Intervention de Michel Magras

Réunion du 26 juin 2015 à 9h30
Modernisation du droit de l'outre-mer — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Michel MagrasMichel Magras :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je m’associe aux propos des précédents orateurs en souhaitant un prompt rétablissement à Mme la ministre des outre-mer.

Le projet de loi qui nous est soumis me semble opportun et pertinent, car l’adaptation des dispositions qu’il contient aux besoins des collectivités, notamment du point de vue statutaire, stabilisera leurs cadres juridiques respectifs dans chacun des domaines abordés. S’agissant en particulier de Saint-Barthélemy, je saisis cette occasion pour appeler votre attention sur quelques points qui méritent d’être améliorés afin de tirer les conséquences du changement de statut de l’île.

Vous le savez, les dispositions statutaires à proprement parler font l’objet d’une proposition de loi organique qui vient d’être examinée par l’Assemblée nationale. Cette proposition de loi comporte deux dispositions majeures, qui, si elles ne relèvent pas stricto sensu du présent texte, s’inscrivent néanmoins dans une perspective de modernisation.

La première est le projet de création d’une caisse locale destinée à assurer la prise en charge administrative de la sécurité sociale, qui, vous le savez également, a été annoncé par le Président de la République lors de sa visite à Saint-Barthélemy le 8 mai dernier. Si je comprends les réticences de principe que cette disposition peut susciter, il s’agit au fond d’arbitrer entre l’unité administrative et l’adaptation pour garantir l’accès à une protection fondamentale.

L’article 4 du présent projet de loi opère, contrairement au souhait de la collectivité, un rattachement explicite de Saint-Barthélemy à la caisse de sécurité sociale de la Guadeloupe. Il tire donc les conséquences du statut mais pas de la réalité locale. La création d’une caisse locale à Saint-Barthélemy relève pourtant bien de la modernisation. Il faut savoir que, aujourd’hui, aucune présence physique de la sécurité sociale n’est assurée sur l’île, en dépit de la mise à disposition de locaux par la collectivité. Pis, toute formalité administrative complexe suppose un déplacement par avion, car le faible développement de la dématérialisation des rapports avec la caisse de Guadeloupe ne permet pas de pallier l’absence de services locaux.

Toujours sur ce sujet, la gestion distante et l’absence de contrôle effectif qui en découle conduisent à un manque à recouvrer au titre du RSI, le régime social des indépendants, évalué à plusieurs millions d’euros. C’est dire si cette question relève de la modernisation tout autant que de l’adaptation du droit au statut ; de ce dernier point de vue, Saint-Barthélemy est la seule collectivité d’outre-mer appartenant également à la catégorie des PTOM, les pays et territoires d’outre-mer, à ne pas disposer d’un régime local de prise en charge de la sécurité sociale. Autrement dit, le service minimum n’est pas assuré, et le résultat pour le citoyen est pour le moins insatisfaisant. Monsieur le secrétaire d’État, j’ai bien entendu que vous alliez proposer un amendement ; j’aurai l’occasion d’y revenir dans la suite du débat.

La seconde disposition majeure de la proposition de loi organique précitée a trait à une question charnière, à savoir un point de procédure. Il s’agit en effet de rendre plus efficace la procédure d’adoption des sanctions pénales fixées par la collectivité dans le cadre de sa participation aux compétences de l’État. À cet égard, je relève l’amendement du rapporteur visant à ratifier l’ordonnance du 7 mai 2014 portant dispositions pénales et de procédure pénale pour l’application du code de l’environnement de Saint-Barthélemy.

L’article 22 du projet de loi concerne également une question de procédure, même si elle se situe sur un plan moins « formel » que la précédente. En effet, dans les matières qui demeurent régies par le principe de l’identité législative, telles que l’aviation civile, l’État est bien compétent pour fixer les règles, y compris lorsqu’elles proviennent du droit dérivé de l’Union européenne. Saint-Barthélemy appartenant à la catégorie des PTOM, l’État dispose de toute latitude pour adapter ces règles. Cependant, que constatons-nous ? Les textes nous sont transférés sans la moindre adaptation. C’est ainsi que nous allons voter aujourd'hui l’application à l’aéroport de Saint-Barthélemy de dispositions prises pour des aéroports comme celui de Roissy.

Vous pourriez certes me répondre, monsieur le secrétaire d'État, que nous sommes consultés régulièrement. Le problème est que nous le sommes toujours dans l’urgence. Nous ne disposons donc pas du temps nécessaire pour assortir notre avis de propositions d’adaptation précises. Qui plus est, en l’espèce, nos échanges avec les services de l’aviation civile afin de les alerter sur les points nécessitant des adaptations n’ont manifestement pas été pris en compte dans la rédaction du projet de loi. Aussi vous remercierais-je de bien vouloir me préciser à qui appartient l’initiative de la proposition. Doit-on considérer qu’elle appartient à collectivité ? Si tel est le cas, il conviendrait de ne pas nous consulter dans l’urgence. Il faudrait trouver un modus vivendi qui nous permette de formuler nos demandes d’adaptation de la réglementation européenne dans un cadre garantissant leur prise en compte. Cela vaut également si l’initiative appartient à l’État.

S'agissant de l’aviation civile, je proposerai un amendement visant à sécuriser les critères de dérogation à la législation européenne relative aux aérodromes à usage restreint pour l’adapter aux caractéristiques de l’aérodrome de Saint-Barthélemy.

Le temps qui m’est imparti étant limité, je ne m’étendrai pas sur les dispositions relatives au foncier outre-mer. Il s’agit d’un sujet épineux et ô combien crucial pour le développement des outre-mer ; comme vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur, la délégation sénatoriale à l’outre-mer s’en est emparée. Je tiens seulement à souligner la qualité de ses travaux et à saluer le rapport récemment publié. Le texte nous donne l’occasion de traduire en dispositions législatives certaines des premières propositions formulées ; à cet égard, je relève les amendements des rapporteurs de la délégation.

J’en terminerai par quelques mots sur l’excellente initiative prise par le rapporteur de la commission des lois afin de réduire les délais d’habilitation du Gouvernement. Le recours trop fréquent – quel que soit le gouvernement – aux ordonnances pour l’adaptation des textes à l’outre-mer prive le Parlement d’un débat de fond. Il présente également l’inconvénient de retarder l’entrée en vigueur effective des textes, avec toutes les incertitudes que fait naître la période transitoire quant à l’issue de l’adaptation dans certains cas.

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