Intervention de George Pau-Langevin

Réunion du 18 juin 2015 à 15h00
Octroi de mer — Adoption des conclusions d'une commission mixte paritaire

George Pau-Langevin :

monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la commission mixte paritaire qui s’est réunie la semaine dernière a adopté, sans réserve, le texte aujourd’hui soumis à votre approbation.

Nous voici donc à la fin du processus législatif concernant ce projet de loi modifiant la loi relative à l’octroi de mer. Chacun mesure bien l’importance de ce texte pour les territoires ultramarins.

D’une part, l’octroi de mer constitue une ressource indispensable pour le financement des collectivités territoriales puisque, en 2014, son produit s’est élevé à 1, 146 milliard d’euros, soit environ 40 % des ressources fiscales des collectivités locales ultramarines.

D’autre part, le présent texte entérine la prolongation jusqu’en 2020 de ce dispositif si essentiel pour le développement économique des productions locales et pour l’emploi outre-mer. Ce texte assure donc une visibilité et une lisibilité tant aux entreprises qu’aux collectivités locales.

Je tiens à souligner la qualité des travaux conduits par le Parlement, notamment au Sénat, sous la houlette de M. Doligé, pour enrichir positivement le texte malgré les contraintes de temps importantes qui pesaient sur son examen.

Je me félicite que ce projet de loi puisse être voté avant la date couperet du 30 juin 2015, qui marque la fin de prorogation de l’ancien dispositif. En effet, il fallait qu’il n’y ait pas de rupture juridique dans la transition entre les deux dispositifs, comme le Gouvernement l’a toujours soutenu et comme je m’y étais totalement engagée. C’était l’une des principales préoccupations des acteurs socioéconomiques et des élus locaux ; l’engagement est désormais tenu.

Le texte aujourd’hui soumis à votre approbation met également fin à de nombreux mois de discussion avec la Commission européenne.

Je ne peux que constater que cette discussion, débutée il y a plus de deux ans et demi, a été fructueuse. Les demandes de la France ont été entendues, s’agissant notamment de l’augmentation du nombre de positions douanières bénéficiant d’un différentiel de taxation et des spécificités propres aux territoires ultramarins. Cela permet de préserver les grands équilibres du régime dans le cadre de cette réforme co-construite entre les autorités françaises et les autorités européennes.

La prolongation du dispositif permettra de consolider davantage les filières productives locales, dont les parts de marché sont en constante progression depuis 2005. Certes, le régime d’octroi de mer ne suffit pas, seul, à accompagner le développement économique de nos territoires, mais il est un maillon essentiel de celui-ci. S’il ne faut en aucun cas relâcher nos efforts dans le domaine du développement, de l’innovation et du soutien à la croissance, cette réalité démontre, s’il en était encore besoin, que le bénéfice du différentiel de taxation permet de soutenir activement la création de richesses et d’emplois.

Le projet de loi clarifie et modernise la mise en œuvre de cette taxe. Ainsi, partant de l’évaluation de l’ancien dispositif, nous avons fait le choix de procéder à l’abaissement du seuil d’assujettissement afin de répondre aux demandes de simplification formulées par de nombreuses entreprises, de taille moyenne notamment. Cet abaissement du seuil d’assujettissement de 550 000 à 300 000 euros, largement concerté avec les élus à l’hiver 2013, permet, en fonction des géographies, de placer hors du champ de l’octroi de mer de 75 % à 87 % des entreprises productrices.

Quant aux autres opérateurs, ceux dont le chiffre d’affaires est compris entre 300 000 et 550 000 euros et qui étaient auparavant assujettis mais exonérés, ils restent soumis aux mêmes obligations déclaratives, mais ne seront plus automatiquement exonérés. Néanmoins, ils auront deux ans pour déduire la taxe d’amont ayant grevé leurs investissements.

Au-delà de l’abaissement du seuil, plusieurs autres dispositions peuvent être soulignées. C’est le cas de l’encadrement des taux que les conseils régionaux et, à Mayotte, le conseil départemental sont autorisés à fixer, que nous avons introduit dans le texte à la demande, notamment, du Conseil d’État.

Les collectivités territoriales voient également le champ des exonérations élargi. Elles pourront désormais choisir d’exonérer ou non les établissements de santé, de recherche, d’enseignement ou relevant d’organismes caritatifs ou philanthropiques.

Lors de son examen du texte, le Sénat avait également fait le choix d’élargir le champ des bénéficiaires de ces exonérations aux personnes morales exerçant des activités scientifiques de recherche et d’enseignement, ainsi qu’aux établissements et services sociaux et médico-sociaux. Ce choix n’a été remis en cause ni lors de l’examen du projet de loi à l’Assemblée nationale ni lors des travaux de la commission mixte paritaire. Ces avancées consolident largement les marges de manœuvre données aux collectivités régionales pour construire de réelles stratégies de développement économique et de soutien aux filières productives sur leurs territoires.

Lors des débats à l’Assemblée nationale, les modalités d’exonération ouvertes aux conseils régionaux ont été complétées. Les collectivités territoriales pourront choisir d’exonérer soit par secteur d’activité, soit par nomenclature douanière. C’est une avancée notable qui permet l’introduction d’une plus grande souplesse.

Le rééquilibrage des échanges et des flux commerciaux entre le marché unique antillais et la Guyane a occupé une part importante de nos débats. C’était nécessaire. Le dialogue constructif que nous avons eu a permis d’aboutir à une situation que l’ensemble des acteurs reconnaît être équilibrée.

C’est ainsi que nous avons introduit une liste de dix « produits préservés », qui feront l’objet, dans le cadre des relations commerciales entre le marché unique antillais et la Guyane, d’une application du droit commun. Je ne peux que me féliciter de ces échanges, parfois nourris et même très spécialisés, et souligner le sens du compromis et des responsabilités qui a présidé aux discussions entre les élus et nous a permis d’aboutir.

Pour l’avenir, la commission de concertation que nous avons créée analysera les flux d’échanges entre la Guyane et le marché unique antillais et pourra proposer, si nécessaire, la modification de la liste de produits préservés, sur la base, notamment, d’un état statistique des flux d’échanges. Le décret d’application précisant les missions et la composition de cette commission est en cours d’élaboration. La finalisation de ces écritures se fait en lien étroit avec l’ensemble des parties concernées.

Enfin, le décret d’application de la loi – hors les dispositions relatives à la commission interrégionale Guadeloupe, Martinique et Guyane, qui fera l’objet d’un décret spécifique – est désormais finalisé, après une longue période de concertation informelle avec les exécutifs régionaux. Il sera transmis pour consultation aux collectivités dès la fin de cette semaine, afin de permettre un examen du projet de décret lors du comité des finances locales de juillet.

La conformité de notre régime à l’encadrement communautaire des aides d’État est le dernier point à examiner pour parachever la révision de notre dispositif.

Comme vous le savez, j’ai fait procéder à la notification de ce régime à la Commission européenne en mars dernier. La commissaire européenne à la concurrence, Margrethe Vestager, que j’ai reçue lundi dernier, m’a indiqué que cette notification ne pourrait aboutir dans les délais impartis. Je le regrette profondément. Néanmoins, elle nous a rassurés : le dispositif d’octroi de mer sera pleinement opérationnel au 1er juillet prochain.

En effet, la commissaire européenne s’est engagée envers la France à ce que l’ensemble des éléments permettant d’attester la pleine conformité du régime d’octroi de mer au droit communautaire lui soient communiqués par écrit dans les délais impartis, c'est-à-dire avant le 1er juillet prochain. Notre dispositif d’octroi de mer restera donc placé, comme il l’est aujourd’hui, sous le règlement général d’exemption par catégorie, ou RGEC, qui est le règlement de droit commun pour les régimes d’aides d’État. La Commission européenne prendra par ailleurs en compte les spécificités de nos régimes d’aides, en rehaussant de quinze points les seuils applicables de cumuls d’aides afin de sécuriser pleinement les opérateurs économiques.

Ces avancées pragmatiques obtenues avec la Commission européenne nous permettent de consolider l’ancrage de nos régimes d’aides d’État au sein du RGEC grâce à une prise en compte appropriée de nos spécificités concernant tant les secteurs exclus que les seuils d’aide pour l’ensemble de nos régimes d’aide au fonctionnement. Bien évidemment, cela ne nous empêche pas de plaider en faveur d’une révision dans les meilleurs délais de ce régime général, qui n’est manifestement pas adapté aux réalités des outre-mer. Nous avons obtenu de la commissaire européenne l’engagement que cette révision serait mise en œuvre dès que possible. En attendant, ce projet de loi permet d’assurer la continuité des régimes d’aide afin qu’aucune rupture juridique ne vienne fragiliser notre tissu économique.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à vous remercier de votre investissement dans ces travaux et du soutien que vous avez apporté au Gouvernement tout au long de l’élaboration du texte et que vous lui apporterez encore aujourd’hui en adoptant ce projet de loi.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion