Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cet après-midi, nous arrivons au terme de l’examen parlementaire du projet de loi relatif au renseignement. Après de passionnants débats, qui ont abordé des problématiques essentielles pour notre pays, nous nous félicitons que députés et sénateurs soient parvenus à un accord en commission mixte paritaire sur un texte ayant suscité un certain nombre de polémiques.
Je sais, par l’intermédiaire de mon collègue Yves Détraigne, membre de la commission mixte paritaire, que les échanges en CMP ont été riches et de qualité. Cette émulation a été, je crois, accrue par la présence de six des huit membres de la délégation parlementaire au renseignement, qui disposent d’une prise directe avec ce sujet et d’une connaissance aiguisée de ces problématiques.
Ce dialogue constructif a permis d’aboutir à un compromis, qui, loin de les avoir dénaturés, a au contraire soigné les apports de la Haute Assemblée sur le projet de loi. Permettez-moi à cet effet de saluer, une nouvelle fois, non seulement les présidents-rapporteurs Philippe Bas et Jean-Pierre Raffarin, qui ont réalisé un important travail, mais aussi l’ensemble de nos collègues sénateurs qui sont intervenus en commission et en séance pour alerter sur des mesures perfectibles et pour débattre de la conception des services de renseignement que nous voulons pour notre pays.
Alarmés par le projet de loi, beaucoup de nos concitoyens ou de groupes d’intérêts se sont en effet mobilisés et nous ont interpellés sur ce sujet hautement sensible qui les concerne dans leur vie quotidienne. C’est donc avec vigilance que le Sénat s’est emparé du texte relatif au renseignement et avec circonspection qu’il s’est érigé en gardien des libertés individuelles qu’il lui incombe de protéger.
Malgré la procédure accélérée, le Sénat a su prendre le temps de la réflexion et placer des garde-fous là où les libertés individuelles risquaient d’être mises en péril, démontrant ainsi la qualité du travail législatif qu’il est capable de mener. Je tenais à le souligner aujourd’hui, dans un contexte où le travail législatif de la Haute Assemblée n’est pas toujours mis en valeur. C’est le moins que l’on puisse dire !
Lors de la commission mixte paritaire, certaines dispositions du texte ont donné lieu à de plus longues discussions. Je voudrais revenir sur certaines d’entre elles. Je pense notamment à la possibilité offerte à l’administration pénitentiaire de recourir aux techniques du renseignement. La garde des sceaux y était opposée ; le Sénat ne l’a pas non plus souhaité, privilégiant la surveillance des détenus par des agents qualifiés des services de renseignement.
Le renseignement pénitentiaire est indispensable, non seulement à la sécurité des établissements de détention et des détenus, mais aussi au suivi des personnes particulièrement signalées, notamment celles qui sont liées à la criminalité organisée et au terrorisme. Toutefois, comme cela a été dit en CMP, l’administration pénitentiaire n’a ni la vocation ni les moyens de recourir aux outils du renseignement utilisés par la DGSI et la suspicion qu’une telle fonction ferait porter sur les personnels surveillants aurait été contre-productive.
Comme Philippe Bas vient de le rappeler, la durée de conservation des données collectées est une autre mesure ayant fait l’objet d’un consensus. Alors que les députés proposaient de retenir la date du début d’exploitation de la donnée, considérant le fait qu’une donnée collectée inerte n’est pas intrusive, c’est la solution sénatoriale qui a été retenue : le délai de conservation des données collectées commencera à courir dès le moment du recueil. C’est un meilleur moyen de s’assurer de la réalité du contrôle.
Les délais de destruction des renseignements collectés ont aussi donné lieu à un accord : pour les interceptions de correspondances, le délai de trente jours a été retenu.
Au sujet du fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions terroristes créé par le projet de loi, les personnes condamnées pour actes de terrorisme avant l’entrée en vigueur de la loi ne pourront pas être automatiquement inscrites sur ce fichier. Seule vaudra la décision du procureur de la République. C’est une décision élaborée par la commission des lois du Sénat qui nous paraît juste et sensée.
Je terminerai mon intervention par un regret. Normalement, la CMP est un lieu de recherche du consensus et de finalisation d’un accord entre les deux chambres. Or la CMP a adopté un amendement du président Jean-Jacques Urvoas visant à permettre le recours aux techniques de renseignement sans avis préalable de la CNCTR pour les populations étrangères se trouvant sur le sol français. Je sais, cher président Bas, que vous étiez opposé à cette disposition, qui ne manque pas de nous interroger, sur la forme comme sur le fond, en particulier au regard du traitement différencié qu’elle réserve aux étrangers et aux nationaux en matière de renseignement.
Monsieur le ministre, vous venez à l’instant de dissiper cette inquiétude. Je vous remercie d’avoir déposé cet amendement tendant à revenir sur celui de M. Urvoas. Bien évidemment, mon groupe le votera sans aucune réserve. Cet amendement adopté en CMP nous a semblé à tout le moins maladroit. Ce projet de loi, qui contient des dispositions assez lourdes de conséquences, a fait naître des inquiétudes légitimes chez nombre de nos collègues. Ainsi, Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture, ou Loïc Hervé ont défendu plusieurs amendements pour s’opposer notamment aux dispositifs de « boîtes noires », plaidant pour l’intervention du juge judiciaire et pour l’accès de la Commission nationale de l’informatique et des libertés aux fichiers des services de renseignement.
Cet amendement est venu conforter ceux qui s’opposaient à ce projet de loi ou qui exprimaient de très fortes réserves à son endroit. Si la position exprimée à l’instant par M. le ministre est de nature à les rasséréner, il n’en demeure pas moins que certains membres de notre groupe émettront un vote de réserve, tout comme d’ailleurs des membres d’autres groupes, au-delà des traditionnels clivages politiques. Conformément à nos usages, les membres du groupe UDI-UC voteront en toute indépendance, sachant qu’un grand nombre d’entre eux soutiendront le texte.