Intervention de Francis Duseux

Commission d'enquête coût économique et financier de la pollution de l'air — Réunion du 5 juin 2015 à 14h05
Audition de M. Francis duSeux président de l'ufip et de Mm. Daniel Le breton directeur marketing et jean-paul cazalets délégué environnement de total

Francis Duseux, président de l'union française des industries pétrolières (Ufip) :

L'Ufip représente tous les segments de l'industrie pétrolière en France, soit une trentaine d'entreprises, dont Total : exploitation et production d'hydrocarbures, avec 800 000 tonnes de pétrole produites chaque année, raffinage, logistique et distribution, sachant que plus de 60 % des volumes de carburant distribués le sont par la grande distribution. La France a consommé 74 millions de tonnes de produits pétroliers en 2014, soit le même volume qu'il y a trente ans, ce qui atteste de l'efficacité des efforts engagés en matière de réduction de consommation et d'économies d'énergie. En 2014, les importations gazières ont atteint 19,3 millions de tonnes, soit 50 % de la consommation, et les exportations d'essence 3,2 millions de tonnes, soit 35 % de la production.

Notre industrie est au coeur de la satisfaction des besoins économiques, notamment de mobilité. Elle contribue depuis des décennies au progrès économique du pays, à la productivité, à l'amélioration du niveau de vie, à la mécanisation et aux progrès de l'agriculture. En 2011, le pétrole représentait en France 44 % de l'énergie finale et 93 % de l'énergie du transport. Même si nous prévoyons une baisse de la consommation des carburants routiers de 20 à 30 % dans les 25 prochaines années, le pétrole restera une énergie incontournable. En comptant les emplois directs et indirects générés dans les différents secteurs, l'industrie pétrolière réunit en France près de 200 000 emplois et plus de 350 000 si l'on inclut la pétrochimie et la chimie. Chaque année, elle collecte pour le Trésor public plus de 32 milliards d'euros, dont 24 milliards de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) et 8 milliards de TVA. Elle acquitte plus de 1 milliard d'euros d'autres impôts et taxes (impôt sur les sociétés, contribution économique territoriale, etc.). Notre industrie s'adapte constamment pour répondre aux évolutions de la demande du marché national, et pour réduire ses impacts. Cependant, dans un contexte critique de surplus de capacités en Europe, notre outil de raffinage est devenu très vulnérable.

Pour répondre aux critiques liées à nos émissions, je voudrais rappeler que nous avons la pleine maîtrise de nos procédés industriels mais que nous ne sommes qu'un des acteurs de la consommation de carburants : la technologie des moteurs et des équipements, la maintenance des véhicules et le comportement de conduite sont également en cause. Nous rappelons constamment la nécessité de consommer moins et mieux et de protéger l'environnement. Des progrès considérables ont été réalisés au cours des trente dernières années. Les mesures et la surveillance des émissions au niveau local, les bilans de l'Ademe et les données publiées par le Citepa montrent que la France se classe très bien en termes d'émissions par habitant : elle émet 4,4 kilos par an et par habitant de SO2, pour une moyenne européenne de 9,1 kilos, et 12,4 kilos par an et par habitant de composés organiques volatiles, pour une moyenne européenne de 14,6. Selon le Citepa, les émissions de SO2, principal gaz émis par le secteur du raffinage pétrolier, ont diminué de 121 kilotonnes entre 1990 et 2011, soit une baisse de 70 %, alors que les traitements de brut n'ont baissé que de 30 % durant la même période. La baisse de la teneur en soufre des combustibles liquides, la moindre utilisation du fuel lourd, la mise en place d'actions d'économies d'énergie, l'amélioration du rendement énergétique des installations expliquent ces résultats. Les dépassements des valeurs-limites de concentration dans l'air sont désormais rarissimes au niveau des sites industriels, ce qui répond à une règlementation européenne exigeante, avec notamment la directive de 2010.

Le document de référence concernant le raffinage, le Bref (best references), décrit le large éventail de techniques mises en oeuvre par notre industrie pour réduire les émissions. En aval, deux directives européennes ont imposé le contrôle de la récupération des composés organiques volatiles : la directive de 1994 concerne les phases de stockage en dépôt pétrolier et de livraison dans nos stations-service, celle de 2009, la distribution à la pompe. Nous avons investi plusieurs centaines de milliers d'euros dans les camions de livraison et dans les stations-service. Le raffinage a investi 1 milliard d'euros pour fabriquer des essences et des gazoles à 10 ppm de soufre, peu émissives. A cela s'ajoute un autre milliard dédié aux capacités d'hydrocraquage, pour convertir le fuel lourd en produits légers. Aujourd'hui, on ne brûle plus de fuel lourd. Les teneurs en poly-aromatiques et en soufre ont été divisées par mille pour le gazole et l'indice de cétane augmenté. L'industrie pétrolière a ainsi développé des carburants de meilleure qualité, grâce auxquels les constructeurs ont mis au point des technologies capable de réduire les émissions des moteurs diesel jusqu'à des niveaux proches de zéro. Sans oublier les produits premium que proposent les entreprises. Alors que le trafic routier a augmenté en France de près de 35 % en kilomètres parcourus entre 1997 et 2010, les émissions de particules de diamètre inférieur à 10 microns (PM10) ont diminué de 39 %. Ces améliorations tiennent au renouvellement du parc automobile combiné à la réduction drastique des émissions de particules provenant des véhicules neufs.

La directive relative aux émissions industrielles (IED) fixe un objectif supplémentaire de réduction des émissions, et de nouvelles contraintes pour notre industrie. D'ici fin 2018, chaque site devra respecter des valeurs-limites d'émissions (VLE), alignées sur les meilleures techniques disponibles en Europe. Notre secteur a chiffré l'investissement nécessaire entre 20 et 50 millions d'euros par site, en moyenne, sans compter les frais opératoires afférant. Certains sites ne seront pas en mesure de respecter l'échéance du 1er janvier 2016 pour la mise en oeuvre des mesures liées aux grandes installations de combustion, et nous demanderons un aménagement des délais. Quant au plafond de SO2 envisagé dans le projet de directive européenne sur le plafond national d'émissions, il doit être revu à la baisse, car il est irréaliste. Nous souhaiterions également plus de flexibilité pour tenir compte d'éventuels surcroîts ou baisses d'activité...

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