Je suis accompagné par M. Jean-Yves Ollier, directeur général de la CRE.
Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, MM. Philippe de Ladoucette et Jean-Yves Ollier prêtent serment.
La CRE a été créée en 2000 suivant une obligation européenne. Comme les 27 autres régulateurs européens, elle est membre du Conseil des régulateurs européens de l'énergie (CEER) et du conseil d'administration de l'Agence de coopération des régulateurs de l'énergie (Acer), créée en 2009. Elle assure le bon fonctionnement des marchés de l'électricité et du gaz naturel et vérifie qu'il respecte les objectifs de la politique énergétique, notamment la réduction des émissions de gaz à effet de serre, la maîtrise de la demande d'énergie et le développement de la production d'énergie renouvelable. L'ouverture des marchés de l'énergie, entre 2003 et 2007, a reposé sur la séparation entre activités : d'une part la gestion des réseaux de transport et de distribution d'électricité et de gaz, monopoles naturels ; d'autre part la production et la fourniture, ouvertes à la concurrence.
La première mission de la CRE est la régulation des réseaux. Elle veille à l'absence de discrimination dans l'accès aux réseaux en examinant les contrats entre leurs gestionnaires et les utilisateurs.
La CRE participe activement à la construction du marché européen de l'énergie, notamment par le couplage de marché en électricité, et à la rédaction des codes européens de réseaux en gaz et en électricité. Elle approuve les plans d'investissement des gestionnaires de réseaux de transport et les codes de bonne conduite.
Concernant la production et la fourniture, elle surveille les transactions sur les marchés de gros d'électricité, de gaz naturel et de quotas de C02, en coopération avec l'Autorité des marchés financiers (AMF) depuis la loi de régulation bancaire et financière de 2010. Elle est membre actif de la mission de surveillance des marchés européens dans le cadre du règlement européen sur l'intégrité des marchés de gros de l'énergie (Remit), en coordination étroite avec l'Acer.
La CRE surveille les transactions et les offres des marchés de détail, en particulier leur cohérence avec les contraintes économiques et leur transparence. En matière de gaz, le décret du 16 mai 2013 lui donne compétence d'analyser chaque année l'ensemble des coûts des vingt-cinq opérateurs historiques et de vérifier la bonne application de la formule tarifaire. Elle se concentre sur GDF-Suez, ne pouvant agir que de façon réduite pour les entreprises locales de distribution.
La CRE émet un avis sur les tarifs réglementés de vente d'électricité envisagés par le gouvernement. Au 1er janvier 2016, le système s'inversera, c'est elle qui les proposera, conformément à la loi portant nouvelle organisation du marché de l'électricité (Nome). La CRE applique d'ores et déjà la méthode de construction des tarifs d'électricité par empilement. Elle devra aussi fixer le prix de l'accès régulé à l'énergie nucléaire historique (Arenh) pour les concurrents d'EDF, dès que les modalités de calcul seront établies.
L'ensemble des responsabilités de la CRE sur les tarifs de vente porte sur un montant de 15 milliards d'euros. Le montant des charges de service public, calculé par notre commission, s'élève actuellement à 6,2 milliards d'euros. Les agents de la CRE préparent les décisions des six membres du collège portant sur les composantes du prix de l'énergie, sur des montants cumulés annuels représentant près de 45 milliards d'euros, dont 23 pour les tarifs régulés, 15 pour la part fourniture des tarifs réglementés de vente et 6,5 pour la contribution de service public de l'électricité (CSPE).
L'activité de la CRE liée aux énergies renouvelables s'est fortement développée puisqu'elle émet à présent un avis sur les projets d'arrêtés fixant les tarifs de rachat et, surtout, gère les appels d'offres, qui ont triplé en nombre depuis 2011. En 2014, la CRE a instruit 2 000 dossiers de candidature. Cette année, 600 dossiers ont été déposés pour le dernier appel d'offres. En 2014, la Commission européenne a défini le recours aux appels d'offres comme le mécanisme de droit commun du soutien aux énergies renouvelables. La CRE devrait donc jouer un rôle renforcé dans ce domaine. Le projet de loi relatif à la transition énergétique accroît lui aussi les missions de la CRE sur la CSPE, les réseaux intelligents, le stockage de gaz, l'énergie dans les collectivités d'outre-mer.
La CRE organise des auditions, des consultations publiques, elle publie des rapports. La concertation a par exemple porté sur la fin des tarifs réglementés d'électricité et de gaz naturel pour les professionnels. Nous avons pallié l'absence de communication du gouvernement en adressant une lettre à 10 000 professionnels abonnés au gaz pour leur rappeler que, faute d'avoir choisi un opérateur au 1er octobre prochain, ils verraient leur facture augmenter de 20%.
La CRE en 2014, c'est 82 jours de commissions, 243 délibérations, en hausse de 34% par rapport à 2013, 98 auditions, en augmentation de 40%, 22 consultations publiques, 90 réunions de concertation. Les arbitrages budgétaires rendus depuis 2010 ont fortement réduit les effectifs de la CRE, passés de 131 emplois à temps plein, dont trois commissaires, à 130 en 2014 et 124 en 2015, dont six commissaires. La réduction devrait se poursuivre avec 119 emplois en 2016 et 115 en 2017, soit une baisse de 15% des effectifs. Nous n'avons jamais atteint le nombre d'emplois correspondant à nos besoins. Chez nos homologues, les effectifs sont plus élevés, de l'ordre de 700 au Royaume-Uni et de 200 à 300 en Allemagne, en Espagne ou en Italie.
En conséquence, nous avons strictement réduit les fonctions support au profit des fonctions opérationnelles de régulation et fusionné les directions chargées de la régulation des réseaux d'électricité et des infrastructures de gaz au 1er janvier 2015. L'organisation est sous tension et les conditions d'exercice de nos missions se dégradent. L'accumulation des compétences s'est faite sans considération des moyens budgétaires nécessaires. Le délai de rédaction des cahiers des charges des appels d'offres pour les énergies renouvelables est passé de deux à plus de six mois et la CRE risque de ne plus pouvoir assurer les délais d'instruction des dossiers. Les travaux de surveillance des marchés de détail ont été fortement ralentis, quand la fin des tarifs réglementés de vente impose pourtant une vigilance particulière. Ainsi, la CRE n'a pas publié de rapport sur les marchés de détail depuis 18 mois.
La faiblesse des moyens constitue un risque juridique. J'ai demandé au Premier ministre des moyens complémentaires dans le cadre du contentieux sur la contribution au service public de l'électricité, pour lequel la CRE a reçu 55 000 demandes de remboursement (dont 13 000 ont donné lieu à des recours contentieux), dès lors que la qualification d'aide d'État a été prononcée, concernant le soutien à la production éolienne financé par cet impôt. Le Conseil d'État pourrait condamner l'État à rembourser, ce qui nécessiterait l'embauche de 66 à 192 emplois à temps plein supplémentaires pour traiter les dossiers puisque le ministère de l'écologie a conclu à la compétence de la CRE.