Madame la présidente, madame la rapporteur, mes chers collègues, je m’étonne de l’opposition, pour une part très virulente, que suscite l’extension des commissions paritaires régionales interprofessionnelles prévue par l’article 1er, et je la regrette.
La reconnaissance des droits individuels et collectifs des salariés est d’autant moins spontanée qu’elle est visiblement toujours confrontée à un réflexe d’opposition ancestral, qui a toutes les apparences du paternalisme en cours à la fin du XIXe siècle. L’échange direct entre un employeur et son salarié serait préféré à un dialogue social formalisé - l’un n’empêche pourtant pas l’autre - et l’accès des membres de la commission paritaire à l’entreprise constituerait une ingérence.
C’est très exactement ce qu’exprimait cet extrait du règlement des verreries d’Épinac de Saône-et-Loire : « Les demandes et réclamations personnelles seront toujours examinées avec bienveillance, mais jamais aucune délégation ne sera reçue […]. Tous les ouvriers […] s’engagent à ne jamais introduire dans l’usine l’ingérence d’aucun syndicat […]. » Il date, mes chers collègues, de 1850 !
Ce sont là incontestablement les signes d’une immaturité, qui plus est propre à la France, à l’inverse par exemple de la cogestion ou de la représentation des salariés dans les TPE chez nos voisins allemands.
Et c’est bien parce que cette « culture de la négociation » n’est pas ici encore suffisamment ancrée qu’il est particulièrement et d’autant plus nécessaire d’en généraliser les structures. Cette disposition est donc logiquement présentée à la suite de l’échec de la négociation interprofessionnelle à laquelle le ministre du travail avait convié les partenaires sociaux en juillet 2014.
Je rappelle, s’agissant de la présence de représentants de salariés dans les entreprises, que 74 % des entreprises dont l’effectif est compris entre 50 et 99 salariés n’ont aucune instance représentative : ce ne sont donc pas elles qui posent problème.
Je relève, tout au contraire, qu’à la suite de la loi de 2013, la conflictualité des plans sociaux a été réduite de 30 % à 8 %.
Le dialogue social est en effet aussi partie prenante de la compétitivité hors coûts des entreprises : la transaction, grâce à la médiation et à la négociation, est humainement et financièrement évidemment préférable au contentieux, particulièrement pour un patron de TPE.
Dire, comme cela a pu être dit notamment à l’Assemblée nationale, que ce projet de loi n’a rien à voir avec la politique de l’emploi et ne répond pas au problème du chômage est tout à fait faux : c’est mal connaître la réalité d’une entreprise et de ce qui est déterminant dans ses coûts. Le dialogue social est à la fois un impératif démocratique en même temps qu’un levier économique.
C’est à cette évidence que se sont elles-mêmes rendues les entreprises du secteur de l’artisanat, qui ont mis en place ces commissions paritaires régionales par l’accord du 12 décembre 2001 signé avec cinq confédérations. Ces commissions ont fait la preuve de leur viabilité et de leur utilité. La branche agricole et les professions libérales ont négocié des accords similaires afin de créer des commissions territoriales de dialogue social. C’est cette démarche que ce projet de loi entend poursuivre.
Le projet du Gouvernement est d’autant plus pragmatique qu’il maintient les commissions paritaires régionales déjà en place, dès lors qu’elles exercent les mêmes attributions et comprennent au moins dix membres.
Cet article 1er constitue donc, à tout point de vue, un progrès : pour les 4, 6 millions de salariés privés jusqu’à maintenant de l’exercice effectif du droit de participer, par l’intermédiaire de leurs délégués, à la détermination de leurs conditions de travail et à la gestion des entreprises ; pour les chefs d’entreprise, dont l’entreprise bénéficiera d’une moindre conflictualité et d’une plus grande attractivité.
C’est ce progrès, mes chers collègues, que nous vous proposons de soutenir et d’approuver.