Intervention de Serge Larcher

Réunion du 26 juin 2015 à 9h30
Modernisation du droit de l'outre-mer — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Serge LarcherSerge Larcher :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous voici réunis aujourd’hui pour discuter d’un texte de clarification de nombreux dispositifs juridiques s’appliquant dans nos outre-mer.

Faute de temps, j’axerai mon propos sur « la trop vieille question des cinquante pas géométriques aux Antilles, que le Gouvernement a, enfin, décidé de résoudre ». Non, mes chers collègues, je ne me trompe et vous ne rêvez pas : tels sont bien les mots que mon grand-oncle Marius Larcher utilisait dans son ouvrage intitulé La solution définitive de la question des cinquante pas géométriques aux Antilles publié en... 1949 !

Plus de soixante ans après, et malgré une abondante production législative, nous sommes encore saisis pour autoriser une quatrième prolongation des agences des cinquante pas géométriques, pour trois ans cette fois, trois ans de trop, pourrait-on dire… J’espère qu’il s’agira vraiment de la dernière prolongation. Je rappelle que ces agences ont été instituées de manière temporaire et que leurs missions devaient être reprises à terme par un établissement public foncier, qui n’a jamais vu le jour.

Depuis la dernière proposition de loi de 2013, dont j’étais l’auteur, je regrette qu’aucune avancée n’ait été enregistrée vers un accord avec les collectivités sur un dispositif pérenne de gestion de la zone des cinquante pas. J’invite donc le Gouvernement à s’engager devant nous aujourd’hui sur deux points : d’abord, sur la question de la gestion administrative des zones des cinquante pas géométriques ; ensuite, sur la question politique du transfert de la domanialité, car seule une réelle volonté politique permettra de progresser sur ce sujet.

Si les agences sont prorogées jusqu’au 31 décembre 2018, ce que je souhaite, il serait raisonnable qu’au 1er janvier de la même année les négociations soient achevées pour rendre le transfert effectif. En effet, il est plus que temps de combler ce fossé entre droit et réalité et de suivre l’évolution sociale et économique de collectivités décentralisées, compétentes tant en matière d’aménagement que de gestion foncière. Tous les problèmes rencontrés sur la zone des cinquante pas sont connus, plus que connus, et ce depuis des lustres, mais demeurent irrésolus, faute de volonté politique.

Cette bande des cinquante pas, héritage du passé, derniers oripeaux de la période coloniale que l’on sait pourtant révolue, résiste aux évolutions du temps. Les considérations qui ont justifié sa création, tenant à la défense nationale, à l’approvisionnement ou aux communications, ne peuvent plus aujourd’hui fonder la domanialité publique de cette zone. Il n’existe plus aucun obstacle à ce qu’elle appartienne au domaine public d’une collectivité, sauf à prouver que l’action de l’État serait plus efficace, ce dont nous avons été amenés à douter, avec mes collègues Thani Mohamed Soilihi, Georges Patient et Joël Guerriau, lors de nos travaux menés ici et sur site pour notre rapport sur la gestion du domaine de l’État, publié la semaine dernière, et dont vous avez été destinataires.

En effet, l’efficacité et la légitimité de l’État sont contestées localement, et l’enlisement des problématiques rencontrées sur la zone des cinquante pas s’explique par une absence de pilotage et de stratégie cohérente à long terme. Cette question est par essence politique et ne peut être résolue sans que l’État laisse les collectivités territoriales prendre des responsabilités plus importantes. Le principe doit devenir l’autonomisation foncière des collectivités, ce qui suppose qu’on leur garantisse la maîtrise de la partie urbanisée et d’urbanisation diffuse de la zone des cinquante pas.

Je dois préciser qu’il est fondamental que la demande de transfert de propriété émane des collectivités et que l’État fasse un travail préparatoire avec chaque territoire, afin de ne pas tomber sur les écueils rencontrés à Saint-Martin lors du transfert, faute de préparation préalable.

Les moyens en matière d’ingénierie, de potentiel financier et les compétences en matière de développement économique et d’aménagement du territoire poussent à recommander un transfert à la collectivité régionale en Guadeloupe et à la collectivité territoriale en Martinique. Je vous invite donc, monsieur le secrétaire d’État, à bien vouloir nous assurer que le transfert sera réglé avant la fin de la mandature, dans le cadre d’une convention entre l’État et la collectivité majeure qui en fera la demande. Cette convention fixerait des modalités opérationnelles et financières précises. Je vous ai bien entendu, mais permettez-moi de formuler le vœu que les générations qui nous succéderont ne verront pas perdurer cette question et que ce verrou majeur du développement économique et social des territoires antillais sautera dans un avenir très proche.

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