Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, le projet de loi modifiant la loi n° 2004-639 du 2 juillet 2004 relative à l’octroi de mer était très attendu dans les départements d’outre-mer et a suscité un vif intérêt, à la hauteur de l’importance que revêt cette taxe dans ces territoires. L’octroi de mer est vital non seulement pour le développement de leurs productions locales, mais aussi pour leurs collectivités locales. Sans cette ressource, qui représente un peu plus de 1 milliard d’euros, ces dernières seraient encore plus fragilisées financièrement qu’elles ne le sont déjà.
Le texte soumis à notre vote aujourd’hui est le fruit de longs débats et négociations entre tous les acteurs concernés. Son adoption mettra un terme à un processus législatif qui a débuté voilà plusieurs années. En tant que membre de la commission des affaires européennes, j’ai eu à défendre ce dispositif auprès des instances de l’Union européenne, aux côtés du Gouvernement.
Je tiens à cet égard à saluer votre action, madame la ministre, celle de vos collaborateurs et de vos services. Elle a été déterminante pour que nous puissions aboutir à ce texte de compromis. Il vous a fallu faire preuve de patience et d’opiniâtreté pour arriver à ce résultat en respectant l’échéance impérative du 30 juin 2015, qui marque la fin de la prorogation de l’ancien dispositif. Le nouveau dispositif prendra effet le 1er juillet prochain, ce qui est de nature à rassurer les acteurs socioprofessionnels et les collectivités locales.
Je me félicite des avancées que contient ce texte.
Le projet de loi prévoit d’abord l’extension des exonérations à un certain nombre d’activités, notamment dans les domaines de la recherche, de l’enseignement, de la santé, des organisations caritatives.
En matière de gouvernance, l’instauration d’une présidence tournante – chacun des exécutifs régionaux l’assurera à tour de rôle – de la commission de concertation sur la mise en œuvre de l’octroi de mer est plus que salutaire. Je me réjouis de l’introduction par le Sénat de cette disposition par le biais d’un sous-amendement que j’avais déposé.
En ce qui concerne les échanges entre le marché unique antillais et la Guyane, les négociations ont été âpres – à juste titre, la Guyane étant pénalisée –, mais finalement constructives, puisqu’elles ont permis d’aboutir à l’établissement d’une liste de dix produits préservés. À cet égard, je me réjouis que l’Assemblée nationale y ait inscrit le papier essuie-mains – au titre de la nomenclature 4810 –, alors que l’amendement que j’avais présenté à cette fin avait été repoussé par le Sénat. Pour autant, il appartiendra à la commission de concertation de veiller à assurer un équilibre entre les Antilles et la Guyane. Je rappelle que celle-ci avait établi une liste d’une vingtaine de produits.
Par ailleurs, les points suivants restent en suspens.
À votre demande, madame la ministre, j’avais retiré, lors de l’examen du projet de loi au Sénat, mon amendement portant sur l’instauration d’une clause de reversement entre la Guyane et le marché unique antillais, à l’instar de celle qui existe déjà entre la Guadeloupe et la Martinique. Les conseils régionaux de ces deux territoires ont indiqué qu’ils ne seraient pas opposés à la mise en place d’une clause de reversement entre la Guyane et le marché unique antillais. Ce point devra donc être prioritairement inscrit à l’ordre du jour de la première réunion de la commission de concertation.
Concernant la répartition du produit de l’octroi de mer et le prélèvement de 27 millions d’euros par an au profit du conseil général de la Guyane, je ne reviendrai pas sur les raisons de cette spécificité guyanaise, « anomalie liée à des considérations d’opportunité politique et financière », comme l’a souligné le rapporteur du texte à l’Assemblée nationale, M. Dominique Baert, mais j’insisterai de nouveau sur la nécessité d’y mettre fin. Depuis mon entrée au Sénat, j’ai déposé plusieurs amendements tendant à la suppression immédiate ou progressive de ce prélèvement, mais ils ont systématiquement été rejetés. M. Éric Doligé, conscient de la réalité du problème, avait souhaité que cette question soit traitée par la délégation sénatoriale à l’outre-mer dans les plus brefs délais. De même, M. Baert, lors de l’examen du texte à l’Assemblée nationale, a proposé la création d’une mission d’information au sein de la commission des finances. Qu’en est-il, madame la ministre ?
En tant que membre du Comité des finances locales, j’ai également alerté Mme Pires Beaune à ce sujet, car le rapport d’étape sur la réforme des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales est plus que lacunaire concernant la situation des communes d’outre-mer. Je vous ai d’ailleurs transmis, madame la ministre, une copie du courrier que l’intergroupe parlementaire des outre-mer, que j’ai l’honneur de présider, a adressé à Mme Pires Beaune. Vous le savez, le Gouvernement ne pourra pas éternellement éluder cette question. L’association des maires de Guyane a décidé d’ester en justice pour réclamer les 108 millions d’euros perdus au cours des quatre dernières années, si aucun règlement amiable n’est trouvé avec l’État. Il est inutile de vous rappeler que les besoins en Guyane sont criants, en raison des retards importants constatés dans tous les domaines et d’un fort taux de croissance démographique, supérieur à 4 %, soit le plus élevé de France et l’un des plus forts au monde. Il est urgent d’agir !
Malgré ces points cruciaux restant en suspens, je voterai le texte élaboré par la commission mixte paritaire, madame la ministre, car il est le fruit d’une réelle concertation avec les acteurs concernés. Comme d’autres, je ne peux que regretter que la prorogation ne soit que de cinq années. Il nous faudra tous réfléchir à une évolution du dispositif. En effet, au cours des entretiens auxquels j’ai participé en qualité de vice-président de la commission des affaires européennes du Sénat, à Bruxelles en juillet 2012, la Commission nous avait encouragés à anticiper la fin du régime en vigueur, rappelant l’incompatibilité de l’octroi de mer avec l’esprit du marché unique. Les services de la Direction générale fiscalité et union douanière de la Commission européenne avaient insisté sur le fait qu’un tel régime ne pouvait être que transitoire et qu’il devrait bientôt disparaître. Nous ne devons donc pas attendre pour préparer la transition vers un autre système, qui ne reposerait plus sur une taxation discriminatoire. L’horizon étant dégagé jusqu’en 2020, profitons-en pour anticiper la prochaine échéance.
Nous devons analyser l’octroi de mer sous tous les aspects : soutien au développement économique local, autonomie financière des collectivités d’outre-mer, incidence sur le coût de la vie outre-mer. Il nous faut ouvrir très en amont un débat de fond sur le meilleur moyen d’assurer le développement économique outre-mer sans fragiliser les recettes fiscales des collectivités territoriales. Je vous invite donc, madame la ministre, à ne pas rester passive, au cours des prochaines années, sur ce dossier important pour les outre-mer.