Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier notre collègue Jacques Mézard et le groupe du RDSE de nous avoir donné l’occasion d’un débat sur ce sujet, qui est très important dans la vie concrète de nos concitoyens et pour l’ensemble de nos institutions.
Cette question est ancienne et des initiatives ont déjà été prises. Tout d’abord, la loi du 8 février 1995 relative à l'organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative, qui donne au juge administratif le pouvoir d’adresser des injonctions aux administrations. Ensuite, la loi du 30 juin 2000 relative au référé devant les juridictions administratives, qui instaure une procédure pour les cas d’urgence. Enfin, le décret du 24 juin 2003, d’ailleurs quelque peu critiqué, qui autorise le président du tribunal administratif à statuer en qualité de juge unique dans un certain nombre de circonstances.
Cette question reste toutefois pleinement d’actualité puisque chacun sait que la croissance du contentieux administratif est une tendance structurelle. Selon Jean-Marc Sauvé, vice-président du Conseil d'État, depuis vingt ans, le nombre d’affaires enregistrées augmente chaque année en moyenne de 6 % dans les tribunaux administratifs, ou TA, et de 10 % dans les cours administratives d’appel, ou CAA. En 2014, le nombre d’affaires nouvelles a atteint un niveau exceptionnellement élevé, qui a représenté une augmentation de 11, 3 % pour les tribunaux administratifs et de 30, 8 % pour le Conseil d'État.
Néanmoins, il faut aussi souligner les efforts accomplis. Le délai prévisible moyen de jugement est ainsi inférieur à un an, alors qu’il a été beaucoup plus élevé par le passé. En 2014, il était de dix mois et un jour devant les TA, de onze mois et un jour devant les CAA et de huit mois au Conseil d'État. La part des affaires datant de plus de deux ans dans le stock a par ailleurs diminué, pour passer, en 2014, sous 11 % dans les TA, 3 % dans les CAA et 4, 5 % au Conseil d'État.
Que faire pour améliorer les choses ? Plusieurs de nos collègues, comme Thani Mohamed Soilihi à l’instant, ont présenté un certain nombre de pistes de réflexion. À mon tour, je veux en citer six.
En premier lieu, l’application Télérecours, dont a aussi parlé Thani Mohamed Soilihi, permet aux parties et aux juridictions d’échanger par voie électronique ; elle est en vigueur, mais il convient de la consolider et d’étendre le recours à cette procédure. En effet, au moment où l’on réfléchit à la justice du XXIe siècle, madame le garde des sceaux, on ne comprendrait pas que l’on n’utilise pas pleinement les facultés offertes par l’informatique.
En deuxième lieu, les nouvelles rédactions expérimentées au Conseil d'État pour certaines décisions se sont révélées probantes ; elles sont d’ailleurs aussi mises en œuvre dans certains TA et certaines CAA. Il s’agit d’une procédure de nature à simplifier les choses et à rendre plus claires les décisions de justice, ce qui est demandé par beaucoup de nos concitoyens.
En troisième lieu, je veux mentionner la procédure de cristallisation des moyens, qui permettrait de décourager les recours abusifs. Il s’agirait d’éviter que les auteurs d’un recours n’invoquent en cours de procédure de nouveaux moyens pour retarder la décision de justice.
En quatrième lieu, dans le cas de recours abusifs, la possibilité donnée à la victime du recours de formuler une demande reconventionnelle à caractère indemnitaire devant le juge pourrait constituer une arme dissuasive et efficace ; je ne sais pas si cela vous paraît réaliste, madame la ministre. Dans ce cas, ce serait la victime, et non l’État, qui percevrait les sommes versées au titre de l’amende.
En cinquième lieu – on en parle souvent, mais pourquoi ne pas le mentionner dans le débat qui nous occupe ? –, les procédures de conciliation et de médiation doivent être développées, car elles permettent d’éviter un certain nombre de contentieux. Je sais, madame la ministre, que vous y êtes attachée.
Enfin, en sixième lieu, il est nécessaire de développer, de généraliser le recours administratif préalable, pour en faire une habitude chez nos concitoyens. En effet, beaucoup d’entre eux ne savent pas qu’avant que de saisir le tribunal administratif on peut évidemment introduire un recours gracieux devant l’autorité qui a pris telle décision ou rédigé tel acte. Si cela était connu, un certain nombre de recours contentieux pourraient être évités. Il faut donc organiser une meilleure communication sur cette possibilité auprès des justiciables.
Madame la ministre, j’emploierai les vingt secondes qui me restent pour rendre hommage aux magistrats et à l’ensemble du personnel des tribunaux administratifs, des cours administratives d’appel et du Conseil d'État. Nous sommes en effet souvent témoins de l’ampleur de leur tâche et de la conscience professionnelle qu’ils mettent à l’assumer.