Madame la présidente, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, permettez-moi de m’inscrire dans la suite logique de l’excellente présentation du président Mézard et d’insister plus particulièrement sur certains points qu’il m’apparaît important d’aborder.
En effet, les délais de jugement administratifs ne sont pas qu’une question théorique destinée à satisfaire la curiosité intellectuelle des spécialistes de droit public, dont les compétences reconnues sont par ailleurs respectées. C’est une préoccupation éminemment concrète pour nos concitoyens et pour nos élus, qui se trouvent parfois confrontés à des situations locales délicates, voire dramatiques, sans être nécessairement bien armés pour faire face à leur dimension technico-juridique. Parfois, des enjeux propres aux territoires, notamment des enjeux de développement économique, ne peuvent supporter des délais de jugement excessivement longs.
Bien qu’elles soient amenées à statuer sur des affaires qui engagent des projets aux retombées potentiellement importantes en termes d’aménagement, d’activité et d’attractivité, les juridictions administratives peuvent apparaître relativement éloignées de ces préoccupations, déjà occupées comme elles le sont, il est vrai, par d’autres sujets réputés plus urgents.
Les retards pris dans le jugement d’affaires à caractère économique ou industriel peuvent avoir des conséquences bien réelles et lourdes pour des régions entières lorsqu’elles conduisent à différer de plusieurs années, voire de faire échouer, à force d’usure et de découragement, qui, un projet de nouvelle infrastructure, qui, un projet d’aménagement commercial, qui, la création d’activités agricoles ou industrielles…
Trop d’entrepreneurs et de maires ont renoncé à mener à bien des projets à cause d’une procédure administrative trop longue, donc coûteuse en temps et en moyens financiers ! Ce n’est un secret pour personne, les lenteurs administratives peuvent parfois être utilisées dans une intention dilatoire, afin de faire échouer des projets pourtant utiles aux habitants, notamment dans les territoires ruraux et enclavés.
Faut-il que les habitants de tel ou tel département ou commune renoncent aux bienfaits d’une société et d’une économie avancées à cause d’une lenteur excessive, par manque de moyens de la justice administrative ?
Loin de moi l’idée de souhaiter la disparition de l’escargot breton, du scarabée pique-prune, du crapaud sonneur à ventre jaune ou de tel ou tel oiseau rare. §Mais enfin, il faut savoir raison garder ! Savez-vous que, pour réaliser la déviation de Figeac, dans le Lot, il a fallu installer des clôtures permettant aux fameux crapauds sonneurs à ventre jaune de quitter le chantier sans pouvoir y revenir ?