Intervention de Jean-Pierre Raffarin

Réunion du 23 juin 2015 à 14h30
Renseignement — Adoption des conclusions modifiées d'une commission mixte paritaire

Photo de Jean-Pierre RaffarinJean-Pierre Raffarin :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux saluer moi aussi le travail accompli. Je pense d’abord à celui de la délégation parlementaire au renseignement, dont le rapport réalisé en 2014 sous la présidence de Jean-Jacques Urvoas a permis de tracer des lignes directrices pour doter notre pays d’une véritable politique publique de renseignement. Ces préconisations ont ensuite été reprises dans un projet de loi. Cela montre que cette volonté a des racines profondes.

Je remercie du fond du cœur M. le président-rapporteur pour son esprit de tolérance, qui a également été celui de la commission des lois, laquelle a accepté un certain nombre de propositions de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Cet état d’esprit nous a permis de donner une certaine dimension, qui fait honneur au Parlement, à nos débats, lesquels se sont souvent déroulés en présence de trois ministres, même si votre implication personnelle, monsieur Cazeneuve, a été forte.

À mon sens, la question qui se pose à nous est simple : sommes-nous en guerre contre le terrorisme ? Si la réponse est oui, il est absolument nécessaire de renforcer nos services et leur action, tout en veillant à ce que nos concitoyens n’en pâtissent pas. Dans ce cadre, le projet de loi est-il un texte de plus, ne fait-il qu’apporter sa pierre à l’édifice législatif ou répond-il à la nouvelle situation qui menace gravement notre pays ?

Mes chers collègues, je vous le dis du plus profond du cœur, je suis attaché, comme vous tous, au respect de la vie privée, à ma liberté de pensée, de parole, mais le pays est-il oui ou non menacé ? Avons-nous oui ou non dans le pays des djihadistes qui sont prêts à engager contre notre démocratie des actions majeures de déstabilisation ? En ce qui me concerne, je crois que le risque est réel et qu’il est de notre devoir de nous y préparer, en vertu de notre éthique de responsabilité. Certes, je respecte l’éthique de conviction, mais je refuse que, à ce titre, on puisse mettre en cause l’efficacité de nos services. §À cet égard, j’ai entendu des propos que je trouve déplacés. En l’espèce, un travail réussi est, par définition, un travail discret. Quand un attentat est déjoué, cela ne se sait pas forcément !

Nos services vont disposer du cadre juridique qui, jusqu’à présent, leur faisait défaut. Dans le même temps, nos concitoyens seront protégés contre un certain nombre de dérives, grâce notamment à l’existence d’un recours juridictionnel. Voilà pourquoi je pense que le texte que nous examinons est équilibré.

Je dois dire que je suis assez fier que la commission mixte paritaire ait fait montre d’une grande considération pour le texte du Sénat. Les représentants de la Haute Assemblée se sont d’ailleurs rassemblés, à une exception près, contre l’amendement qui fait débat et que nous allons effacer en votant, de façon unanime, si j’ai bien compris, l’amendement du Gouvernement.

Monsieur le ministre, prenez garde à un phénomène que j’ai bien connu, qui s’apparente à une forme de baby blues : après le vote de la loi, l’équipe ministérielle pense que tout est fini. Or l’adoption du projet de loi n’est que le début du processus. Il reste en effet à mettre en place la CNCTR et à effectuer les recrutements nécessaires, ce qui sera difficile. N’oubliez pas que nous sommes pris par le temps. Selon un avis partagé au sein de la délégation parlementaire au renseignement, si le processus n’est pas engagé dès le mois de juillet, nous ne serons pas prêts à la fin de l’année. Par ailleurs, il y aura des problèmes de locaux, car on ne passe pas d’une CNCIS à sept ou huit personnes à une nouvelle structure à vingt ou trente personnes, en plus de l’organisation des services. Il y a donc urgence !

Je le répète, il me paraît essentiel de considérer ce texte, qui, je l’espère, sera adopté dans quelques minutes, non comme la fin d’un processus législatif, certes à succès, mais comme un début. Convenons-en tous, le consensus sur ce sujet est un atout pour affronter les terroristes et leur montrer que nous savons nous rassembler, comme nous l’avons fait le 11 janvier, jour où le peuple français a montré qu’il était capable d’être à la hauteur de son histoire. Dans le droit fil de cet événement, nous devons tous être à la hauteur de ce dont notre pays a besoin pour assurer son avenir.

À cet égard, je ressens une certaine fierté de voir que nous pouvons dépasser un certain nombre de clivages pour nous rassembler sur un texte important. Nous devrons ensuite le faire vivre et veiller à ce que les outils de contrôle, comme l’inspection des services de renseignement ou la délégation parlementaire au renseignement, fonctionnent bien, de même que les procédures prévues pour garantir les droits du citoyen, dans le cadre des lois de la République, avec notamment le rôle très important du Conseil d’État.

Mes chers collègues, il y a des moments dans la vie d’un sénateur où l’on peut éprouver quelque fierté.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion