L'action spécifique n'est donc pas le bon outil pour protéger GDF contre l'entrée d'un autre actionnaire, même minoritaire. En conséquence, c'est bien d'une protection factice qu'il s'agit. Elle ne résistera ni au juge communautaire ni aux opérateurs du marché de l'énergie.
Nous savons en effet désormais, depuis le sommet Europe-Russie de Lahti du 21 octobre dernier, que les appétits russes sont immenses. M. Vladimir Poutine veut faire du gaz une arme politique et diplomatique. La Russie ne veut plus seulement fournir la matière première, elle veut dorénavant être un acteur du secteur énergétique en Europe, notamment dans le domaine de la distribution de gaz. Cela ne rend que plus urgente la constitution d'une Europe de l'énergie.
Nous légiférons donc aujourd'hui dans les plus détestables des conditions, sans savoir si le projet de loi que la majorité du Sénat va adopter est valable au regard du droit communautaire ou pas, tout comme l'Assemblée nationale a voté un schéma de fusion-privatisation bien différent de ce qu'il est aujourd'hui.
Le feu vert donné par la Commission européenne s'accompagne en effet de concessions supplémentaires, notamment sur le marché du gaz belge, concessions qui n'ont jamais été évoquées à l'Assemblée nationale, et pour cause ! Ces larges concessions rendent la fusion beaucoup moins attractive pour GDF. L'opération ressemble donc fort à un marché de dupes !
Quel contraste également entre les coups de théâtre à répétition qui ont émaillé ce dossier et l'atonie des membres de la majorité UMP, qu'a relevée notre collègue Roland Courteau, sur ces travées comme sur les bancs du Palais-Bourbon !
Alors que M. Jean-François Cirelli laisse planer la menace de démissionner, alors que les tensions entre Suez et GDF sont à leur paroxysme, alors que les actionnaires de Suez réclament soit une révision de la parité des actions, soit des dividendes exceptionnels, alors que M. François Pinault s'apprête à reprendre, le cas échéant, les activités eau et propreté de Suez - mais ce serait, dit-on, des ragots -, votre majorité est bien muette sur ce dossier, messieurs les ministres, peut-être pour ne pas étaler ses divisions, qui sont bien réelles.