2008 a complété ces attributions en ce qui concerne la présentation des projets de loi.

La présente proposition de loi organique porte sur cette mission du Conseil constitutionnel. Qu’en est-il aujourd’hui du respect par le Conseil des compétences respectives du pouvoir exécutif et du Parlement ? Y aurait-il dans sa jurisprudence, comme l’affirment certains commentateurs, deux poids, deux mesures en faveur du pouvoir exécutif et au détriment du Parlement ?

L’une des difficultés que rencontre le Conseil constitutionnel est de devoir interpréter des règles constitutionnelles et organiques très générales. Il en donne des interprétations de plus en plus détaillées. Cette situation fait courir un risque : le Conseil pourrait être tenté de rendre des arrêts de règlement.

De fait, sa jurisprudence présente un certain contraste. Dans certains cas, il adopte des interprétations très rigoureuses, très formalistes des procédures légales : la toute récente démission d’office de quatre membres de la Haute Assemblée – elle a fait l’objet de critiques – en est un exemple probant. Dans d’autres situations, il émet une interprétation très souple, dégagée de formalisme, généralement au profit du pouvoir exécutif. Tel est le cas en matière budgétaire, lorsqu’il s’agit d’apprécier la sincérité des évaluations de recettes et de dépenses, ou encore pour les lois d’habilitation, dont les termes sont parfois extrêmement généraux ; le Conseil autorise cette généralité. Ce fut le cas, bien évidemment, dans la décision du 1er juillet 2014 sur les études d’impact qu’a critiquée Jacques Mézard

La loi organique du 15 avril 2009 dispose que les projets de loi doivent faire l’objet d’une étude d’impact et précise les informations que doit contenir chaque étude. L’an dernier, la conférence des présidents du Sénat a estimé que l’étude d’impact jointe au projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral n’était pas conforme à la loi organique précitée. Saisi par le Premier ministre, le Conseil constitutionnel a jugé, le 1er juillet 2014, que cette étude respectait au contraire les conditions fixées par cette loi.

Cette décision a été critiquée en doctrine. M. le rapporteur cite à juste titre le commentaire du professeur Pontier, selon lequel « la solution du Conseil constitutionnel paraît […] inconsistante, parce que l’occasion était donnée au Conseil d’opérer un contrôle de l’exigence d’études d’impact, et qu’il ne l’a pas saisie ». Le professeur Pontier regrette les « approximations » factuelles de l’étude d’impact et l’absence d’étude historique sérieuse, au point que l’étude « donne l’impression d’avoir été faite “à la va-vite”, sans véritable travail de réflexion ». Le contrôle du Conseil Constitutionnel est donc purement formel ; il contraste avec celui du Conseil d’État qui l’a conduit à demander trente-six fois au Gouvernement de compléter des études d’impact.

À la suite de la décision du Conseil constitutionnel du 1er juillet 2014, la question qui se pose est de savoir si les études d’impact ont encore un sens. Nul doute que, malgré les insuffisances dont elles souffrent parfois, elles apportent des informations intéressantes et nécessaires au Parlement et l’aident à se prononcer en meilleure connaissance de cause. Il est donc préférable de les maintenir, quelle que soit l’analyse faite par le Conseil constitutionnel.

Je soutiens les mesures adoptées par la commission des lois. Elles imposent des contraintes supplémentaires au Gouvernement : il devra motiver l’utilisation de la procédure accélérée ; il devra joindre l’avis rendu par le Conseil d’État, lorsqu’il aura décidé de le rendre public ; les amendements du Gouvernement tendant à apporter une modification substantielle au texte initial devront faire l’objet d’une étude d’impact. Par ailleurs, la conférence des présidents disposera d’un délai de trente jours – contre dix actuellement – pour saisir le Conseil constitutionnel.

Le groupe Les Républicains soutient totalement les conclusions de la commission des lois, et il remercie son président, Philippe Bas, et son rapporteur, Hugues Portelli, de l’excellent travail qu’ils ont effectué. Nous voterons cette proposition de loi organique, persuadés qu’elle contribuera à renforcer les moyens d’action et d’information du Parlement.

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