Intervention de Alain Gournac

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 10 juin 2015 à 9h30
Programmation militaire pour les années 2015 à 2019 et diverses dispositions concernant la défense — Audition du général pierre de villiers chef d'état-major des armées

Photo de Alain GournacAlain Gournac :

Je suis étonné, et déçu pour tout dire, de l'évolution du programme A400M. Nous avions fondé beaucoup d'espoirs sur cet avion. Comment voyez-vous l'avenir sur ce sujet ? Par ailleurs, quelles sont vos orientations en ce qui concerne l'évolution du nombre des officiers généraux, ce qu'on appelle le « dépyramidage » ? Enfin, est-ce que le nombre de 7 000 militaires pour la protection nationale est arrêté de manière durable ou sera-t-il amené à évoluer ?

Général Pierre de Villiers.- La réserve est l'incarnation de la défense de la Nation, en particulier sur le territoire. Concernant la réserve civile, j'ai tenu à ce que le texte comporte des dispositions relatives à la cyberdéfense. Certains civils ont des compétences éminentes et sont très désireux d'en faire profiter la défense nationale : il faut moderniser la réserve pour les attirer davantage.

Quant à la situation en Irak d'une part, au Yémen d'autre part, elle relève avant tout de la diplomatie. Certes, la campagne aérienne de la coalition a produit des effets. Mais les forces disponibles au sol sont encore insuffisantes face à Daech. Je rappelle que nous n'en sommes qu'au 9e mois d'une campagne qui doit durer au moins 3 ans : il faut s'inscrire dans le temps long, que le rythme de nos sociétés fait perdre de vue. J'ai coutume de dire qu'il faut quinze ans pour résoudre une crise : regardons le Kosovo ! Il faut en outre une approche globale, politique, diplomatique et économique, telle qu'elle a été discutée lors de la dernière réunion des ministres des affaires étrangères de la coalition en format « small group ». D'un point de vue militaire, nous continuerons à participer aux opérations avec nos avions, à former les Peshmergas à Erbil et les forces irakiennes à Bagdad.

En ce qui concerne la coopération européenne, elle existe sur le terrain depuis des années ! Lorsque j'étais en Afghanistan, j'avais sous mes ordres un bataillon turc, un bataillon italien et un bataillon français, et mon état-major regroupait 15 pays, pour la plupart européens. La veille de ma dernière réunion à l'OTAN, j'assistais à la réunion des chefs d'état-major européens ! Il faut promouvoir des coopérations européennes sur des projets précis, comme c'est le cas par exemple en matière de transport aérien. Il existe bien une action européenne comme on le voit dans les opérations menées pour la formation des forces maliennes (EUTM Mali). En revanche, il est indispensable de bien réfléchir à la répartition des missions entre les différentes institutions, en particulier entre l'Union européenne et l'OTAN, afin d'éviter les redondances : ne sont-ce pas les mêmes moyens, les mêmes hommes, les mêmes crédits ? En tout état de cause, je suis en contact permanent avec mes partenaires européens et la coopération sur le terrain est une réalité, que ce soit au Mali, en République centrafricaine ou dans le golfe d'Aden avec l'opération Atalante, sans oublier l'opération, en cours de préparation, sur les migrants en Méditerranée. Certes, certains aspects de cette coopération restent perfectibles : je pense notamment à la clarification de la chaîne de commandement. Au total, cette dimension européenne n'a pas évolué par rapport à la LPM, c'est pourquoi je ne l'avais pas évoqué spontanément.

L'A400M est assurément un exemple de programme perfectible. Pour ma part, j'ai un besoin crucial de cet avion et je subis directement les retards du programme. L'A400M sera un bon avion, j'en suis certain. Il y aura des enseignements à tirer de cette expérience, loin de toute idéologie.

Par ailleurs, je me suis lancé dans une politique de dépyramidage clairement affichée : il y aura moins d'officiers généraux et moins de colonels. La tendance naturelle en temps de paix est d'augmenter le poids des états-majors. Au contraire, il faut rétablir le lien entre grade, responsabilité et rémunération et garantir des carrières attractives aux bons éléments.

La question des 7 000 hommes de l'opération Sentinelle doit être replacée dans le contexte plus large de la posture d'ensemble de nos forces : défense aérienne, cyberdéfense, action de l'Etat en mer, protection des flux maritimes, etc. Les 7 000 hommes de Sentinelle ne doivent assurément pas faire le même travail que des policiers ou des gendarmes, en raison de leurs modes d'action, de leurs équipements, et de leurs savoir-faire. Le Président de la République a décidé que cette opération s'inscrivait dans la durée car elle est nécessaire pour assurer la protection des citoyens et pour maintenir leur confiance en l'Etat. Nous diminuerons peut-être un peu l'amplitude pendant l'été. Mais aujourd'hui, qui peut convaincre les Français qu'il n'est plus nécessaire que les soldats assurent cette mission, compte tenu du risque persistant d'attentats ?

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