Intervention de Patrice Gélard

Commission d'enquête Autorités administratives indépendantes — Réunion du 17 juin 2015 : 1ère réunion
Audition de M. Patrice Gélard ancien sénateur auteur de rapports d'information ainsi que d'une proposition de loi organique et d'une proposition de loi sur les autorités administratives indépendantes

Photo de Patrice GélardPatrice Gélard, ancien sénateur :

J'ai ainsi découvert qu'elle me coûtait plus qu'elle ne me rapportait, que nous y travaillions beaucoup et que nous étions hébergés par le ministère de l'économie et des finances dont nous sommes indépendants - jusqu'à un certain point. J'ai été surpris d'être soumis à une déclaration d'intérêts, alors que tous les membres représentent par construction des intérêts : communes, départements, ou assemblées parlementaires.

Le nombre d'AAI augmente mais elles se camouflent de plus en plus, sous des appellations diverses telles qu'autorité publique indépendante, ou des statuts différents : constitutionnel comme le Défenseur des droits, ou législatif, mais à un degré variable, certaines relevant de décrets pour de nombreux aspects.

Le problème de la logistique n'est en général réglé ni par la loi, ni par le règlement. Les locaux, d'abord, dont certains coûtent très cher à la location : or toutes les AAI veulent être au centre de Paris. L'idée est apparue d'un regroupement de toutes les AAI - ce qui n'est pas forcément une bonne solution, car certaines méritent une vitrine propre, comme le Défenseur des droits. Le personnel, ensuite, qui donne lieu à un mélange des genres impressionnant : fonctionnaires détachés ou pseudo-détachés, c'est-à-dire cumulant l'avancement dans leur corps d'origine et avantages spécifiques à l'AAI où ils travaillent. Il y a des économies de moyens à faire, par exemple en évitant qu'il y ait une voiture et un chauffeur par autorité. Il faudra réfléchir sur le statut du personnel, dont les liens avec les ministères risquent de porter atteinte à l'indépendance des membres eux-mêmes, car ces agents préparent le travail, rédigent les décisions, comme au Conseil Constitutionnel où l'influence du secrétaire général est bien connue.

Le nombre des AAI pose problème, mais aussi leur indépendance. Le statut des membres désignés par l'Assemblée nationale, le Sénat ou les collectivités territoriales varie considérablement. Certains sont bénévoles ou presque : pour ma part, chaque séance me coûte 100 à 150 euros nets, et je devrai en plus payer des impôts sur les maigres indemnités que je perçois ! Il n'en va pas de même partout... Si les fonctions sont lourdes, la rémunération est indispensable, mais elle ne doit pas être trop élevée. Il faudra légiférer sur ce point.

Certaines AAI ont des réseaux locaux, comme le Défenseur des droits ou le Contrôleur général des lieux de privation de liberté. Certaines n'en ont pas et ignorent dès lors ce qui se passe sur le terrain - elles n'en ont pas les moyens, parfois pas le désir. Cette anomalie doit être étudiée à la loupe. La question fondamentale reste : pourquoi l'État multiplie-t-il avec la complicité des parlementaires le nombre des AAI ?

Il y en a de plusieurs sortes : celles qui bénéficient de ressources propres, et s'assurent ainsi une indépendance financière dont ne peuvent se prévaloir les autres, pas même le Défenseur des droits ; celles qui peuvent infliger des sanctions et celles qui ne nuisent à personne - je ne crois pas, personnellement, que le statut d'AAI pour ces dernières, soit utile. Les gouvernements ont profité de l'institution des AAI pour se désengager officiellement, disant : ce n'est plus mon problème, si cela tourne mal, je ne suis plus engagé. En réalité, l'Etat les contrôle toujours, puisqu'il les finance et nomme leurs membres.

Il faudrait s'interroger sur leur utilité. Certaines sont indubitablement nécessaires : le Défenseur des droits est un des éléments constitutifs de la démocratie, comme la Cnil. D'autres sont superfétatoires, comme cette AAI logée à la Banque de France, alimentée par elle, dont le président est le gouverneur et dont tous les membres sont nommés par la Banque de France... C'est une commission interne à la Banque de France, non une AAI ! Toute administration doit avoir un médiateur, mais il n'est pas nécessaire qu'il lui soit extérieur. Les AAI qui ne donnent que des avis devraient être des commissions internes. Il faudrait aussi prolonger l'étude comparative avec l'étranger, pour déterminer les structures qui existent par obligation européenne, dans tous les Etats membres - mais là aussi, d'autres formules sont peut-être à inventer.

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