Je propose de structurer mon propos en quatre points : je présenterai d'abord l'AFEP et ses missions, ce qui vous permettra de comprendre pourquoi nous n'avons pas été en mesure de répondre à l'ensemble des questions écrites qui nous ont été adressées. J'essaierai ensuite de décrire le rôle des grands entreprises puis d'expliquer l'analyse que nous faisons du crédit d'impôt recherche (CIR) et les difficultés qui peuvent exister sur ce dispositif.
Concernant l'AFEP, vous avez rappelé que nous regroupions 113 entreprises privées, de tous les secteurs (industrie, banque, assurance...) : nos intérêts se portent donc avant tout sur des sujets transversaux. La recherche n'est certes pas cantonnée à un domaine en particulier, mais est plus importante dans l'industrie et certains services. Nous ne faisons pas de conseil aux entreprises : nous n'avons pas de données sur le fonctionnement interne des entreprises, leurs déclarations fiscales... Cela explique que nous n'ayons pas pu répondre à toutes les demandes qui nous avaient été transmises. Nos analyses, quand elles sont chiffrées, s'appuient sur les données publiques fournies par certains ministères ou organes de l'État.
Les grandes entreprises - au nombre de 250 en France - représentent environ 30 % de l'emploi et de la valeur ajoutée, 50 % des exportations et 60 % des dépenses de recherche et développement privées. Ces chiffres décrivent la structure même de l'économie française. Les grandes entreprises sont souvent les champions de leur secteur et font de la recherche sans nécessairement attendre les subsides de l'État, bien que le CIR joue un rôle majeur. Nous avions mis en place un groupe de travail, il y a deux ans, présidé par Gilles Michel, président d'Imerys, entreprise fabriquant des matériaux. Les membres de ce groupe de travail sont arrivés à la conclusion que nous avions en France tout ce qu'il fallait pour être compétitifs en matière de recherche - et nous le sommes. Nous bénéficions d'une recherche publique de grande qualité, reconnue, et qui a acquis la capacité de travailler de façon plutôt efficace avec les entreprises. Nous avons de nombreux dispositifs utiles : les pôles de compétitivité, les instituts Carnot, les IRT, le CIR... Il n'y a donc pas d'obstacle majeur à mener en France une recherche de qualité.
Malgré l'existence d'un tissu très dynamique de PME innovantes, l'on constate qu'il reste très difficile de faire passer une certaine taille à ces petites entreprises. Il faut d'ailleurs rappeler que le modèle de recherche des grandes entreprises a énormément évolué. Le modèle exclusivement fondé sur des centres de recherche très centralisés et internes au groupe, comme celui de Rhône-Poulenc qui comptait 6 000 personnes, n'existe plus. Nous sommes désormais dans des structures beaucoup plus collaboratives, qui s'appuient dans beaucoup de secteurs sur des PME, en pariant sur le fait qu'elles seront beaucoup plus mobiles, innovantes, dans le vent, avec des contrats qui vont jusqu'à engagement de racheter la structure s'il y a succès dans la recherche. Mais les entreprises ne font pas encore de « capital venture » à travers leur financement.
Le CIR est un des outils centraux pour les grandes entreprises. Selon une petite enquête menée auprès de nos adhérents, le crédit d'impôt recherche, qui représente au total 18 % de la dépense de recherche et développement intérieure privée, est encore plus stratégique pour nos grandes entreprises que le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE). Le CIR alloué aux grandes entreprises est d'ailleurs significatif - mais il n'y a pas de surpondération du CIR, car la part des grandes entreprises dans le CIR est inférieure à leur part dans les dépenses de recherche et développement. Le CIR est un outil très bien compris à l'international.
Il s'agit pour nous, et j'insiste sur ce point car il est parfois source de malentendus, d'un outil d'aide à l'implantation de la recherche - et non pas de développement de la recherche dans les grandes entreprises. Le CIR permet en effet de diminuer le coût de la recherche, comme en témoigne une étude de l'ANRT qui confirme le ressenti qu'exprimaient nos adhérents : la France est compétitive pour implanter un centre de recherche par rapport à l'Allemagne, et ce grâce au CIR. Sans ce crédit d'impôt, la France serait plus coûteuse que l'Allemagne, puisque de l'autre côté du Rhin le taux de cotisations sociales est plafonné.
Les grandes entreprises étrangères comme françaises partagent cette vision du CIR. Nous n'avons pas connaissance de cas dans lesquels le CIR serait considéré comme un moyen de pure optimisation fiscale.