Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte que nous examinons s’inscrit dans la lignée de l’accord national interprofessionnel sur la compétitivité et la sécurisation de l’emploi et du projet de loi Macron : il conduit, en effet, à de nouveaux reculs pour les droits des salariés !
Ce projet de loi vient en débat alors que le Gouvernement annonce de nouvelles mesures qui visent notamment à davantage exonérer les employeurs de leurs responsabilités, telles que la suppression de certains seuils sociaux, privant ainsi les collectivités territoriales de 500 millions d’euros de versement transport – qui paiera d’ailleurs cette générosité ? –, ou encore le gel pendant trois ans des effets du franchissement des seuils de cinquante salariés.
Monsieur le ministre, derrière la volonté apparente de moderniser le dialogue social dans les entreprises, qui se traduit ici par la modification des règles de représentation des salariés, vous affaiblissez davantage encore les droits des salariés, notamment celui de se défendre au sein de l’entreprise.
Lorsque vous mettez en avant la création de commissions paritaires régionales interprofessionnelles pour les 4, 6 millions de salariés travaillant dans les très petites entreprises, vous oubliez de préciser que ces commissions seront extrêmement éloignées géographiquement des salariés et que les membres de ces commissions auront, en réalité, très peu de pouvoirs.
En outre, vous portez un coup supplémentaire aux salariés en étendant la délégation unique du personnel, la DUP, aux entreprises de moins de trois cents salariés ! En effet, ceux-ci verront probablement disparaître, à terme, le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, le CHSCT, au profit de cette délégation unique.
À tout le moins, le rôle des comités sera affaibli, car, au sein de la nouvelle DUP, les mêmes élus, pourtant moins nombreux et dotés d’un crédit d’heures de délégation moins élevé, devront tenir tous les rôles : celui de délégué du comité d’entreprise, de délégué du personnel et de membre du CHSCT. Chacun devra donc acquérir des compétences dans des domaines aussi techniques et divers que l’analyse du budget d’une entreprise, la maîtrise du droit du travail, de la santé, de la sécurité et des conditions de travail.
Le risque est donc grand que ces différents sujets, particulièrement la santé, la sécurité et les conditions de travail, soient traités d’une manière moins approfondie qu’auparavant.
Enfin, en renvoyant à un décret le détail des moyens alloués aux différentes instances représentatives du personnel, vous ne nous rassurez pas sur la réalité de vos objectifs !
Par conséquent, nous déposerons des amendements visant à inscrire dans le texte que le nombre d’heures de délégation et de représentation des salariés sera le même dans le cadre de la DUP qu’avant le regroupement.
Nous souhaitons également nous opposer fortement à la suppression de l’autonomie et de l’indépendance des CHSCT. C’est un véritable enjeu pour les employeurs que de restreindre les possibilités et les moyens dont dispose ce comité pour mettre en évidence les risques qu’encourent les salariés.
Actuellement, le CHSCT ne dispose d’aucun budget propre. En conséquence, c’est à l’employeur qu’il revient de fournir au comité les moyens nécessaires à son fonctionnement dans le cadre des missions qui lui sont confiées. Demain, ce ne sera plus le cas, puisque le budget du CHSCT sera intégré au budget de la délégation unique, et les prérogatives nécessairement limitées. À titre d’exemple, les missions d’expertise, qui sont actuellement réalisées, soit à l’initiative du comité d’entreprise, soit à l’initiative du CHSCT, seront soumises à des délais restreints et limitées par la prise en charge financière de l’employeur, à hauteur de 20 %.
Monsieur le ministre, en rassemblant les négociations obligatoires en trois séquences – rémunération et temps de travail, qualité de vie au travail, et emploi –, vous avez écarté de facto des sujets importants comme celui de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes !
Malgré la mobilisation des associations féministes et de personnalités politiques, le rapport annuel de situation comparée des conditions générales d’emploi et de formation des femmes et des hommes, obligatoire depuis 1983 pour les entreprises de plus de cinquante salariés, a été supprimé et n’a pas été rétabli pour le moment. Ce n’est pas avec la création d’une simple rubrique sur l’égalité professionnelle dans la base de données économiques et sociales que les droits des femmes avanceront véritablement dans l’entreprise. Nous déposerons donc des amendements qui visent à créer des dispositifs en faveur de l’égalité professionnelle, notamment le rétablissement de la négociation consacrée à l’égalité professionnelle, accompagnée de sanctions.
Ce texte prévoit aussi la création d’une prime d’activité, dont l’enveloppe financière, qui reste pourtant constante, doit couvrir un nombre plus élevé de bénéficiaires que pour la prime pour l’emploi et le RSA activité, auxquels elle se substitue. Cette prime, qui tient compte des ressources du foyer fiscal, est considérée comme un soutien au pouvoir d’achat et un encouragement à la reprise d’emploi. Toutefois, sa montée en charge financière nous semble aléatoire, car elle dépendra du taux de recours, dont on sait qu’il est très bas pour le RSA actuel et dont il faut souhaiter qu’il remonte, évidemment !
Nous sommes convaincus que cette mesure sera en fait d’une portée limitée, et qu’elle ne pourra pas régler la question, fondamentale, de la progression de la pauvreté dans le salariat, le phénomène des travailleurs pauvres. Or l’explosion des contrats courts et atypiques, le nivellement par le bas des salaires sont une réalité, aujourd’hui, de plus en plus prégnante !
Nous pensons, pour notre part, que le Gouvernement aurait dû donner la priorité à la revalorisation des salaires, en premier lieu à celle du SMIC, et à la reconnaissance par les entreprises des compétences, des diplômes et des qualifications, ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui, en particulier pour les jeunes.
Enfin, en ce qui concerne le régime d’indemnisation des intermittents du spectacle, lors de l’examen du texte en commission, la droite sénatoriale a supprimé le dispositif prévu pour l’élaboration des règles des annexes VIII et X, en votant un dispositif de concertation renforcée, ce qui ne correspond pas à l’accord trouvé par les organisations du spectacle. Sur ce point comme sur d’autres, nous avons trop souvent pu constater la proximité idéologique entre la droite et le Gouvernement !
Si nous sommes favorables à une modernisation de la représentation des salariés au sein des entreprises, elle ne peut conduire qu’à des droits nouveaux pour les représentants des salariés ! Nous montrerons, tout au long des débats, notre volonté de nous opposer à toutes les tentatives – d’où qu’elles émanent ! – de réduire les droits des salariés et leur pouvoir d’intervention. C’est pourquoi nous avons déposé 85 amendements sur ce projet de loi.
Sur le fond, nous combattrons la posture idéologique qui veut que la participation des salariés à la vie de leur entreprise, leur consultation et leurs droits d’intervention, soient, eux aussi, des contraintes, alors qu’il s’agit au contraire de leviers incontournables de la performance économique !
Je regrette sur ce point les revirements du groupe socialiste et du ministre, sous le prétexte, trop facile, de la simplification ou de la rationalisation.
Pour notre part, nous resterons fidèles aux idées de la gauche et voterons contre ce texte qui, en l’état, consacre des reculs graves en matière de droit d’information et d’intervention des salariés dans les entreprises.