Le 27 avril 2004, M. Nicolas Sarkozy prenait ici même un engagement solennel, dont je rappelle les termes : « Je l'affirme parce que c'est un engagement du Gouvernement : EDF et GDF ne seront pas privatisées. Le Président de la République l'a rappelé solennellement lors du conseil des ministres au cours duquel fut adopté le projet : il ne peut être question de privatiser EDF et GDF ». La suite, vous la connaissez !
Nous, nous n'avons pas changé d'avis.
La transposition des directives européennes et la libéralisation totale des marchés de l'électricité et du gaz vont définitivement remettre en cause le maintien des mécanismes de péréquation sociale et territoriale qui garantissent l'égal accès de tous les ménages, quels que soient leur situation géographique ou leur niveau de consommation, à une électricité fournie au même prix.
Nous l'avons souligné, la libéralisation réalisée ailleurs, que ce soit dans d'autres États membres de l'Union ou en Californie, par exemple, a débouché sur des échecs et des crises. À terme, nous craignons que le paysage énergétique n'évolue inéluctablement vers un système balkanisé comme pour l'eau et pour l'assainissement. La création d'un marché d'oligopoles et de cartels se fera au détriment des usagers.
Quel est le bilan de l'ouverture du marché de l'énergie ? Nul ne le sait, il n'a pas été transmis au Parlement ! Mais a-t-il seulement été réalisé ? Ce qui est intolérable, c'est l'approche idéologique que vous avez de l'économie, monsieur le ministre, approche que partagent vos amis ultralibéraux de la Commission européenne. Ce qui prime, c'est non pas l'efficacité, mais le dogme économique et l'arrogance.
Alors, non, nous ne voulons pas de cette privatisation, pas plus que les Français. S'ils n'en veulent pas, c'est parce qu'ils sentent que, en réalité, cette opération consiste à brader le patrimoine national afin de sauver Suez, entreprise privée, d'OPA hostiles.
Au cours de nos débats, nombreux sont ceux qui, tel Roland Courteau jeudi dernier, lors des questions d'actualité au Gouvernement, ont dénoncé avec force ce projet de loi tout à la fois irrecevable, dangereux, inacceptable, irresponsable et immoral.
Irrecevable, car la privatisation de GDF soulève de lourdes questions juridiques au regard de la Constitution ; dangereux, car le texte remet en cause notre service public de l'énergie ; inacceptable, car les prix du gaz dépendront surtout des intérêts financiers d'actionnaires privés ; irresponsable, car la sécurité énergétique de la France ne sera plus assurée dès lors que l'on aura abandonné à un groupe privé l'ensemble des infrastructures lourdes qui en sont les outils ; immoral, enfin, car la parole de l'État a été bafouée.
Faut-il voir aujourd'hui dans l'amendement déposé par M. Gérard Longuet l'expression d'un remords du ministre de l'intérieur - dont on dit qu'il est proche -, qui, pour la quatrième fois, le 29 avril 2004, assurait aux salariés de GDF qu'il n'était pas question de privatisation ? §Est-ce là extrapolation de ma part ? Mais si ce n'est pas un remords, cher collègue, quoi d'autre ?
Cet amendement a pour objet de confirmer l'obligation pour l'État de détenir une participation dans le capital de Gaz de France, mais en supprimant la fixation de cette participation à plus du tiers du capital.
Au final, GDF sera privatisée, sans projet industriel, mais demeurera facilement « opéable ».
Quel comble ! C'est au nom du patriotisme économique que le Gouvernement demande au Parlement de privatiser GDF, et tout cela finalement pour porter secours à une entreprise privée ! C'est au nom de ce même patriotisme que nous pourrions bien nous retrouver en définitive avec une entreprise française susceptible de passer sous le contrôle d'un groupe étranger !