...sur un sujet primordial pour la sécurité d'approvisionnement énergétique de notre pays, celui du stockage.
Peut-être suis-je un peu plus sensibilisé à cette question, car le département dont je suis l'élu abrite une importante réserve de gaz, qui est stockée dans six gigantesques cavités creusées par dissolution dans une couche géologique saline. Quelque 3 millions de mètres cubes sont ainsi disponibles afin d'engranger 500 millions de mètres cubes à pression atmosphérique de gaz liquéfié et de faire face aux aléas possibles d'un marché dont nous sommes dépendants.
Comme d'autres sites en France, celui-ci participe à la régulation des flux de la distribution afin de satisfaire la clientèle aux périodes de forte demande. Il est donc indispensable, fondamental même, que les stockages demeurent sous le contrôle de l'État.
On me rétorquera qu'il n'y a aucune inquiétude à avoir dans ce domaine, puisque, selon l'exposé des motifs du projet de loi, le paragraphe II de l'article 10 « prévoit la création au bénéfice de l'État d'une action spécifique de Gaz de France afin de préserver les intérêts nationaux dans le secteur de l'énergie et notamment la continuité et la sécurité d'approvisionnement en énergie ». Au passage, je note que M. Ladislas Poniatowski s'interroge également sur ce sujet, mais il se satisfait un peu trop rapidement des mots magiques « golden share ».
Qu'on le veuille ou non, la privatisation de GDF conduit de fait à la perte de la maîtrise publique en ce qui concerne les décisions stratégiques de la nouvelle entité. Dès lors, rien ne garantit que la sécurité d'approvisionnement de la France sera assurée. Pourquoi les intérêts de la nouvelle entité coïncideraient-ils avec ceux de la France ? Il faut dire qu'à tout moment la golden share peut perdre son caractère particulier par un simple décret.
On peut réellement douter de l'efficacité d'une telle procédure. Nous sommes en effet très réservés quant à l'efficacité du dispositif de « l'action de préférence ».
Nous voudrions bien vous croire, messieurs les ministres, mais nous n'oublions pas le précédent du 4 juin 2002 où la Cour de justice des Communautés européennes a condamné l'action spécifique mise en place pour EDF en 1993 afin de faire face aux OPA hostiles.
La nouvelle entité n'est pas à l'abri d'une OPA, qui impliquerait une dilution du capital et qui pourrait faire passer en d'autres mains, à d'autres actionnaires, les capacités de stockage.
La minorité de blocage protège-t-elle la future entité Suez-Gaz de France ? Ce n'est pas si sûr ! Même M. Longuet, qui apporte habituellement un soutien indéfectible au Gouvernement, s'interroge dans un article paru dans la presse : « Le plancher à 33 % est-il une protection pour l'État actionnaire ? »