Monsieur Kern, vous avez évoqué la dématérialisation, comme MM. Favier, Mézard et Sueur.
L’application Télérecours a été expérimentée et généralisée depuis 2013. Elle est arrivée dans les outre-mer de l’océan Indien et sera disponible à la rentrée dans les outre-mer des Amériques.
Cette procédure est très utilisée. Vous avez donné des chiffres pour Mayotte, monsieur Soilihi, qui sont représentatifs de ce qui se passe ailleurs : 60 % pour les tribunaux administratifs et 90 % pour le Conseil d’État.
Cet outil dématérialisé est donc maintenant entré dans la panoplie des justiciables, qui s’en sont emparés et se sont familiarisés avec l’application.
La seule question qui se pose aujourd’hui est de savoir si nous allons rendre obligatoire cet outil pour l’ensemble des contentieux et des procédures. Un groupe de travail s’est penché sur la question et remettra son rapport à la fin du mois de juillet. Nous évaluerons alors la pertinence de cette généralisation, mais, compte tenu de l’usage qui est fait de l’application aujourd’hui, il n’y a pas d’obstacle important à envisager ce développement.
D’une manière générale, mesdames, messieurs les sénateurs, je vais faire étudier le compte rendu de cette séance, afin de tirer le bénéfice de toutes vos observations et de toutes les suggestions que vous avez formulées pour améliorer le fonctionnement de la justice administrative. Bien entendu, ce travail sera mené de concert avec nos juridictions.
J’ai évoqué les dispositions relatives au contentieux de l’urbanisme qui sont contenues dans l’ordonnance et le décret de 2013. Je dois également mentionner la loi du 16 février 2015 et le décret du 27 février 2015, qui ont réformé le Tribunal des conflits. Cette réforme permet de traiter de manière plus rapide, plus souple et plus massive, aussi, les questions préjudicielles, et donc la répartition des contentieux entre les deux ordres de juridiction.
Enfin, plusieurs d’entre vous ont évoqué l’élargissement des compétences du juge unique. Le souci de réduire les délais, d’accélérer les procédures et de répondre le plus vite possible aux requêtes ne doit pas jouer au détriment des droits des justiciables. Vous l’avez dit vous-mêmes, nous devons améliorer le fonctionnement de la justice administrative, mais sans pour autant sacrifier les justiciables.
Par exemple, un certain nombre des dispositions du décret du 13 août 2013, qui reprennent des propositions et des réflexions émanant de l’ordre administratif lui-même, sont aujourd’hui mises en œuvre et méritent à ce titre d’être évaluées pour s’assurer que le justiciable n’est pas pénalisé et que le plus vulnérable n’est pas exclu du fait de la suppression de la procédure d’appel et de l’intervention plus large et plus fréquente du juge unique. D’ailleurs, pour certains contentieux, nous avons, à l’inverse, rétabli le jugement par une formation collégiale.
Je vous ai déjà parlé de la médiation. Nous allons également développer l’action de groupe, dans le cadre de la réforme de la justice du XXIe siècle. Le développement de l’action de groupe est de nature à améliorer la situation, puisque nous avons vu que, parmi les contentieux massifs, certains, de nature sérielle, peuvent faire l’objet d’un traitement de ce type. Or l’action de groupe est une procédure très démocratique et très protectrice des justiciables, notamment des plus vulnérables. La réforme de la justice du XXIe siècle comportera donc des dispositions relatives à l’action de groupe.
Mesdames, messieurs les sénateurs, mon intervention a été un peu hachée, mais je tenais à répondre à chacun d’entre vous, plutôt que de dresser un tableau d’ensemble d’une justice administrative que vous connaissez déjà fort bien. Je vous remercie d’avoir contribué à cette réflexion, d’être toujours aussi exigeants à l’égard de cette justice moins visible, mais néanmoins efficace, qui mobilise des personnels de grande qualité et très dévoués.
Cette justice devra nous prouver qu’elle est à la hauteur des nouvelles missions que nous lui confions, puisque, comme le rappelait M. Mézard, le projet de loi relatif au renseignement la charge de la protection des citoyens, tâche d’une importance et d’une exigence extrêmes, qui sera sans doute parfois délicate à assumer. Nous avons veillé à ce que les magistrats soient habilités « secret défense » et à ce qu’ils puissent statuer dans ces contentieux en toute indépendance et souverainement. Ces mesures étaient nécessaires pour rassurer nos concitoyens sur la capacité de la puissance publique à garantir leur sécurité, mais aussi son attachement à la préservation des libertés individuelles.
Mille mercis, mesdames, messieurs les sénateurs, pour ce débat de grande qualité que j’ai écouté avec attention et qui enrichira encore nos réflexions et nos initiatives pour améliorer le fonctionnement de la justice administrative.