Intervention de Claude Kern

Réunion du 18 juin 2015 à 15h00
Débat sur le thème : « comment donner à la justice administrative les moyens de statuer dans des délais plus rapides ? »

Photo de Claude KernClaude Kern :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je vous prie d’excuser l’absence de Jacqueline Gourault, qui m’a demandé de vous délivrer son message.

Derrière ce véritable sujet de dissertation, qu’il aurait été intéressant de soumettre directement à nos étudiants, parfois plus pragmatiques et sans doute plus imaginatifs, se cache un problème qui n’est pas nouveau, mais qui, en effet, mérite que l’on s’y attarde.

La lenteur de notre justice est un enjeu d’autant plus important que le nombre d’affaires explose, comme l’atteste le dernier rapport du Conseil d’État, du 21 mai dernier : on observe une hausse du nombre de recours de 2, 8 % devant les tribunaux administratifs, de 3, 2 % devant les cours administratives d’appel, mais, surtout, de 26, 8 % devant le Conseil d’État.

Oui, c’est un problème lorsque le droit et la morale nous imposent de garantir à tous un procès équitable. Et oui, c’est un problème quand il s’agit de garantir la confiance de nos concitoyens envers la justice et, par extension, envers notre système républicain et démocratique.

La justice administrative ne fait pas exception et apparaît comme une priorité, tant elle traite du quotidien des Français et de leurs relations avec les administrations et avec l’État.

Le vice-président du Conseil d’État, Jean-Marc Sauvé, lors de son audition au Sénat par la commission des lois, en octobre 2012, avait considéré que « nous avons épuisé les mesures de simplification envisageables ». Pour autant, ne nous résignons pas !

En effet, face à ce phénomène, plusieurs leviers s’offrent encore à nous.

Premier levier, il faut améliorer en interne le délai de traitement de chaque affaire, notamment en accompagnant davantage l’introduction des nouvelles technologies au sein de nos juridictions administratives.

Deuxième levier, sûrement le plus important, il faut faire baisser le nombre de recours pour offrir plus de temps de traitement à chaque affaire. Cette dernière option nécessite une révision globale de notre modèle économique et social.

L’instillation du juge unique, qui représente non plus une exception mais le modèle dominant, du moins en première instance, a été une première réponse à ces enjeux. Face à l’explosion du contentieux administratif, ce recours croissant au juge unique répond directement à la volonté de désencombrer le prétoire des juges administratifs.

D’autres moyens existent pour désengorger les juridictions, comme les nouvelles technologies. Encore faut-il les utiliser !

Le recours aux outils informatiques s’est bien entendu généralisé au sein des juridictions, qui sont aujourd’hui en train d’adopter la dématérialisation des procédures juridictionnelles, permettant d’éviter le maniement du papier et accélérant l’instruction des affaires.

Télérecours, l’application informatique qui permet de gérer la communication dématérialisée des requêtes, des mémoires et des actes de procédure entre les juridictions administratives et les parties, est en effet une avancée majeure. Introduit dans un décret du 21 décembre 2012, ce service est ouvert à l’ensemble des juridictions de France métropolitaine et est accessible à tous les avocats et à toutes les administrations pour l’ensemble des contentieux, quels que soient leur objet et le type de la procédure.

Néanmoins, le travail est encore long, et de nombreuses et nécessaires mesures n’ont pas été prises pour accompagner au mieux la généralisation de ce dispositif.

D’abord, les justiciables sans conseil n’ont pas encore accès à cette application. Ils devraient pouvoir y accéder.

Ensuite, l’utilisation du dispositif par les professionnels n’est pas obligatoire et les formations sont inadaptées. Il nous faut déterminer un calendrier pour que cet usage devienne rapidement obligatoire, et ce dans les meilleures conditions.

Enfin, se pose la question de l’archivage électronique. Il n’a tout simplement pas été prévu !

Vous l’aurez compris, le groupe UDI-UC porte l’ambition d’un « système judiciaire 2.0 », dans lequel serait introduit un mécanisme généralisé de signature électronique, qui garantit, lui aussi, un traitement rapide des dossiers et surtout des économies certaines pour nos juridictions.

Je vois un autre levier pour désengorger notre justice administrative dans la simplification des liens entre l’administration et les administrés afin de réduire les recours. L’illisibilité et la complexité de notre système économique et social sont responsables aujourd’hui des délais de traitement des affaires.

Dans le cadre du débat sur l’application des lois qui se tenait la semaine dernière, l’intervenant du groupe UDI-UC appelait à se poser la question de l’utilité de la loi et des conséquences de chacune des dispositions sur le terrain.

Le constat est ici sans appel : la complexité de notre modèle social et économique a aujourd’hui ouvert des brèches dans lesquels certains s’engouffrent qui freinent considérablement l’efficacité de notre justice.

Ainsi, de nombreuses dispositions ont fait – inutilement, avouons-le ! – exploser le nombre de recours. C’est d’abord le cas du droit opposable au logement, le DALO, introduit en France par la loi du 5 mars 2007, à l’origine de près de 100 000 recours en 2014, dont une grande partie devant le juge administratif. L’année dernière, cette tendance à l’augmentation s’est plus spécialement concentrée sur certains contentieux en première instance. Par exemple, les contentieux sociaux ont bondi de 22 %, du fait d’une hausse de 31 % du contentieux du DALO et de 26, 5 % du contentieux du RSA.

Les raisons de cette hausse sont limpides : on laisse parfois croire aux Français que la justice réglera leurs problèmes, et on continue de voter des textes législatifs souvent imprécis qui deviennent autant de nids à contentieux.

J’insiste, la réduction des délais de traitement des affaires doit être considérée comme une priorité, à l’heure où la confiance des Français en notre système démocratique se délite.

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