Intervention de Abdourahamane Soilihi

Réunion du 26 juin 2015 à 9h30
Modernisation du droit de l'outre-mer — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Abdourahamane SoilihiAbdourahamane Soilihi :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, chers collègues, la discussion de ce projet de loi nous donne l’occasion de revenir une fois de plus sur certains des nombreux problèmes qui se posent dans nos outre-mer. Loin de constituer le texte de modernisation du droit en outre-mer par excellence, il appelle quelques observations de ma part.

Premièrement, en procédant, d’une part, à la création d’un observatoire des prix à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin et, d’autre part, au changement du statut de LADOM, l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité, il nous donne l’occasion de redire quelques mots sur la vie chère à Mayotte. En effet, comme en témoignent les mesures d’urgence annoncées par le Premier ministre lors de sa visite à Mayotte il y a quinze jours, le département vit au rythme de tensions sociales permanentes. La vie est chère à Mayotte ; j’ai envie de dire qu’elle est beaucoup trop chère. Les vraies solutions résident dans la recherche d’une interconnexion très active et durable entre le secteur public et le secteur privé, qui doivent corrélativement garantir le développement économique et social du département. À terme, une telle politique permettra d’endiguer les effets dévastateurs de la vie chère à Mayotte.

Deuxièmement, la création d’un établissement public foncier est une mesure qui peut être qualifiée d’importante. Encore faut-il qu’elle soit poussée plus loin et portée au cœur des innombrables difficultés foncières que le territoire connaît de longue date. L’outil foncier pose en effet d’énormes problèmes techniques et juridiques qui ne facilitent ni le développement et l’aménagement territorial ni l’épanouissement juridique des Mahorais dans la jouissance de leur droit à la propriété. Or des pistes de solutions existent.

Vous savez sans doute, monsieur le secrétaire d’État, combien ces désagréments provoquent des blocages dans les projets et programmes opérationnels collectifs, voire dans les projets de construction des habitants de Mayotte, qui détiennent, dans leur grande majorité sans titre, des terrains bâtis ou à bâtir. En effet, la population ne comprend pas que, malgré le nouveau statut, ses conditions de vie ne s’améliorent pas et que des difficultés supplémentaires emboîtent le pas aux mesures attendues d’harmonisation dans le domaine du droit de propriété, notamment. Il faut donc poursuivre l’harmonisation du code de l’urbanisme applicable à Mayotte pour permettre la poursuite de la réforme foncière engagée avec l’élaboration du cadastre, qui n’est pas encore terminée.

Dans de telles circonstances, la mise en place des politiques foncières s’avère complexe, car les mesures prises se heurtent souvent à des objectifs parfois contradictoires, ce qui peut s’expliquer par l’intervention d’une multiplicité d’acteurs ayant parfois des objectifs divergents ou par le défaut d’informations précises sur la réalité et la qualité du foncier disponible. L’aménagement de l’espace se heurte à des contraintes et finalités parfois opposées, empêchant ainsi le développement structuré et harmonieux du territoire.

Les collectivités doivent engager des opérations de construction de logements pour offrir à tous un habitat décent, mettre en place les équipements publics nécessaires à la population, développer des parcs d’activités pour accueillir des entreprises et réaliser des infrastructures de transport pour renforcer la mobilité des habitants.

Il importe aussi de protéger les espaces naturels et les terres agricoles d’une urbanisation excessive. Les données chiffrées de l’INSEE de 2012 indiquent qu’au cours des cinq dernières années les secteurs périphériques se peuplent au détriment de la capitale Mamoudzou. Ainsi, les populations des villages côtiers de l’île sont en forte croissance, accusant une augmentation annuelle supérieure à 4, 8 %, toujours d’après les chiffres de l’INSEE de 2012. La croissance démographique accélérée par l’immigration clandestine demande beaucoup plus de vigilance de la part des pouvoirs publics locaux, en concertation étroite avec les services de l’État à Mayotte.

Devant l’opportunité que représente la création d’un établissement public foncier, je plaide pour la mise en place d’une conférence territoriale, qui sera un espace de dialogue et d’échanges rassemblant tous les acteurs de l’aménagement foncier que sont les services d’aménagement des communes, celui du conseil départemental, les opérateurs d’aménagement, l’État, les géomètres-experts, ainsi que les notaires, qui apparaissent comme un chaînon manquant dans le département, et la fédération des entreprises. II s’agit d’un cadre favorisant une démarche de coélaboration et un dialogue territorial construit qui prend en considération les réalités du département et les difficultés foncières à Mayotte.

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