Intervention de Olivier Sivieude

Commission d'enquête Réalité du détournement du crédit d'impôt recherche — Réunion du 4 mai 2015 à 16h00
Audition de M. Olivier Sivieude chef du service du contrôle fiscal de la direction générale des finances publiques

Olivier Sivieude, chef du service du contrôle fiscal de la direction générale des finances publiques :

Il est supérieur à 200 millions d'euros depuis deux ans. S'appliquant à 7 % des entreprises bénéficiaires, ce montant a beaucoup augmenté depuis 2008. Les critiques nous reprochent soit de trop contrôler, soit de ne pas suffisamment le faire, ou encore un dialogue insuffisant. J'ai le sentiment que nos contrôles orientés sur les enjeux sont organisés de manière rationnelle. Sur la base du protocole que nous avons signé en janvier 2014 avec le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche (MESR), chaque région fait remonter les demandes d'expertises, parmi lesquelles nous privilégions soit les forts montants, soit les indices d'une éventuelle fraude.

Les critiques sur l'insuffisance de dialogue, en revanche, ne sont pas totalement infondées. L'administration fiscale est tenue à un dialogue oral et contradictoire, sous peine de vicier la procédure si les points d'étape ne sont pas respectés ; or l'expertise est souvent construite en chambre, sans un dialogue que la loi ne rend pas obligatoire. Le protocole de janvier 2014 le recommande et il est de plus en plus pratiqué ; il donne même lieu parfois à une contrexpertise, voire à une interlocution avec d'autres spécialistes.

Le CIR serait-il particulièrement fraudogène ? C'est un dispositif simple. La première question est : cela est-il de la recherche ? La seconde : le montant déclaré est-il le bon ? L'essentiel des rappels tient à une erreur de l'entreprise dans sa réponse à la première question. Les cas frauduleux, avec parfois de fausses factures et aboutissant à une procédure pénale, restent marginaux. Il arrive qu'une partie seulement des sommes déclarées soient éligibles. La question des moyens consacrés n'est pas toujours facile à apprécier. Le nombre de personnes affectées compte tenu du projet est le plus souvent évalué par l'expert. Il existe aussi des cas de double-emploi entre donneur d'ordre et sous-traitant.

Un cas de fraude tient aux prix de transfert pratiqués entre une filiale installée en France et sa maison mère à l'étranger, lorsque la recherche est facturée nette du CIR - 30 %, ce n'est pas rien - et des subventions éventuelles, alors que le principe est de pratiquer un prix réel, comme si le client ne faisait pas partie du même groupe. Dans ce cas, le bénéfice part à l'étranger. Nous sommes enfin vigilants sur la base : aux salaires sont parfois ajoutés les versements transport ou des dépenses de formation professionnelle continue, et des subventions ne sont pas défalquées. La jurisprudence bien établie et une circulaire de la direction de la législation fiscale a récemment reprécisé ces points.

Nos pistes d'amélioration concernent d'abord l'information des entreprises, et en particulier des PME. Nous avons mis en ligne sur le site impots.gouv.fr une notice pédagogique signalant tous les points nécessitant de la vigilance. Avec ce document original, nous encourageons particulièrement les entreprises à tenir une documentation précise sur les prix de transfert éventuels, sur l'état de l'art et sur les éléments du projet qui en font un projet de recherche. Cela limiterait les cas d'erreurs et les rappels. Il est enfin possible de demander un rescrit sur les prix de transfert ; nous incitons les entreprises à y avoir recours.

Le contrôle pourrait aussi être amélioré : être mieux orienté, car, faute de ressources illimitées, nous ne pouvons pas contrôler tous azimuts. Il s'agit de cibler les risques, et pas seulement le montant. Nous avons maintenant les outils pour le faire, avec des grilles d'analyse des risques.

Nous améliorerons enfin le dialogue : les ministres ont annoncé qu'ils proposeraient au Parlement la mise en place d'une commission nationale sur le CIR, dont le nom définitif n'est pas encore arrêté, et qui serait chargée de donner un avis de fond sur la question de l'éligibilité de la recherche déclarée. Il y a une commission comparable sur les impôts directs et les taxes sur les chiffres d'affaires - dans un format national et départemental - mais qui n'aurait pas été compétente, au contraire d'une commission ad hoc où siègeront des spécialistes de la recherche. Cette commission pourrait être saisie en cas de désaccord à l'issue d'un contrôle fiscal, et donnera un avis qui n'engagera pas l'administration fiscale, mais qui comptera.

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