Monsieur le président, madame la rapporteur, messieurs les rapporteurs pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, avant d’aborder la prime d’activité, j’indiquerai en quoi ce dispositif s’inscrit dans l’action que le Gouvernement mène pour la rénovation de la protection sociale.
Le soixante-dixième anniversaire de la sécurité sociale – nous aurons l’occasion d’en reparler, même si celui-ci sera principalement célébré en dehors des hémicycles – sera l’occasion non seulement de rappeler l’attachement des Français à cet instrument de solidarité, mais aussi de montrer en quoi la sécurité sociale est non pas simplement une vieille dame alerte, mais profondément en phase avec les enjeux de la présente période.
La force de notre protection sociale est d’avoir toujours su s’adapter aux nouveaux défis auxquels doivent faire face nos concitoyens. En effet, protéger les Français eu égard aux risques auxquels ils sont exposés suppose de prendre en considération l’évolution de ceux-ci et de ne pas ignorer les changements de notre environnement. Cette nécessité est d’autant plus vraie compte tenu de la période actuelle, puisque la France de 2015 connaît encore les effets de la crise, même si les moteurs de son économie redémarrent.
La France, frappée en son cœur par le terrorisme, a refusé de céder aux sirènes de la division. Même si elle doute parfois, elle sait se rassembler pour aller de l’avant. Dans cette France qui se remet en mouvement, notre sécurité sociale est porteuse d’espoir, puisqu’elle est l’incarnation quotidienne des valeurs de la République.
Depuis maintenant trois ans, nous agissons pour adapter la sécurité sociale aux besoins de tous, et telle est bien la finalité de la mise en place de la prime d’activité, figurant au titre IV du présent projet de loi. Afin de mieux valoriser le travail, il faut proposer à nos concitoyens un dispositif qui réponde à leurs préoccupations.
Cependant, et je le dis d’emblée, il ne s’agit pas d’entrer dans un débat qui conduirait à opposer les Français les uns aux autres ou de « surfer » sur la rengaine de l’assistanat, que l’on entend trop souvent par les temps qui courent, car les Français veulent travailler, ils veulent que leur travail leur permette de vivre dignement.
Cela étant, reprendre un emploi, passer du temps partiel au temps plein permet, certes, d’avoir des revenus supplémentaires, objectif recherché et élément positif, mais cela peut aussi représenter des coûts supplémentaires, parfois importants, tels que les nouveaux frais de déplacement, d’équipement ou de garde d’enfant, ce au moment même où les aides sociales diminuent de manière logique, car elles doivent bénéficier à nos concitoyens les plus pauvres.
Lors de la reprise d’une activité, un certain nombre de Français ont parfois le sentiment que le travail ne rapporte pas ce qu’ils en espéraient en termes de valorisation et de revenus. C’est pourquoi nous avons l’ambition, avec la prime d’activité, de garantir que le travail soit toujours valorisé, en accompagnant en particulier ceux qui ne percevront plus le revenu de solidarité active, ou RSA, car ils reprennent un emploi ou en soutenant ceux qui, travaillant à temps partiel, augmentent la durée de leur travail parfois jusqu’à un temps plein.
Les dispositifs qui existent aujourd’hui à cet égard – le RSA activité et la prime pour l’emploi – fonctionnent mal. La prime pour l’emploi est perçue un an après par des salariés qui ne savent pas toujours pour quelle raison et qui ne l’ont pas forcément identifiée. Le décalage d’une année empêche d’ailleurs d’établir le lien entre l’activité à un moment donné et la perception de la prime. Quant au RSA activité, il n’est demandé que par moins d’un tiers de ceux qui pourraient y prétendre, et son appellation même entraîne une confusion entre soutien au travail et lutte contre la pauvreté.
Le présent texte prévoit donc de supprimer la prime pour l’emploi et le RSA activité, et les sommes qui étaient allouées à ces deux mécanismes seront dédiées au financement de la nouvelle prime d’activité.
Le dispositif proposé s’adresse à ceux qui ont parfois le sentiment de donner sans recevoir beaucoup, à ceux qui, comme nous l’entendons parfois exprimer, ont le sentiment de ne pas « cocher les bonnes cases » : d’un côté, leurs revenus étant trop élevés, ils ne peuvent prétendre aux aides sociales, logiquement et nécessairement ciblées en direction des ménages les plus pauvres ; de l’autre, ne gagnant pas assez pour être imposables, ils ne sont pas concernés par les allégements de l’impôt sur le revenu. Ce mécanisme a été pensé et organisé pour eux. Ce sont nos concitoyens qui perçoivent entre 900 euros et 1 300 euros par mois qui auront le gain de pouvoir d’achat le plus important par rapport à ce qui existe aujourd’hui.
J’y insiste, la prime d’activité n’est pas un dispositif de lutte contre la pauvreté. Des mesures ont déjà été prises à cette fin – d’autres seront envisagées –, qu’il s’agisse de la revalorisation exceptionnelle de 10 % du RSA socle en faveur de ceux qui n’ont aucune activité d’ici à la fin du quinquennat, de la revalorisation de 25 % à 50 % de certaines allocations familiales versées aux ménages pauvres, ou encore d’autres dispositifs qui concernent l’éducation, le logement ou le travail.
Cette prime vise en réalité à accompagner la reprise d’une activité ou l’augmentation du temps de travail du salarié. Par conséquent, cette prestation est principalement individuelle – j’y insiste également –, même si elle tient compte de la situation familiale de la personne concernée. Aujourd’hui, les parents dont l’activité est réduite ou qui perçoivent le RSA bénéficient d’une revalorisation de leur allocation. Refuser de considérer la situation familiale en l’espèce reviendrait à pénaliser les parents, en particulier les parents isolés. Concrètement, une mère seule ayant un enfant à charge touchera, si elle travaille à temps plein et perçoit le SMIC, 290 euros supplémentaires par mois, alors qu’une personne seule sans enfant mais percevant des revenus identiques verra sa prime d’activité avoisiner les 130 euros par mois.
Aider les familles monoparentales, notamment les mères seules, à reprendre le travail ou à augmenter leur temps d’activité et à concilier vie professionnelle et vie familiale fait aussi partie des engagements du Gouvernement.
La prime d’activité traduit enfin notre engagement en faveur de la jeunesse. Actuellement, seuls 5 000 jeunes bénéficient du RSA activité. Cette prime constitue donc un droit nouveau pour les jeunes actifs, puisqu’ils pourront y prétendre dans les mêmes conditions que tous les autres salariés actifs. L’âge ne sera plus un facteur discriminant : c’est le travail qui représentera la porte d’entrée à l’obtention de la prime d’activité, quel que soit l’âge du salarié de plus de dix-huit ans.
Environ un million de jeunes pourront demain être accompagnés par cette prime, y compris certains étudiants et apprentis dont le temps d’activité est suffisamment important pour qu’ils puissent être considérés plus comme des actifs étudiants que comme des étudiants ayant une activité.
Avec cette réforme, nous démontrons que la protection sociale contribue bien à reconnaître des droits au travail.
Certains estiment, je l’indiquais tout à l’heure, que la protection sociale « flirte » – pardonnez-moi cette expression – avec l’assistanat. Au contraire, il s’agit de renforcer les liens existants entre l’activité et la protection face aux risques de notre environnement.
Tel est aussi le sens d’autres mesures figurant dans le présent texte.
Je me contenterai maintenant pour ma part de souligner l’importance des dispositions prises afin de préciser les contours du compte pénibilité qui représente une avancée sociale majeure, en ce qu’il permet aux salariés exposés à des conditions de travail pénibles, dont l’espérance de vivre en bonne santé est plus courte que celle des autres, de partir à la retraite avant ces derniers. C’est ce que l’on appelle la justice : permettre à des hommes et à des femmes se trouvant dans des situations plus exposées de pouvoir bénéficier d’un départ à la retraite anticipé.
Je le rappelle, le dispositif est déjà entré en vigueur, contrairement à ce que certains croient parfois : dès cette année, 1 million de salariés seront couverts par le compte pénibilité ; l’an prochain ce nombre passera à 3 millions, lorsque les dix facteurs identifiés pourront être pris en considération.
Grâce aux mesures de simplification proposées dans ce projet de loi, la mise en œuvre du dispositif par les entreprises à l’égard de leurs salariés les plus exposés sera facilitée, et je m’en réjouis.
Mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons besoin d’une protection sociale innovante, dynamique, modernisée, afin de répondre aux attentes de nos concitoyens.
La prime d’activité représente en ce sens une avancée majeure pour celles et ceux qui travaillent mais perçoivent des revenus modestes, situés entre 0, 5 SMIC et 1, 3 SMIC environ, c’est-à-dire entre à peu près 700 euros et 1 350 euros par mois ; elle sera particulièrement concentrée autour des revenus de l’ordre de 900 euros à 1 300 euros.
L’examen de ce texte par la commission des affaires sociales a montré que le dispositif lui-même rassemble très largement. C’est donc collectivement que nous pouvons nous adresser à nos concitoyens qui pourront en bénéficier. Nous leur garantissons qu’ils pourront eux aussi, quels que soient les secteurs dans lesquels ils travaillent, compter sur la solidarité collective.