Intervention de Bernard Piras

Réunion du 24 octobre 2006 à 16h00
Secteur de l'énergie — Article 10

Photo de Bernard PirasBernard Piras :

La privatisation de GDF est-elle propre à garantir l'intérêt général, donc l'intérêt du pays ?

Non ! Les logiques qui la sous-tendent aboutiront, au contraire, à l'effet inverse. L'intérêt d'un actionnaire n'est pas celui d'une nation. Face à cela, le service public de l'énergie a prouvé depuis des décennies sont efficacité en termes de desserte du territoire, de péréquation tarifaire et de prix abordables, de sécurité d'approvisionnement et de choix d'investissements. Il est bien évident que, pour une société privée, ces questions ne constituent pas des priorités !

La privatisation de GDF était-elle imposée par l'Union européenne ? Absolument pas ! Personne ne vous oblige aujourd'hui à privatiser GDF ; c'est un véritable choix politique guidé par un dogme libéral, et non par la raison.

La privatisation de GDF repose-t-elle sur une réelle motivation ? Non ! Sa motivation originelle fut un alibi douteux, à savoir le risque imminent d'une OPA d'Enel sur Suez. Or, il est notoire que la fusion GDF-Suez était déjà évoquée depuis plusieurs mois en coulisse.

Cette privatisation peut-elle être justifiée, comme c'est le cas désormais, par une prétendue « taille critique » de GDF ? Non ! Au regard du faible apport en actifs gaziers auquel conduit la fusion, au regard de l'absence réelle de projet industriel à la clé et des cessions qui sont exigées par l'Union européenne, le nouveau groupe fusionné ne contribuera pas à accroître la force de négociation en matière de prix d'achat du gaz.

Cette privatisation répond-elle à une ligne de conduite cohérente et lisible du Gouvernement ? Non, et c'est le moins que l'on puisse dire ! Nous assistons ici au reniement de la parole d'un ministre d'État, M. Nicolas Sarkozy. Ce dernier, en 2004, lors du débat sur le statut d'EDF-GDF, avait promis de manière solennelle que la participation de l'État ne descendrait jamais en dessous de 70 %. Le résultat est là ! Comment vous croire, aujourd'hui, quand vous vous engagez à maintenir une minorité de blocage à 34 % ?

Un tel comportement marque un grave et profond irrespect envers les parlementaires et, à travers eux, envers le peuple français.

Face au contexte énergétique international et à l'absence de position commune au sein de l'Union européenne dans ce secteur, cette privatisation apparaît-elle opportune ?

Le marché de l'énergie est particulièrement instable, les rapports de force entre les pays producteurs et les pays importateurs n'ayant jamais été aussi tendus. Le défaut d'élaboration d'une stratégie européenne d'approvisionnement ne fait qu'accroître notre vulnérabilité. Le respect des préalables posés lors du sommet de Barcelone, en 2002, à savoir une étude d'impact de l'ouverture des marchés et l'adoption d'une directive-cadre sur les services d'intérêt économique général, n'a jamais été autant justifié.

Dans ce contexte, la privatisation de GDF va affaiblir l'entreprise, qui ne sera plus qu'une société parmi d'autres ne bénéficiant plus du poids de l'État français.

L'urgence dans laquelle s'inscrit cette privatisation est-elle légitime ? Non ! La précipitation dans ce dossier est indéniable : il est demandé aux parlementaires de donner un blanc-seing à une privatisation, prémices d'une fusion, et ce alors que, d'une part, nous ne connaîtrons officiellement qu'en novembre les cessions d'actifs exigées par Bruxelles, et elles risquent d'être massives, et que, d'autre part, les conditions financières de cette fusion ne sont pas encore rendues publiques à ce jour.

Des garanties entourent-elles cette privatisation ? Non ! Celles que vous donnez sont illusoires, car l'action spécifique ne permettra pas à l'État de décider de la stratégie et de l'orientation de l'entreprise dans un sens conforme à l'intérêt général, pas plus qu'elle ne lui permettra de maîtriser les tarifs. En outre, sur un plan juridique, les actions spécifiques apparaissent très incertaines quant à leur validité et donc à leur efficacité.

Avez-vous réussi à convaincre les salariés de la chance que constituera pour eux le fait d'appartenir à un tel groupe ? Non !

Les promesses qui accompagnent cette privatisation sont-elles réalistes ? Non ! Il est impossible de prétendre que le groupe créé pourra nouer des alliances par la suite tout en assurant le maintien d'un taux de blocage de 34 %. Ces deux engagements sont incompatibles.

Et le plus grave, sans doute, est de laisser croire aux Français que les orientations que vous prenez sont non seulement les meilleures pour le pays, mais également les seules envisageables. Telle n'est pas la vérité, et les Français en seront informés !

Malheureusement, si votre défaut de discernement persiste, l'avenir prouvera votre méprise, mais vous ne serez sans doute plus là pour l'assumer !

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