La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Francis Delattre

Nous recevons aujourd'hui M. Patrick Suet, secrétaire général de la Société générale, qui comme chacun le sait est l'une des plus grandes et des plus anciennes banques françaises.

Je rappelle à notre invité que notre commission d'enquête, composée à la proportionnelle des groupes comme le prévoit le règlement du Sénat, a pour objet d'identifier les éléments du crédit d'impôt recherche qui appellent des évolutions. Notre commission s'est attachée à auditionner aussi bien des acteurs institutionnels que des représentants d'entreprises bénéficiaires du CIR, ainsi que des cabinets de conseil.

La Société générale est concernée à deux titres par le crédit d'impôt recherche :

- d'abord comme bénéficiaire, ce qui peut à première vue sembler contre-intuitif - notre invité nous expliquera certainement ce qu'il en est ;

- ensuite comme acteur financier auprès duquel une entreprise peut, sous certaines conditions, mobiliser sa créance de CIR afin d'obtenir un financement anticipé.

Avant de vous passer la parole, le formalisme des commissions d'enquête me conduit à vous demander de prêter serment.

Debut de section - Permalien
Patrick Suet, Secrétaire général de la Société générale

Le secrétaire général d'un groupe bancaire comme la Société générale est plutôt un homme de l'administration du système. Je préside également, depuis de nombreuses années, le comité fiscal de la Fédération bancaire française.

Les banques ont en général eu recours au crédit d'impôt recherche lorsque celui-ci a été stabilisé, soit à partir de 2008. Avant cette date, ce dispositif avait connu nombre de révisions et manquait de visibilité.

Nos activités connaissent également des mécanismes de recherche et d'innovation, à l'instar de celles conduites par les autres entreprises.

Ce dispositif permet ainsi à la Société générale d'obtenir un crédit d'impôt représentant, selon les années, entre 15 et 25 millions d'euros. Ce montant est certes significatif en soi, mais il demeure néanmoins de l'ordre du point de pourcentage lorsque comparé au montant global de l'impôt acquitté par notre établissement bancaire qui est de l'ordre du milliard d'euros.

L'utilisation du crédit d'impôt recherche par les banques donne lieu à trois pratiques. D'une part, celui-ci est consacré à la recherche financière pure, comme dans la banque d'investissement de la Société générale dont les personnels, issus notamment des filières scientifiques des Écoles normales supérieures ou de l'École polytechnique, fournissent un potentiel de recherche extrêmement fort. Notre banque ne dispose pas, à proprement parler, d'un centre uniquement dédié à la recherche ; en revanche, chaque département de la banque d'investissement possède des équipes qui poursuivent, pour chacune des lignes métiers, des activités de recherche. Celles-ci portent non seulement sur les produits, mais aussi sur la maîtrise des risques dont la sophistication implique des modèles mathématiques d'une grande puissance destinés à intégrer le plus grand nombre de données possible et à l'exploiter en temps réel.

D'autre part, le crédit impôt recherche concerne la sécurisation des produits du fait de la transformation des activités bancaires et du rôle des nouvelles technologies de l'information et de la communication, y compris pour la banque de détail où le téléphone représente désormais plus de 50 % des relations avec la clientèle. L'adaptation technologique sous-jacente à cette mutation nécessite un certain nombre de travaux de recherche.

En outre, nos deux programmes de recherche les plus importants pour l'année 2014 ont porté sur la réorganisation de nos structures et de nos systèmes d'information. Le premier a ainsi consisté à externaliser la gestion de nos back-offices de titres qui gèrent des dizaines de millions d'informations quotidiennes à des niveaux de rapidité et de sécurité exigeants. Le second, dénommé Convergences, a fusionné les systèmes d'information respectifs du Crédit du Nord et de la Société générale. Enfin, quelques études, sur des thématiques économiques plus ponctuelles, doivent être également signalées.

La sélection des projets obéit à un processus assez simple. Notre direction de l'innovation repère dans l'ensemble des programmes ceux qui sont éligibles au crédit impôt recherche, soit la moitié des 500 projets recensés en 2014. Un cabinet externe est d'ailleurs associé à ce processus de sélection qui est opéré de manière satisfaisante notamment aux yeux de l'administration fiscale puisque cette dernière a contrôlé favorablement la totalité de nos projets conduits dans le cadre du crédit d'impôt recherche. Nous sommes ainsi extrêmement vigilants dans l'usage de ce dispositif.

L'une des particularités des activités financières, par rapport aux activités industrielles, réside dans l'absence de brevet en France et en Europe et ce, à l'inverse des États-Unis où il est possible de breveter des modèles financiers.

L'ensemble des banques bénéficie d'un crédit d'impôt recherche qui avoisine les 90 millions d'euros, soit un peu moins de 2 % de l'ensemble du dispositif. Ces données sont à comparer avec une part de la valeur ajoutée de 6 à 8 % et à quelque 10 % de l'impôt sur les sociétés.

À la question du nombre de chercheurs, 990 personnes réparties dans les différents métiers exercent ainsi partiellement une activité de recherche en France, soit 290 équivalents temps pleins.

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Gonthier-Maurin

Je souhaitais vous rappeler, en préambule, que vous avez reçu un questionnaire de notre part qui est, à ce jour, demeuré sans réponse. Vous êtes d'ailleurs la seule entreprise à ne pas nous l'avoir retourné ! Certains s'étonnent que des banques puissent être éligibles au crédit impôt recherche, car il ne paraît pas évident que leurs activités les y destinent. Vous avez évoqué un saut technologique de la banque dans le domaine du mobile. Votre établissement bancaire a-t-il conduit de manière unilatérale ou dans le cadre d'un partenariat ses recherches? Les produits qui en ont découlé ont-ils été réalisés par votre groupe ? Avez-vous sollicité, pour ce faire, des sous-traitants agréés ? S'agissant des recherches économiques, les études réalisées par la Société générale sont-elles éligibles au crédit impôt recherche

Debut de section - Permalien
Patrick Suet, Secrétaire général de la Société générale

Si notre recherche économique, à proprement parler, n'est pas destinée à être divulguée, certains modèles d'analyse macro-économique élaborés par nos équipes, notamment sur un certain nombre de pays sur lesquelles les études économiques sont assez peu développées, ou encore sur les thématiques comme la gestion d'actifs, peuvent faire l'objet de publications. Si une coopération interbancaire existe, la Société générale, dans ses activités de recherche qui sont éligibles, n'y a pas recours. Il peut nous arriver de recourir à des prestataires agréés, à l'instar de ce qui s'est produit lors de l'externalisation de nos back-offices intervenue l'année dernière.

La banque ne fabrique pas de matériel, mais des logiciels et des applications dans les domaines de la téléphonie mobile notamment ; celles-ci étant considérées parmi les meilleures du marché.

Nos instances de contrôle ne diffèrent pas de celles que l'on trouve dans les autres entreprises : une première instance de contrôle interne, qui vérifie l'éligibilité des programmes au crédit impôt recherche, puis un cabinet extérieur, ainsi que des équipes de fiscalistes sont appelés à se prononcer. Au niveau externe, l'administration fiscale donne également son avis. En tant que de besoin, le Ministère de la recherche est appelé également à intervenir. Mais force est de constater que la doctrine administrative est relativement précise quant aux critères d'identification des projets éligibles en fonction de leur thématique, ce qui rend le processus de sélection rigoureux. Comme ce crédit d'impôt recherche n'est pas au coeur des métiers de la banque, son utilisation ne saurait faire peser sur le fonctionnement de la banque le moindre risque administratif !

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Quel est l'effet démultiplicateur de la R&D pour la Société générale depuis 2008, date à laquelle vous vous êtes approprié le crédit impôt recherche ? Certains algorithmes, sur lesquels vous portez votre effort de recherche, concernent-ils le trading haute fréquence et des applications analogues ? Il ne s'agit pas de recherche à proprement parler, mais d'innovation puisque vous utilisez des outils qui existent déjà ! Votre déclaration selon laquelle l'externalisation de votre back office relève du crédit d'impôt recherche m'a d'ailleurs étonné et je souhaiterai obtenir plus ample information sur ce point.

Debut de section - Permalien
Patrick Suet, Secrétaire général de la Société générale

Non pas l'externalisation à proprement parler, mais tous les problèmes techniques générés par cette démarche. Il fallait ainsi régler des problèmes de volume qui n'avaient jamais été solutionnés par aucune entreprise !

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Ces recherches ont-elles donné lieu à des publications accessibles au grand public ?

Debut de section - Permalien
Patrick Suet, Secrétaire général de la Société générale

On trouve un intérêt de publier les recherches dans un certain nombre de domaines, comme la gestion d'actifs. Cette démarche n'est pas systématique du fait, notamment, de l'absence de brevet en matière financière qui confère un intérêt moindre aux publications.

La téléphonie mobile est un sujet complexe et va bien au-delà d'un simple interfaçage, car la sécurité et la gestion des volumes de données en constituent les vraies questions. La Société générale ne conduit d'ailleurs aucune activité dans le domaine du trading haute fréquence qui est désormais défini par le législateur. En revanche, la modélisation des algorithmes utilisés par les automates sur les marchés peut donner lieu à des recherches éligibles au crédit d'impôt recherche, du fait de leur similitude avec certaines recherches conduites dans d'autres secteurs industriels.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Pourquoi ces fameux algorithmes ne sont-ils pas brevetables ?

Debut de section - Permalien
Patrick Suet, Secrétaire général de la Société générale

Au-delà du secret commercial qui entoure ces algorithmes, ceux-ci ne sont pas, à proprement parler, brevetables du fait de la limitation de la brevetabilité en droit français.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Bouchoux

La recherche financière, la maîtrise du risque et l'organisation de la structure de l'entreprise fournissent ainsi les trois grands domaines de la recherche de la Société générale. Pourriez-vous nous donner par année, depuis 2008, le nombre de jeunes docteurs ou doctorants que vous avez recrutés dans ces domaines ? L'affaire Kerviel vous a-t-elle conduit à privilégier le secteur maîtrise des risques ? Les produits particulièrement innovants, voire l'optimisation fiscale, entrent-ils parmi les thématiques que vous privilégiez pour le crédit d'impôt recherche ?

Debut de section - Permalien
Patrick Suet, Secrétaire général de la Société générale

Notre modèle de recherche ne consiste pas à recruter des jeunes docteurs ou des doctorants, comme je vous l'ai expliqué. Les docteurs que nous recrutons ne le sont pas comme chercheurs ! La recherche financière peut, par ailleurs, conduire à la création de produits innovants ; c'est d'ailleurs l'un des trois pôles de la recherche conduite par la Société générale. L'optimisation fiscale n'est en revanche pas notre métier ! La partie risque de l'entreprise alimente nos actions de recherche et depuis la crise financière, des modèles de maîtrise de risque de marché ont été de plus en plus développés, mais pas seulement !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Berson

En vous écoutant, j'ai l'impression que les activités que vous nous avez décrites relèvent plutôt de l'innovation. C'est d'ailleurs la première fois que nous auditionnons un établissement bancaire qui fait de la recherche sans avoir de docteurs !

Debut de section - Permalien
Patrick Suet, Secrétaire général de la Société générale

Je n'ai pas dit cela ! Il y a plus de docteurs scientifiques dans les personnels de la Société générale que dans toute la filière nucléaire française !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Berson

J'employais à dessein une formule polémique : pas de docteur, ni de publication ni de brevet !

Debut de section - Permalien
Patrick Suet, Secrétaire général de la Société générale

Mais l'industrie financière n'est pas brevetable en France ! Nous sommes demandeurs qu'il y ait des brevets dans notre secteur d'activité comme aux États-Unis !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Berson

Le crédit d'impôt recherche a pour finalité de soutenir la recherche fondamentale et, en retour, d'augmenter le produit intérieur brut ! Supposons que le crédit d'impôt recherche soit supprimé, les activités que vous venez de nous présenter perdureraient, certes, à un coût plus élevé, car ce dispositif permet à tout le moins de rendre plus compétitifs les salaires des chercheurs impliqués dans les programmes qui y sont éligibles. Mais s'agit-il bel et bien de recherche et pas simplement d'innovation laquelle est par ailleurs soutenue par le crédit d'impôt innovation ?

Debut de section - Permalien
Patrick Suet, Secrétaire général de la Société générale

Si le crédit d'impôt recherche n'existait pas, la Société générale continuerait à innover, faute de quoi elle ne pourrait poursuivre son développement. Les conditions de coût et de compétitivité s'en trouveraient cependant modifiées, et les chercheurs, dont j'ai parlé, se trouveraient sans doute à Londres, car ce dispositif permet également de maintenir leur présence sur le territoire national. L'autre aspect réside également dans la réaffectation du crédit d'impôt recherche directement aux équipes de recherche pour alimenter leurs activités spécifiques et non à la grande trésorerie de notre société. Ce point demeure très incitatif.

En raison des mutations récentes du secteur bancaire, l'innovation, qui reste dans le champ du crédit d'impôt recherche, obéit à des règles strictes. Puisque vous parliez précédemment du trading haute fréquence, la puissance intellectuelle qu'il a fallu mobiliser pour élaborer des automates capables de déverser des centaines de millions d'ordres en quelques secondes est le fruit d'un travail de recherche extrêmement élaboré, tout comme en matière de sécurisation des moyens de paiement ! Ces travaux ne sont certes pas tous spécifiques à la banque, mais ils relèvent de la recherche comme le démontrent les thématiques abordées, y compris celles relevant des modèles macroéconomiques, ainsi que les personnels mobilisés.

Prenons l'exemple de ce que l'on désigne aujourd'hui comme les Big data, à savoir l'ensemble des données de paiement des clients dont disposent les banques et qu'il va falloir traiter en recourant à l'intelligence artificielle. Il s'agit de changer le modèle de la banque de demain et un tel sujet va bien au-delà de l'innovation. Nous sommes bel et bien dans le cadre strict du crédit d'impôt recherche dont la définition incombe en définitive au législateur.

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Gonthier-Maurin

Pourriez-vous nous indiquer le poids de la recherche que vous effectuez en France et à l'étranger ? Lorsque la Société générale décide d'accorder un crédit à une entreprise, l'éligibilité de cette dernière au crédit d'impôt recherche constitue-t-elle un critère d'obtention ? Êtes-vous amené, et le cas échéant comment, à accorder un préfinancement du crédit d'impôt recherche ? Par ailleurs, le prestataire extérieur que vous avez sollicité dans vos recherches était-il agréé ? Le Ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche est-il intervenu et si tel s'avérait le cas, quelles étaient les disciplines scientifiques des experts mobilisés ?

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Delattre

J'aurai une question dans la continuité de celle de Madame la rapporteure et qui déborde l'objet de la commission d'enquête. À l'issue de l'ensemble de nos auditions, il est manifeste que le crédit d'impôt recherche permet de conduire un certain nombre de projets, mais la difficulté manifeste rencontrée en France réside dans l'évolution des start-ups que ce dispositif a certes permis de faire naître, mais qui ne peuvent être toujours retenues, en cas de succès, sur notre territoire national. Il faudrait sans doute déployer une ingénierie financière spécifique pour aider nos start-ups qui sont internationalement primées. Quel type de garantie vous semble le plus adéquat pour surmonter cette difficulté ?

Debut de section - Permalien
Patrick Suet, Secrétaire général de la Société générale

Le crédit d'impôt recherche n'est pas un critère de choix des clients pour notre établissement bancaire. Lorsque nos clients sont des petites et moyennes entreprises, le crédit d'impôt recherche se remboursant soit sur l'impôt ou étant remboursable à un an, la Société générale ne met pas en oeuvre de mécanisme de préfinancement spécifique à ce dispositif alors considéré comme relevant du crédit de court terme. Auparavant, lorsque le crédit d'impôt recherche n'était pas remboursable, nous avions en effet développé une technologie bancaire assurant son préfinancement, mais les coûts de dossier s'avéraient dirimants. Notre filiale CGA vient de lancer un produit destiné aux PME et proposant un mécanisme de préfinancement spécifique, mais il est encore trop tôt pour dresser un bilan de sa mise en oeuvre. La Société générale a proposé des mécanismes de financement spécifiques destinés aux grandes entreprises qui connaissent des volumes de crédit impôt recherche de l'ordre de cent millions d'euros et doivent assumer des durées de remboursement moins rapides. Cependant, moins d'une dizaine de clients par an sont concernés !

Nous rencontrons d'ailleurs cette même dualité avec le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi et la majoration des lignes de crédit nous paraît bien plus opportune pour les petites et moyennes entreprises, que la mise en oeuvre coûteuse et lourde d'un mécanisme de préfinancement spécifique. Cette activité de préfinancement existe bel et bien, mais demeure assez peu significative. Et je dois reconnaître que le mécanisme de remboursement du crédit d'impôt recherche à destination des petites et moyennes entreprises demeure relativement efficace.

Les start-ups n'ont pas, quant à elles, besoin de prêt bancaire, mais plutôt de fonds propres. La réglementation bancaire, telle qu'elle a évolué ces dernières années, rend extrêmement pénalisante la participation des banques à leur capital. En effet, l'investissement en actions est tellement pénalisé en termes de pondération des risques que la Société générale n'exerce pas, à de très rares exceptions près, cette activité. La réponse se trouve en effet dans le marché et avec les fonds spécialisés de capital risque. Certes, la Société générale peut développer, en tant que gestionnaire de fonds ou de partenaire de sociétés spécialisées, ses participations, mais elle ne saurait fournir de contrepartie à l'entreprise.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Delattre

Votre filiale d'assurance-vie pourrait, avec les nouveaux produits, s'y investir davantage !

Debut de section - Permalien
Patrick Suet, Secrétaire général de la Société générale

Mais le risque est porté par le client sur ce type de produits, et ce n'est pas l'assurance-vie qui porte le risque action. Le développement auquel on assiste aujourd'hui demeurera relativement marginal.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Delattre

Bercy annonce tout de même cinquante milliards d'euros !

Debut de section - Permalien
Patrick Suet, Secrétaire général de la Société générale

Certes, mais une telle estimation doit être relativisée eu égard aux attentes des clients qui, lorsqu'ils souscrivent un contrat d'assurance-vie, sont à la recherche d'une certaine sécurité, ce qui rend limite leur investissement en capital risque. C'est un vrai métier exercé par des fonds spécialisés que d'être un « Business Angel » !

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Delattre

L'un des ministres de ce gouvernement a déclaré que la refondation de notre économie passe par celle du capitalisme ce que confirment apparemment vos propos !

Debut de section - Permalien
Patrick Suet, Secrétaire général de la Société générale

N'oublions pas que la crise financière a induit des conséquences extrêmement fortes sur le comportement des épargnants ! Rappelons que le CAC-40 était, au début des années 2000, une fois et demie ce qu'il est désormais. Les personnes dont le patrimoine a perdu de la valeur entretemps, considèrent l'investissement en actions comme étant à haut risque. Acheter des actions de petites et moyennes entreprises tout justes créées ne peut intéresser que des investisseurs avertis et la responsabilité d'un banquier comme la Société générale est d'alerter ses clients sur l'existence des risques d'un tel investissement. Si celle-ci ne le fait pas, le régulateur ne manquera pas de la sanctionner. L'investissement direct en actions par les épargnants dessine certes un bon chemin pour la croissance, encore faut-il l'encadrer au mieux !

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Gonthier-Maurin

Vous n'avez pas répondu à deux de mes questions, à savoir le montant des revenus tirés du préfinancement effectué au titre du crédit d'impôt recherche et la comparaison entre la recherche effectuée en France et dans d'autres pays !

Debut de section - Permalien
Patrick Suet, Secrétaire général de la Société générale

Sur le point des préfinancements, je vous ai annoncé cent millions d'encours au taux du crédit court-terme. Tout notre effort de recherche éligible au crédit d'impôt recherche est conduit en France et la Société générale, forte de son histoire, est la seule à avoir gardé sur le territoire national une banque d'investissement qui soit forte. Nous ne touchons aucun crédit impôt recherche dans aucun autre pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Delattre

Je vous remercie, Monsieur le Secrétaire général, de votre disponibilité.

La réunion est suspendue à 15 heures.

La réunion est reprise à 16 heures 05.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Delattre

Nous auditionnons aujourd'hui le secrétaire d'État au budget dans le cadre de notre commission d'enquête. Cette audition intervient à un moment clé de l'actualité comme le suggéreront sans doute un certain nombre de nos questions. Vous avez connaissance, en tant qu'ancien rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale, à la fois des avantages attachés au CIR et des quelques critiques qui peuvent lui être adressés. Au-delà de l'exposé conventionnel, dites-nous ce qu'au fond, l'administration pense d'un dispositif dont la dépense fiscale associée a atteint près de 5 milliards et demi d'euros et qui mérite, donc, un contrôle parlementaire attentif.

Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, M. Christian Eckert prête serment.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d'État

Vous avez souhaité instituer une commission d'enquête portant sur le crédit d'impôt recherche (CIR). Même si ce sujet a fait l'objet de nombreuses études, il est tout à fait légitime que la représentation nationale s'intéresse de près à ce dispositif, qui représente beaucoup d'argent public, mais qui est aussi l'un des outils les plus puissants en matière de soutien à la recherche en France.

Vous avez adressé un questionnaire très détaillé à mes services ainsi qu'à ceux du Ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche. Les réponses encore en cours de traitement vous seront adressées très prochainement.

A titre liminaire, je me permets de vous indiquer que le secret fiscal m'interdit, en application de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 sur le fonctionnement des assemblées parlementaires, dans une audition publique, d'évoquer les situations fiscales particulières des entreprises. En revanche, votre rapporteure a sollicité des données à caractère nominatif, comme c'est son droit. Elles lui seront bien entendues transmises dans les formalités particulières qui permettent le respect du secret fiscal.

Le crédit d'impôt recherche est un objet ancien. Songez qu'un premier dispositif de soutien à la R&D des entreprises a été créé en 1983 par le Gouvernement de Pierre Mauroy.

Soutenir la recherche privée est une nécessité, tout autant que soutenir la recherche publique et il est absurde d'opposer les efforts entre eux, tant ils sont complémentaires. Notre pays excelle dans le domaine de la recherche fondamentale et ce, depuis très longtemps. En revanche, le monde a changé, il est devenu plus concurrentiel avec l'émergence de nouvelles grandes nations industrielles. Dans ce contexte, le progrès technologique et la capacité à innover, à se renouveler, sont devenus les facteurs clé de la création de valeur pour notre économie, en particulier si nous souhaitons toujours figurer parmi les pays les plus développés et offrir à notre population ce qu'elle est en droit d'attendre en matière de bien-être et de redistribution. L'innovation, c'est non seulement ce qui nous permet de rester dans la course, mais aussi de surmonter la concurrence par les coûts. Et cette innovation, qui se diffuse à toute l'économie, elle commence d'abord par de la recherche et elle se concrétise par son développement.

En matière de recherche, tout ne se décrète pas et les calculs de rentabilité imposent à la fois de prendre de l'avance et de voir sur le long terme. Rechercher c'est donc investir, mais c'est aussi prendre des risques ; par exemple le risque d'échouer. C'est pourquoi, sans soutien durable, les entreprises, et notamment les moins solides, ne produisent pas spontanément la quantité socialement et économiquement optimale de R&D. Il y a donc une imperfection du marché. L'objet du CIR est de la corriger.

La France a fait le choix d'un outil simple et puissant, dont le coût est certes important, mais désormais stabilisé.

L'agenda de Lisbonne en 2000 prévoyait que les dépenses de R&D devaient atteindre 3 % du produit intérieur brut (PIB), dont les deux tiers de recherche privée. Nous en étions loin et, vous le savez, dans les années 2000, la France a beaucoup perdu en matière de compétitivité, notamment dans le secteur industriel.

En pratique, le premier CIR, portait sur une augmentation des dépenses de R&D d'une année sur l'autre et non sur un volume. Il n'incitait donc pas les entreprises à accroître durablement leur effort. En effet, une fois la dépense accrue, l'entreprise ne bénéficiait plus du CIR même en maintenant un effort de R&D constant. Au contraire, elles étaient même encouragées à avoir une R&D fluctuante, ce qui était contre-productif. Le CIR était par ailleurs complexe.

Il a été plusieurs fois ajusté, mais le dispositif que nous connaissons désormais a été rendu plus simple et plus puissant. Il représente 30 % des dépenses de R&D engagées durant l'année par l'entreprise dans la limite de 100 millions d'euros. Au-delà de 100 millions d'euros, c'est un taux de 5 % qui s'applique. Il n'est plus plafonné.

Son coût a certes naturellement crû, mais nous avons maintenant atteint un régime de croisière avec une créance stabilisée aux alentours de 5,6 milliards d'euros pour plus de 20 000 déclarants (prévisions associées au programme de stabilité pour 2015). Dans les premières années suivant la réforme de la loi de finances pour 2008, le coût du CIR a pu être sous-estimé. Ces écarts de prévision jusqu'en 2013 étaient liés à sa montée en charge et aux remboursements anticipés des créances prévus lors du plan de relance. Depuis 2013, les prévisions sont plus précises.

En matière de R&D, la France est aujourd'hui dans la course internationale, quand bien même la concurrence s'est accrue.

Au sein de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), 26 des 34 États membres ont un dispositif fiscal spécifique d'encouragement à la recherche privée. Le coût du CIR représentait 0,26 % du PIB en 2011, loin devant le Canada qui était second. Entre 2007 et 2012, la R&D des entreprises est passée de 1,31 % à 1,45 % du PIB. C'est donc une hausse de 0,14 % du PIB. Et c'est la recherche privée qui a contribué à faire progresser l'effort total de R & D, l'effort public restant stable en proportion du PIB.

À partir de données de l'OCDE et du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, on constate que depuis 2007, la créance de CIR et la dépense intérieure de R&D des entreprises (DIRDE) ont cru simultanément, même si l'assiette du CIR ne correspond pas tout à fait à la dépense intérieure. Notamment parce que certaines dépenses sont prises en compte sur une base forfaitaire comme les dépenses de personnel et les dotations aux amortissements ou que l'assiette du CIR peut inclure des dépenses de R&D sous traitées à l'étranger.

En volume, la créance annuelle de CIR a augmenté de 800 millions d'euros entre 2008 et 2012. La dépense intérieure de R&D des entreprises a progressé de 4,2 milliards d'euros dans le même intervalle.

En matière de dépense de recherche, la France se positionne au 6e rang mondial et au 2e rang européen, devancée par des États comme l'Allemagne, le Japon ou la Corée qui ont une base industrielle plus large. Notre intensité en R&D progresse, non seulement en valeur absolue, mais aussi plus vite que la moyenne des États de l'Union européenne. Dans la durée, la part française de brevets déposés, rapportée à l'ensemble des pays de l'OCDE se maintient.

La force de ce dispositif réside dans son adaptation à la diversité des besoins des entreprises, petites ou grandes.

Il est d'abord rendu efficace par son champ d'application large, défini par la loi, puisqu'il tient compte de la diversité des dépenses qui contribuent à la R&D : investissements affectés à ces opérations au travers des dotations aux amortissements qui les concernent, mais aussi frais de fonctionnement, dépenses relatives à la protection de la propriété intellectuelle, dépenses de normalisation. Les dépenses de personnel, c'est-à-dire l'emploi, sont prises en compte et adaptées aux situations spécifiques. Celles liées à la première embauche sur un contrat à durée indéterminée (CDI) de titulaires d'un doctorat ou diplôme équivalent sont prises en compte pour le double de leur montant. Cela a sans doute contribué à ce que depuis 2007, l'embauche de jeunes docteurs soit multipliée par trois.

Parmi cette assiette de dépenses éligibles, la recherche publique n'est pas oubliée puisque les dépenses de sous-traitance auprès d'entités publiques sont retenues pour le double de leur montant. Cela permet une collaboration entre R&D privée et publique, conforme à la Stratégie de Lisbonne. Ainsi, en 2012, 3 000 entreprises ont déclaré un total de 449 millions d'euros de recherche contractuelle avec des institutions publiques de recherche.

Le crédit d'impôt tient également compte de la diversité des entreprises et de la diversité de leur organisation. Les entreprises peuvent recourir à la sous-traitance si les dépenses représentent moins des deux tiers des dépenses déclarées et sont inférieures à certains plafonds. Les petites et moyennes entreprises (PME) bénéficient par ailleurs du crédit d'impôt innovation pour les dépenses de conception de prototypes ou installations pilotes de nouveaux produits.

Les dernières données détaillées disponibles proviennent du ministère de la recherche. Elles ont été publiées en septembre dernier et portent sur l'année 2012 :

- 90 % des entreprises bénéficiaires du CIR sont des PME ;

- le montant de CIR perçu par ces entreprises est de 1,7 milliard d'euros en 2012 alors qu'il était de 600 millions d'euros en 2007 ;

- le CIR bénéficie majoritairement à l'industrie, à hauteur de 60 %.

En 2013, la créance de 5,5 milliards d'euros bénéficie aux grandes entreprises à hauteur de 2,4 milliards d'euros, aux entreprises de taille intermédiaire (ETI) à hauteur de 1,4 milliard d'euros et aux PME donc à hauteur de 1,7 milliard d'euros. Les PME bénéficient par ailleurs d'un remboursement anticipé de leur créance.

Cette adaptation à la diversité des besoins est importante et il serait je pense dangereux de la remettre en cause.

En matière de recherche, la force industrielle d'un pays repose sur sa capacité à constituer des filières d'excellence et d'avenir. Dans ce contexte, opposer les entreprises selon leur taille est un mauvais procès, et pour se maintenir dans la course internationale, le fait d'avoir de grands groupes, champions dans leur domaine, est un atout pour toute la filière en amont et notamment pour un grand nombre de PME. Au classement mondial des 100 grandes entreprises les plus innovantes, la France se situe au 3e rang, derrière les États-Unis et le Japon. Depuis plusieurs années, la France a pu à la fois consolider ses positions dans certains secteurs clé traditionnels (les transports, dont l'aéronautique et l'automobile, l'industrie pharmaceutique, la gestion environnementale) et développer ses avantages dans d'autres secteurs prometteurs (biotechnologies, nanotechnologies, numérique). Dans ces domaines, le poids de la France en termes de brevets déposés est supérieur à son poids dans le total des brevets mondiaux.

Enfin, le CIR est un dispositif encadré, conditionné et contrôlé.

En effet, la simplicité et la souplesse du CIR n'empêchent pas qu'il soit très fortement encadré et qu'il fasse l'objet de contrôles.

Cela se traduit par ses modalités d'application qui sont telles que le dispositif est à la fois exigeant et lisible. Il est exigeant dans la définition des dépenses de R&D concernées. Il s'appuie pour cela sur le manuel de Frascati, méthode type élaborée par l'OCDE. Ces dépenses répondent à une définition rigoureuse qui va au-delà de simples dépenses d'innovation qui n'engendreraient pas les mêmes externalités positives. En effet, les dépenses d'innovation trouvent plus facilement leur rentabilité, sans nécessairement profiter au reste de l'économie. Le CIR exige davantage. Cette exigence est justifiée dès lors que dans le même temps, le taux du crédit d'impôt, 30 %, est important.

Les entreprises peuvent avoir des interrogations légitimes sur l'éligibilité d'une dépense particulière. Une procédure spécifique de rescrit a donc été prévue, ce qui favorise la sécurité juridique et peut prévenir les erreurs. La publication en 2014 d'une documentation pédagogique contribue également à mieux prévenir le risque d'erreur. Enfin, cette année et pour les PME, nous allons étendre la portée du rescrit : il portera non seulement sur la validation du projet de recherche mais aussi sur le montant des dépenses engagées.

Pour s'assurer que la dépense remplit son objectif, l'administration procède par ailleurs à des contrôles fiscaux qui impliquent, et c'est une des spécificités du CIR, les services fiscaux et ceux du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche. Certains représentants d'entreprises font d'ailleurs remarquer que ces contrôles sont répétés et qu'ils peuvent parfois être mal vécus. Je pense pour ma part qu'ils sont nécessaires.

Ils portent principalement sur l'éligibilité des dépenses et sur l'adéquation des moyens exposés au regard du projet de recherche. En 2014, les montants rappelés au seul titre du CIR ont concernés environ 1 300 entreprises, soit 6,5 % des bénéficiaires pour plus de 200 millions d'euros (hors pénalités). De ce point de vue l'administration n'est pas moins vigilante, bien au contraire, puisque le nombre de rappels a doublé en trois ans. Il y a par ailleurs des contrôles qui ne se traduisent par aucun rappel.

La particularité des contrôles en matière de CIR, c'est qu'ils peuvent porter sur l'appréciation de la qualité d'un projet. Aussi, il est indispensable d'améliorer le dialogue sur ce point pour rendre le contrôle encore plus efficace. Comme je l'ai indiqué le 1er avril avec M. Michel Sapin lors d'une conférence de presse spécifique consacrée aux relations entre les entreprises et l'administration fiscale, nous proposerons très prochainement par la voie législative la création d'une instance spécifique de conciliation qui interviendra lors des contrôles CIR et permettra sur saisine de l'administration ou des contribuables que ces derniers puissent être entendus, notamment par un expert de la R&D.

Enfin, les contrôles ne révèlent pas une pratique de structuration des groupes dans le seul but d'optimiser le CIR qui justifierait de changer les règles actuelles

D'abord, les grandes entreprises réalisent les dépenses de recherche les plus importantes en volume, ce qui implique mécaniquement un CIR plus élevé. Il n'y a là rien d'anormal. Ces grandes entreprises déposent également un nombre très élevé de brevets.

Il existe des groupes déclarant plus de 100 millions d'euros de R&D avec une ou plusieurs filiales déclarant également plus de 100 millions d'euros de dépenses de R&D. S'agit-il d'un détournement dans le seul but de contourner le plafond de 100 millions d'euros pour bénéficier d'un taux de 30% sans limite d'assiette ?

À partir des données des déclarations CIR 2012, rien n'indique qu'une telle pratique est fréquente.

Si des montages étaient constatés, consistant à créer des filiales sans la moindre réalité économique, dans le seul but d'échapper au taux de 5 %, l'administration procéderait à des redressements, notamment par la voie de l'abus de droit.

Dès lors, une solution généralisée de plafonnement au niveau du groupe ne me paraît pas être une réponse face à un risque qui n'est pas constitué, quand nous sommes en capacité de sanctionner les éventuels abus.

Le risque serait surtout de pénaliser les groupes qui exercent des activités de recherche diversifiées et organisées par segments. C'est un choix légitime.

Surtout, les groupes français seraient pénalisés par rapport aux groupes étrangers, lesquels ne seraient concernés par aucun plafond pour leurs filiales établies en France.

Dans son rapport d'octobre 2009, le Conseil des prélèvements obligatoires relevait qu'à terme, la dépense fiscale représenterait 1 à 3 points d'impôt sur les sociétés (IS). Faudrait-il changer de méthode et réduire le taux nominal d'IS en supprimant le CIR ?

Là encore, je ne suis pas convaincu. L'intérêt du CIR est précisément, depuis toujours, d'être un allégement sélectif de l'IS tourné vers une dépense socialement utile. En d'autres termes il s'agit d'une forme de subvention, dont le bénéfice et l'emploi sont conditionnés à l'exigence d'une contrepartie et font l'objet d'un contrôle.

Le CIR actuel est un choix de politique publique, effectué en 2008, mais que le Président de la République n'a pas souhaité remettre en cause en 2012. Tout simplement parce que c'était une bonne mesure et qu'il nous est apparu indispensable de stabiliser le CIR afin de permettre aux entreprises d'avoir la visibilité nécessaire. La visibilité pour des projets qui s'inscrivent dans le court et le moyen terme et qui structurent leurs stratégies de développement. Cela reste aujourd'hui tout aussi indispensable, au moment où notre économie connaît enfin une reprise très attendue.

Je vous remercie et serais très heureux de répondre à vos éventuelles questions.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Delattre

Merci pour cet exposé complet qui montre que vous êtes bien informé, M. le ministre. Je rappelle les conditions de création de cette commission d'enquête. Chaque groupe politique dispose d'un droit de tirage que le groupe communiste a exercé pour la mise en place de la présente commission d'enquête qui est ainsi composée à la proportionnelle des groupes. L'intitulé de la commission d'enquête faisant référence à la réalité du détournement du CIR a d'entrée pesé sur la discussion. Sous le contrôle de nombreux collègues au sein de cette commission, je dois vous dire que nous n'avons pas rencontré, dans nos travaux, au moins jusqu'à hier soir, de cas avérés de détournement. Notre mission consiste, pour l'essentiel, à prévenir la tentation chez certains de considérer le CIR comme une niche fiscale plutôt qu'une incitation à la recherche, mais nous considérions que ce risque restait assez résiduelle. Nous avons, néanmoins, quelques propositions à formuler, en particulier s'agissant du rôle des cabinets de conseil qui montent les dossiers de demande de CIR pour le compte d'entreprises, et parfois ne vont pas jusqu'au bout de leur mission et laissent les petites et moyennes entreprises (PME) et les petites et moyennes industries (PMI) dans la difficulté.

Or, hier soir, les membres de la commission d'enquête, pour beaucoup d'entre eux, ont éprouvé un choc quand ils ont appris qu'une entreprise publique avait créé des filiales pour échapper à la législation fiscale. On a compris depuis que ces allégations étaient tirées de documents de 2009, mais nous souhaiterions, M. le ministre, que vous puissiez vous exprimer sur le cas sensible d'une entreprise nationale actuellement en discussion avec ses principaux partenaires sur sa capitalisation. Cette histoire trouble un peu la sérénité de nos travaux. Les informations exposées ne sont pas loin de suggérer une pratique de détournement.

Par ailleurs, demeure une difficulté technique importante tenant à la définition du périmètre des dépenses éligibles. La médiation que vous avez mise en place est une très bonne initiative car tout redressement ou toute sanction fiscale doit être précédée d'un échange contradictoire. Néanmoins, les avis formulés par les binômes chargés d'effectuer les contrôles, composés d'un expert désigné par le ministère de la recherche et un partenaire de votre administration, sur l'éligibilité des projets sont contestés plutôt par les PME-PMI. Les grands groupes sont, eux, suffisamment outillés et soucieux d'entretenir la qualité de leur relation avec l'administration fiscale. L'histoire concernant l'entreprise Renault nous a d'autant plus bousculés.

Nous sommes nombreux dans la commission à partager les argumentaires que vous avez développés. Le secteur public, qui s'estime insuffisamment soutenu à travers les dotations budgétaires, observe que la recherche privée se développe. Il ne faut pas les opposer. Mais la recherche publique mérite un certain nombre de gestes en sa faveur, car nous avons besoin de la recherche fondamentale produite par le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et nos autres établissements publics de recherche. Il serait dommage que les discussions autour du CIR se focalisent sur une rivalité entre public et privé que nous avons ressentie dans nos déplacements en province.

Notre rapport définitif devrait être adopté à la mi-juin et vos réponses importantes l'alimenteront.

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Gonthier-Maurin

Je trouve le président optimiste sur le calendrier, car nous devons, en réalité, travailler en vue d'un dépôt de rapport au début du mois de juin, et l'absence de réponses de la part de votre administration est un handicap pour nous.

J'insiste pour que ces réponses qui auraient dû nous parvenir il y a déjà un temps certain nous soient communiquées au plus vite, le respect du Parlement le nécessite absolument, mais aussi sur la nécessité pour nous de disposer d'éléments d'information qui puissent nous éclairer sur le reportage paru hier : l'État actionnaire a les moyens du contrôle qui s'impose et la direction des vérifications nationales et internationales nous a indiqué qu'elle procédait à des contrôles réguliers. Peut-être n'êtes-vous pas, au moment où nous vous entendons, en capacité de répondre à tout, mais je vous propose de rester en contact afin d'échanger, par tout moyen, sur ce sujet.

Je souhaiterais que vous puissiez revenir sur les écarts entre les prévisions de créance de CIR et la dépense fiscale constatée. Quelles sont les prévisions que vous envisagez dans l'actuelle programmation des finances publiques ?

Nous avons été interpelés, au travers de nos nombreuses auditions, sur les secteurs qui bénéficient du CIR. Pour ne rien vous cacher, nous sommes perplexes sur les bénéficiaires relevant du domaine des services et qui perçoivent des sommes de CIR parfois non négligeables. Nous avons eu connaissance d'exemples assez cocasses d'activités éligibles au CIR qui auraient pu, si ce n'était de l'argent public dont on parle, prêter à sourire. Ces exemples montrent que bien des occasions de détournement sont actuellement envisageables et effectivement saisies par certains.

Alors que les financeurs de la R&D sont généralement rétribués pour leur contribution, estimez-vous naturel que le CIR, qui s'apparente, pour une part, à un outil de financement, ne soit accompagné d'aucune garantie de retour pour l'État ?

Nous nous interrogeons sur l'opportunité d'une contractualisation sur des objectifs précis et leur vérification a posteriori.

Je me suis penchée sur l'imposition de certains grands groupes qui n'acquittent souvent aucun impôt sur les sociétés (IS) en France, ce qui nous conduit à nous poser la question des retours indirects via l'imposition des sociétés. Il existe de nombreux cas où, une fois le CIR déduit, de très grandes entreprises (étant tenue par le secret fiscal, je ne les nommerai pas) qui versent beaucoup de dividendes, en réalité, n'acquittent dans notre pays aucun IS. L'argument d'un retour indirect en prend un coup.

Nous avons auditionné la Cour des comptes. Elle avait formulé 17 recommandations principales : pouvez-vous nous indiquer comment vous avez accueilli ces recommandations et les suites que vous leur avez réservées ? Trois d'entre elles appellent une attention particulière :

- celle portant sur le régime de brevets : est-il bien exact que les 680 millions d'euros bénéficient pour 90 % de cette somme à seulement 15 bénéficiaires ? ;

- celle sur le cumul du crédit d'impôt compétitivité et emploi (CICE) et du CIR : est-il bien raisonnable de cumuler les deux régimes pour une assiette qui représente entre 400 et 600 millions d'euros selon la Cour ? ;

- celle concernant les jeunes docteurs : au terme des avantages liés à leur embauche, la Cour rappelle que leur embauche est couverte par le CIR à hauteur de 120 % de la charge salariale qu'elle représente pour l'entreprise, plus qu'une subvention du coût réel donc, pour des résultats il est vrai très médiocres sur l'embauche des jeunes docteurs.

Vous avez abordé le sujet de la médiation. Pouvez-vous nous préciser le volume de dossiers que vous pensez voir arriver dans le cadre de cette médiation qui pourrait devoir faire face à un volume d'affaires ingérable ?

Par ailleurs, vous relevez que le CIR couvre tous les besoins de toutes les populations. Or, nous sommes alertés sur le fait que les grandes entreprises ont beaucoup moins de difficulté dans la gestion du CIR que les PME. Le bénéficie de 30 % de la créance du CIR est capté par 23 entreprises, si bien que les nombreuses entreprises restantes (plusieurs milliers en réalité) sont réduites à se partager les 70 % restants. Au travers de nos auditions, beaucoup de PME, y compris des entreprises importantes, nous ont indiqué qu'elles subissent des coûts de gestion très élevés, qu'on pourrait même parfois qualifier d'exorbitants car compris dans une fourchette de 30 % à 50 % du CIR, au profit des cabinets de conseil. Qu'entendez-vous mettre en oeuvre pour contribuer à normaliser cette situation ?

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d'État

Dans la perspective de cette commission d'enquête, mon propos liminaire a été lu et relu et chaque mot a été pesé.

Je vais sortir un peu de mon texte pour vous livrer des impressions peut-être plus vagues mais qui me semblent fondamentales. Ce qui me frappe depuis que je travaille sur cette question, c'est la dualité entre certains qui se plaignent du trop large périmètre du CIR, des abus qui en découlent et de l'insuffisance des contrôles (j'accepte de l'entendre, je me suis moi-même souvent posé beaucoup de questions à cet égard), et d'autres qui ne cessent de m'interpeller sur la lourdeur des contrôles liés au CIR. Pour quelqu'un qui n'a pas d'a priori sur ce crédit d'impôt, il y a là un paradoxe extraordinaire.

Nous avons eu des débats très longs à l'Assemblée nationale, parfois même virulents avec la volonté de certains de remettre en cause l'architecture du dispositif notamment au travers de l'introduction d'un plafonnement. Dans le même temps, le nombre de courriers que je reçois, soit individuels soit rédigés par des organisations socio-professionnelles, qui regrettent le poids jugé excessif des contrôles liés au CIR, est important.

Je vous ai communiqué un certain nombre de chiffres : 6,5 % de redressements, c'est quand même beaucoup ! Il y a un contrôle approfondi, qu'il soit complexe, je vous l'accorde. On ne peut pas demander aux agents de l'administration fiscale d'être des spécialistes pour labelliser des projets qui s'inscrivent dans le champ du CIR. C'est pourquoi nous travaillons en liaison avec d'autres ministères comme le ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, mais aussi le ministère de l'économie qui dispose également de compétences sur ces sujets. Le dispositif nous apparaît équilibré, et nous le compléterons par la médiation qui sollicite des experts en la matière.

Il ne m'a pas échappé qu'il y a eu un reportage télévisé hier soir, d'autant que j'avais été sollicité pour y participer, invitation que j'ai déclinée. Je ne vous répondrai pas sur ce cas précis et sur des éléments qui sont couverts par le secret fiscal. Je fournirai, avec mon administration, des réponses au questionnaire de la rapporteure et à ses éventuelles questions complémentaires dans le sillage de cette affaire. Vous imaginez bien que je dispose de toutes les informations sur ce cas d'espèce et sur les autres cas qui ont souvent été soulevés. Parler d'actualité sur une affaire qui remonte, semble-t-il, à 2009, alors que nous sommes en 2015, on peut déjà s'interroger...

En outre, le sujet de l'organisation du plafonnement à 100 millions d'euros est récurrent, connu et débattu depuis des années au Parlement. Je rappelle la position intangible du Gouvernement que j'ai indiquée tout à l'heure : le Gouvernement ne souhaite pas que ce dispositif soit modifié. Tout le monde demande de la stabilité et de la lisibilité fiscales, de la prévisibilité pour les entreprises s'agissant d'opérations plutôt au moins de moyen terme.

Comme toujours en matière fiscale, on pourra trouver ici ou là tel ou tel cas qui peut poser question, parfois avec des volumes financiers significatifs, sur 20 000 entreprises concernées et 5,6 milliards de crédit d'impôt... Faut-il pour autant rajouter de la complexité à un dispositif qui se veut simple et lisible mais reste assez technique dans sa mise en oeuvre ? Vous l'avez dit, sa gestion peut être compliquée pour des très petites entreprises (TPE) et des PME et nécessite souvent le recours à des conseils fiscaux, j'y reviendrai.

Je ne connais aucun dispositif fiscal qui n'implique pas d'effet d'aubaine ou d'effet de bord. C'est du reste pour cette raison que nous avons collectivement, et j'y ai pris ma part, complexifié les dispositifs fiscaux. On nous reproche souvent de ne pas produire des lois simples. Pourquoi ? Tout simplement parce que la matière humaine et économique est diverse. Appliquer une loi simple et uniforme à des situations diverses peut provoquer autant d'injustice qu'il y a de situations particulières. C'est pourquoi le législateur, très souvent, prévoit des exceptions pour corriger ces effets d'aubaine. Il est vrai que le contribuable, qui n'a pas toujours la vision d'ensemble de la diversité des situations, peut s'en étonner. Tout le monde glose sur l'épaisseur du code général des impôts mais ce sont les mêmes qui vous interpellent sur les dispositions d'exception qu'il faudrait réserver à certaines situations. Le législateur est constamment confronté à cette interrogation entre la justice et la justesse, et entre la complexité et la simplicité. S'agissant du CIR, nous avons adopté le principe de la durabilité du dispositif, de son caractère sacralisé pour donner de l'attractivité et de la lisibilité. Pour autant, j'estime que les contrôles sont nécessaires. Certes, nous avons un dispositif très ouvert, très large, mais qui doit être très contrôlé.

Sur cette affaire d'organisation et d'optimisation que l'on pourrait être tenté de rechercher : vous savez que les textes disposent que sont considérés comme des abus de droit les montages qui ont été conçus dans un but exclusivement fiscal. Cet adverbe a fait l'objet de beaucoup de discussions et de propositions d'amendement, voire de quelques censures de la part du Conseil constitutionnel lorsque nous avons tenté de substituer à l'adverbe « exclusivement » d'autres adverbes tels que « essentiellement » ou « principalement ». Les députés avaient fait adopter, contre l'avis du Gouvernement ou parfois avec son opposition bienveillante, des modifications de cet adverbe qui ont été régulièrement censurées.

En ce qui concerne la fiscalité des produits des brevets, c'est une question qui se traite au niveau européen. C'est le souhait de M. Michel Sapin de parvenir très prochainement à un aboutissement, probablement au mois de juin. Un certain nombre de pays sont désormais à peu près d'accord pour traiter ces questions de « patent box » et de lieu d'exploitation de brevets dans des pays à fiscalité favorable. M. Michel Sapin en a parlé hier à l'Assemblée nationale, ces questions sont au coeur de travaux avec l'Organisation de la coopération et du développement économiques (OCDE) et nos partenaires européens.

Mme la rapporteure, vous avez évoqué la question des secteurs d'activité. Dans les réponses que nous vous transmettrons, vous disposerez de la répartition par secteurs d'activité. Bien sûr, sur les 5,5 ou 5,6 milliards d'euros de créance, sont principalement au bénéfice des industries manufacturières, à hauteur de 2,445 milliards d'euros. Les activités financières et d'assurance ont perçu, en 2013, moins de 300 millions d'euros de CIR, ce qui me paraît globalement plutôt faible, et ne figurent donc pas sur le podium des secteurs bénéficiaires du CIR, même pas, je pense, parmi les six ou sept premiers. Les activités spécialisées scientifiques et techniques ont représenté plus d'un milliard d'euros, les activités d'information et de communication, donc le secteur du numérique, autour de 800 millions d'euros, et le secteur automobile près de 500 millions d'euros.

En ce qui concerne les écarts entre prévision et réalisation, le projet de loi de finances pour 2014 a réévalué, en 2013, les créances de 2010 de 2,6 %, et le projet de loi de finances pour 2015 les a réévaluées, en 2014, de 9 %, c'est beaucoup. Pour les créances de 2011, on était sur le même chronique, avec des réévaluations de 4,4 % et 0 %, pour 2012, de 2,7 % et 1 %, et, pour 2013, de 1,2 % et 1 %. Les créances les plus récentes n'ont pas connu d'écarts significatifs entre les prévisions et les réalisations. La mise en oeuvre du plan de relance et l'anticipation des versements ont rendu ces écarts importants.

S'agissant du cumul CICE-CIR, on n'est généralement pas sur les mêmes types de revenus. Les salaires éligibles au CICE se situent entre 1 et 2,5 fois le salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC). Les salaires des chercheurs sont souvent supérieurs à cette fourchette, alors que les salaires des fonctions support s'y inscrivent. On peut imaginer des dispositifs pour éliminer ce double avantage, mais je ne suis pas sûr que cela porterait sur des sommes significatives. Cela rajouterait de la complexité, et le Gouvernement, à ce stade, ne le souhaite pas.

Pour l'embauche des jeunes docteurs, la créance peut certes couvrir 120 % de la charge salariale. Pourquoi pas ? Quand on examine la globalité des dépenses de R&D, elles restent financées à hauteur de 30 % par le CIR. Si un poste dépasse les 100 %... Si les embauches de jeunes docteurs ont augmenté, certains réclament d'aller encore plus loin, il s'agirait alors d'atteindre des taux encore plus significatifs. Je ne pense pas, encore une fois, que ce sujet mérite une modification substantielle.

Sur la contractualisation et les retours induits, il s'agit d'une question très vaste et subjective. Les entreprises vous diraient que le bénéfice pour le pays où l'activité se déroule ne se limite pas au seul impôt sur les sociétés, et les salaires produisent aussi d'autres revenus pour l'État, au travers de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), les cotisations sociales... Avoir une évaluation de ce retour sur avantage fiscal ne saurait se limiter au seul impôt sur le revenu des entreprises. La question de l'organisation de l'ensemble des types d'imposition est une question plus large qui recouvre l'impôt, son affectation et son assiette, comme en ce qui concerne le financement de la protection sociale.

Il existe effectivement beaucoup de cabinets de conseil dont on peut parfois s'interroger sur le professionnalisme, la précision et la fiabilité. Le législateur doit-il, pour autant, intervenir dans ce domaine ? Je vous en laisse méditer la portée. C'est difficile. Nous nous sommes posés la question de la sanction pénale applicable aux cabinets dont les conseils ont conduit à des abus de droit ou à des fraudes.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Delattre

Le problème se pose en particulier dans le démarchage et les campagnes de publicité que ces cabinets déploient...

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d'État

Peut-être. Je ne suis pas fermé à des propositions sur ce sujet. J'ai vu des cas, y compris sur le terrain.

Nous souhaitons développer, bien que cela surcharge le travail de notre administration, le rescrit pour qu'il soit plus précis et plus complet. Pour les petites entreprises, on va permettre une prise en compte chiffrée. Je connais la frilosité de mon administration sur ce sujet. On s'interroge souvent sur les conséquences de l'absence de réponse. On a raccourci les délais de réponse pour un certain type de demande de rescrit pour précisément que les entreprises puissent en disposer de façon plus rapide et que cela puisse les sécuriser dans leur démarche.

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Gonthier-Maurin

Dans quelle mesure ce nouveau rescrit engagerait-t-il davantage l'administration fiscale ? Vous vous engagez sur le montant ? Sous quelles conditions ?

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d'État

L'entreprise nous décrit de façon suffisamment précise son projet pour que nous puissions valider ce projet et le montant de la créance qui serait prise en compte. Cela n'exclut pas le contrôle a posteriori, bien entendu. Quand on produit un rescrit, on s'engage.

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Gonthier-Maurin

Il y aurait alors garantie de l'État sur le montant. Quelle est la contrepartie exigée ou la conditionnalité ?

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d'État

En matière d'impôt, l'entreprise annonce son opération, décrit son projet et les moyens qu'elle entend mettre en oeuvre pour le conduire. L'administration détermine si le projet est bien éligible, si les salaires ou les autres dépenses affichées seront bien prises en compte et dans quelle proportion en fonction de leur nature (pour moitié, à 100 %, pour le double ou pour le triple...), et précisera le CIR estimé. C'est une façon de sécuriser les choses.

Bien entendu, une fois que l'opération s'est déroulée et qu'une entreprise réclame le versement du CIR, l'administration peut toujours, comme elle le fait régulièrement, contrôler que ce qui a été réalisé, dépensé et effectué est conforme au descriptif du rescrit demandé. Le rescrit n'empêche pas le contentieux ou conciliation.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d'État

Rien ne s'oppose à des processus itératifs. Si, au bout de deux ans, le projet a évolué d'une certaine façon et que l'on revient vers l'administration fiscale pour préciser la nouvelle orientation du projet compte tenu du contexte et de l'objectif, cette dernière peut aussi adapter sa position. D'une façon générale, nous sommes favorables à l'utilisation du rescrit, en matière de CIR comme pour d'autres dispositifs fiscaux. Cela suppose plus de travail en amont, mais cela allège le travail en aval.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

M. le ministre, vous avez bien dit que le CIR était un outil simple, puissant et stabilisé. Ce qui m'interpelle c'est la distorsion entre la montée en puissance du CIR et l'évolution de la R&D dans notre pays. Il y là un écart que j'ai du mal à comprendre.

Je m'interroge, d'autre part, sur le périmètre d'éligibilité, dont la définition s'appuie sur le manuel de Frascati. Nos auditions précédentes, M. le président, m'interpellent sur certains secteurs de services qui sont éligibles au CIR. Par rapport au CICE, le périmètre d'éligibilité me pose également problème. Je sais bien qu'il y a un problème de constitutionnalité qui a été posé, et il y a égalité des entreprises devant la loi.

Quand on voit les montants atteints, qui vont sans doute friser les six milliards d'euros en 2015...

Le CIR est un levier pour le développement de la recherche. C'est aussi un facteur d'attractivité pour la localisation de centres de recherche venant de l'étranger. Mais quand a-t-on le retour sur investissement ? Quand on dépasse la phase de développement, la production part ailleurs... On ne connaît pas le retour sur investissement en termes d'emplois créés en production industrielle, indépendamment des emplois dans les centres de recherche. C'est bien de disposer de centres de recherche, y compris venant de l'étranger, mais ce serait aussi bien de développer la production industrielle et rattraper la dégradation que l'on connaît depuis plus de quinze ans.

Je suis tout à fait d'accord avec vous, M. le ministre, sur le développement du rescrit. Je crois qu'il s'agit d'une assurance, même s'il doit évoluer, car le domaine de la recherche, sur deux ou trois ans, connaît forcément des évolutions. C'est plutôt le périmètre initial, autrement dit les actions éligibles au départ, qui évolue, car le taux applicable, on le connaît généralement puisqu'on dépasse rarement les 100 millions d'euros. Il faudrait pouvoir adapter le rescrit, s'orienter vers un « rescrit évolutif », pour développer la confiance.

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Vincent

De façon générale, c'est un dispositif dont personne ne souhaite la disparition, il est même encouragé particulièrement pour ses effets sur les PME-PMI. Mes interrogations portent sur les grandes entreprises car, objectivement, que ce soit à travers la presse ou certaines auditions (je laisse de côté les situations d'éventuelle fraude fiscale qui seront examinées par les services compétents), on peut se poser la question de l'efficacité et du retour sur investissement du développement de la R&D en France. Ne faut-il pas, en particulier pour les entreprises qui émargent à des montants considérables, ajouter quelques autres conditions ? Nous avons eu témoignage de pratiques qui sont, objectivement, presque choquantes par rapport à l'effort que consent la nation. Nous avons eu connaissance, pour un groupe notamment, d'un cas de délocalisation à l'étranger alors même qu'il était bénéficiaire du CIR de manière importante. Ne faudrait-il pas s'assurer, pour celles qui utilisent massivement ces ressources, que, sur l'ensemble de leurs politiques, les entreprises jouent bien le jeu de la R&D française ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Berson

Avant de mettre le doigt sur un certain nombre de problèmes qui à l'évidence se posent, je voudrais tout d'abord faire une réflexion d'ordre général. Nous menons une enquête sur une dépense fiscale qui avoisine les six milliards d'euros, soit une somme considérable, la deuxième dépense fiscale du budget de l'État après le CICE. Ces six milliards d'euros doivent être comparés aux 16 milliards d'euros de dotation budgétaire de la recherche. L'État consent à un double effort : de 16 milliards d'euros pour la recherche publique, et de six milliards d'euros pour la recherche privée qui s'élève à 30 milliards d'euros. On comprend que le CIR soit un sujet passionnel, qui fasse l'objet de beaucoup de débats, quelques fois déraisonnables. Mais c'est certainement l'un des débats sur lesquels le Parlement intervient le plus fréquemment.

L'État doit inciter à et soutenir la recherche publique et privée, mais où placer le curseur entre l'effort en direction du public et celui en direction du privé. J'ai le sentiment que, depuis un certain nombre d'années, nous ne nous posons pas cette question, et c'est la raison pour laquelle nous avons ces débats parfois vifs sur le CIR. Quel est votre sentiment, M. le ministre, sur ce sujet ?

Les auditions auxquelles nous nous livrons font apparaître qu'il est inenvisageable de supprimer un dispositif dont l'efficience et l'efficacité sont avérées, même s'il est difficile de les mesurer. Mais une difficulté réside dans le fait que le dispositif est universel, concerne toutes les entreprises, quelle que soit leur taille ou leur branche. La pertinence du CIR pour Carrefour, Darty, des maisons d'édition ou l'audiovisuel, sans parler des banques et des assurances, pose problème. Certes, le cadre juridique, constitutionnel et européen ne facilite pas le règlement de cette question. Qu'est-ce qui est le plus efficace ? Avoir un dispositif universel, du type du CIR, ou avoir une politique de subvention ciblée sur certaines branches et filières, comme dans le cadre des 34 plans de la France industrielle ?

Le CIR est beaucoup plus utile, efficace et efficient pour les PME et les entreprises de taille intermédiaire (ETI) que pour les grands groupes industriels. Je schématise, le CIR revient pour un peu plus d'un tiers aux PME (moins de 250 salariés), un peu plus d'un tiers aux ETI (de 250 à 5 000 salariés) et un peu moins d'un tiers aux entreprises de plus de 5 000 salariés. La limite des 100 millions d'euros déclenchant l'application des 5 % permet de plafonner et maîtriser le CIR dans les grandes entreprises. Mais l'effort ne devrait-il pas être encore plus important pour les PME au détriment le cas échéant des grandes entreprises ? Des responsables de grandes entreprises nous ont dit qu'ils ne seraient pas choqués que nous incitions davantage à la recherche au niveau des PME et ETI plutôt qu'au niveau des grandes entreprises.

Ma dernière question est un peu plus technique. À l'heure actuelle, la sous-traitance pose problème. Des entreprises sous-traitent des dépenses de recherche. Ces dépenses sont plafonnées. Ce ne sont pas ceux qui effectuent la recherche qui déclarent et bénéficient du CIR, mais les donneurs d'ordre. N'y aurait-il pas, sur ce sujet-là, nécessité de faire évoluer le dispositif, dans le sens où ce serait celui qui cherche qui bénéficierait du CIR et où, par là-même, seraient beaucoup plus aidées les PME qui sont principalement sollicitées pour sous-traiter des opérations de recherche à la demande des grands groupes ?

Le contrôle est effectué de deux façons : par un agent de l'administration fiscale et par un expert du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche. Seul l'expert est en capacité de dire si la dépense relève ou non de la recherche. Toutes les auditions ont montré que nous manquons d'experts et que, par conséquent, le contrôle n'est pas conduit de manière satisfaisante. Lorsque ces experts participent au contrôle, ils le font dans leur bureau : pas de contrôle sur place. Le débat contradictoire n'intervient qu'entre l'entreprise et l'agent de l'administration fiscale, mais pas entre l'expert et le chercheur de l'entreprise, et c'est un vrai problème. Il y a un dialogue, mais il ne s'agit pas d'une véritable procédure contradictoire, la contre-expertise n'est pas non plus de droit. Des moyens supplémentaires devraient être, à mon sens, mis à la disposition du ministère pour que davantage d'experts soient en capacité de réaliser leur analyse non pas en chambre mais sur place.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d'État

Le secrétaire d'État au budget n'est pas nécessairement expert de tout, et il y a un certain nombre de questions sur lesquelles je ne serai pas en mesure d'apporter tous les éléments de réponse, notamment s'agissant du nombre des experts mis à disposition par le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche et de la méthode de leurs interventions. J'évoquais la création de cette instance de conciliation qui permettra, je crois, d'améliorer le dispositif.

En ce qui concerne les sous-traitants, le plafond de deux millions d'euros est parfois porté à dix en fonction des liens de dépendance entre les sociétés. Faire sauter ce plafond relèverait la dépense de plusieurs centaines de millions d'euros. Nos estimations se situent entre 400 et 700 millions d'euros de dépenses supplémentaires. Ce n'est pas le seul argument. Dans les échanges qu'il peut y avoir entre une entreprise et son sous-traitant, il existe aussi la marge que facture le sous-traitant. Faire porter le CIR sur la marge du sous-traitant interroge. L'administration, dans son instruction fiscale de 2014 mise en cause, n'a fait que reprendre les termes de la loi. Si un changement devait avoir lieu, il devrait intervenir par voie législative. Je n'y suis pas a priori très favorable, il y a un élément budgétaire important à prendre en compte.

Ciblage ou pas ciblage ? Une question vieille comme le monde, que l'on pose également et même plus pour le CICE. Seriez-vous absolument certain que la subvention répondrait forcément aux impératifs des contrôles et de la bonne égalité de traitement de chacun conformément aux règles européennes et autres ? Je n'en suis pas du tout certain. Je pense que nous avons là un dispositif plutôt ciblé, avec certainement des effets de bord que l'on peut contester. Le dispositif qui est complètement universel a priori, c'est l'impôt. Le CIR, dans la mesure où il porte sur certaines opérations, est forcément déjà plus ciblé que l'impôt. L'est-il suffisamment ? Chacun peut se faire sa propre doctrine. En matière de curseur entre le public et le privé, nous estimons, en 2012, que les dépenses privées de R&D s'élèvent à 30 milliards d'euros.

Nous étions, en 2008, à 4,5 milliards d'euros de créance de CIR. En 2012, nous sommes à 5,3 milliards d'euros. Les dépenses de R&D ont augmenté de plus du double de l'augmentation du CIR. Les courbes montrent bien que l'augmentation des dépenses de R&D est plus importante que celle du CIR, y compris en pourcentage. En 2011, les dépenses de CIR ont augmenté de 3,4 % ; l'assiette a, elle, augmenté de 4,1 %. L'écart est encore plus important en 2012 puisque la créance de CIR a progressé de 3,5 % quand les dépenses ont augmenté de 5,2 %.

En ce qui concerne la question de l'optimisation et des filiales, je dois quand même préciser qu'il existe beaucoup de groupes pour lesquels le taux de 5 % s'applique. Certes, vous trouverez des groupes disposant de plusieurs filiales dont les dépenses respectives de R&D permettent l'obtention du CIR à hauteur de 30 %, mais, dans la plupart des groupes, vous trouverez des dépenses excédant largement 100 millions d'euros pour beaucoup de leurs composantes. Vous devrez examiner cela très attentivement. Je n'en dirai pas plus car le nombre d'entreprises concernées étant assez faible, on peut les identifier assez vite, je dois donc m'en tenir là.

S'agissant des dépenses de R&D effectuées à l'étranger qui pourraient être éligibles au CIR, elles représentent 1,32 % du montant du CIR. Ces cas sont tout de même très marginaux. C'est moins d'1,5 % des dépenses de R&D donnant lieu au CIR qui sont effectuées à l'étranger.

Des entreprises réalisant de la R&D en France, bénéficient du CIR, puis vont exploiter les résultats de cette recherche à l'étranger. C'est une question qui dépasse le cadre du CIR : c'est la question de la compétitivité, non plus de la partie R&D, mais de la partie production. Les efforts du Gouvernement concernant la compétitivité-coût de la main d'oeuvre se manifestent sur différents types d'impôt, notamment par la mise en place d'un certain nombre d'allégements d'impôts ou de cotisations que le Parlement a bien voulu accepter.

Pardonnez-moi de ne pas avoir pu répondre à l'ensemble de vos préoccupations, nous le ferons par écrit.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Delattre

Je vous remercie M. le ministre. Je rappelle que la position globale de la commission ne consiste pas à remettre en cause le principe du CIR. Il est même arrivé à votre serviteur de rappeler qu'il s'agissait d'un engagement renouvelé du Président de la République et je ne me suis même pas senti à contre-emploi. Nous essaierons de conclure dans l'intérêt de notre économie et de notre pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Delattre

Nous recevons désormais M. François Soulmagnon, directeur général de l'association française des entreprises privées (AFEP) et Mme Amina Tarmil, directrice adjointe des affaires fiscales.

L'AFEP compte 113 entreprises adhérentes parmi lesquels nos fleurons industriels, Air France, Airbus, Michelin ou Thales, qui représentent un chiffre d'affaires annuel cumulé de 650 milliards d'euros en France et de 2 600 milliards d'euros dans le monde.

La commission d'enquête est constituée de vingt-et-un membres, à la proportionnelle des groupes du Sénat. Il existe un droit de tirage qui permet à chaque groupe politique représenté au Sénat de demander la création d'une commission d'enquête une fois par an. Cette commission d'enquête a été créée à l'initiative du groupe CRC auquel appartient Brigitte Gonthier-Maurin, notre rapporteure.

Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, M. François Soulmagnon et Mme Amina Tarmil prêtent successivement serment.

Debut de section - Permalien
François Soulmagnon, directeur général de l'association française des entreprises privées (AFEP)

Je propose de structurer mon propos en quatre points : je présenterai d'abord l'AFEP et ses missions, ce qui vous permettra de comprendre pourquoi nous n'avons pas été en mesure de répondre à l'ensemble des questions écrites qui nous ont été adressées. J'essaierai ensuite de décrire le rôle des grands entreprises puis d'expliquer l'analyse que nous faisons du crédit d'impôt recherche (CIR) et les difficultés qui peuvent exister sur ce dispositif.

Concernant l'AFEP, vous avez rappelé que nous regroupions 113 entreprises privées, de tous les secteurs (industrie, banque, assurance...) : nos intérêts se portent donc avant tout sur des sujets transversaux. La recherche n'est certes pas cantonnée à un domaine en particulier, mais est plus importante dans l'industrie et certains services. Nous ne faisons pas de conseil aux entreprises : nous n'avons pas de données sur le fonctionnement interne des entreprises, leurs déclarations fiscales... Cela explique que nous n'ayons pas pu répondre à toutes les demandes qui nous avaient été transmises. Nos analyses, quand elles sont chiffrées, s'appuient sur les données publiques fournies par certains ministères ou organes de l'État.

Les grandes entreprises - au nombre de 250 en France - représentent environ 30 % de l'emploi et de la valeur ajoutée, 50 % des exportations et 60 % des dépenses de recherche et développement privées. Ces chiffres décrivent la structure même de l'économie française. Les grandes entreprises sont souvent les champions de leur secteur et font de la recherche sans nécessairement attendre les subsides de l'État, bien que le CIR joue un rôle majeur. Nous avions mis en place un groupe de travail, il y a deux ans, présidé par Gilles Michel, président d'Imerys, entreprise fabriquant des matériaux. Les membres de ce groupe de travail sont arrivés à la conclusion que nous avions en France tout ce qu'il fallait pour être compétitifs en matière de recherche - et nous le sommes. Nous bénéficions d'une recherche publique de grande qualité, reconnue, et qui a acquis la capacité de travailler de façon plutôt efficace avec les entreprises. Nous avons de nombreux dispositifs utiles : les pôles de compétitivité, les instituts Carnot, les IRT, le CIR... Il n'y a donc pas d'obstacle majeur à mener en France une recherche de qualité.

Malgré l'existence d'un tissu très dynamique de PME innovantes, l'on constate qu'il reste très difficile de faire passer une certaine taille à ces petites entreprises. Il faut d'ailleurs rappeler que le modèle de recherche des grandes entreprises a énormément évolué. Le modèle exclusivement fondé sur des centres de recherche très centralisés et internes au groupe, comme celui de Rhône-Poulenc qui comptait 6 000 personnes, n'existe plus. Nous sommes désormais dans des structures beaucoup plus collaboratives, qui s'appuient dans beaucoup de secteurs sur des PME, en pariant sur le fait qu'elles seront beaucoup plus mobiles, innovantes, dans le vent, avec des contrats qui vont jusqu'à engagement de racheter la structure s'il y a succès dans la recherche. Mais les entreprises ne font pas encore de « capital venture » à travers leur financement.

Le CIR est un des outils centraux pour les grandes entreprises. Selon une petite enquête menée auprès de nos adhérents, le crédit d'impôt recherche, qui représente au total 18 % de la dépense de recherche et développement intérieure privée, est encore plus stratégique pour nos grandes entreprises que le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE). Le CIR alloué aux grandes entreprises est d'ailleurs significatif - mais il n'y a pas de surpondération du CIR, car la part des grandes entreprises dans le CIR est inférieure à leur part dans les dépenses de recherche et développement. Le CIR est un outil très bien compris à l'international.

Il s'agit pour nous, et j'insiste sur ce point car il est parfois source de malentendus, d'un outil d'aide à l'implantation de la recherche - et non pas de développement de la recherche dans les grandes entreprises. Le CIR permet en effet de diminuer le coût de la recherche, comme en témoigne une étude de l'ANRT qui confirme le ressenti qu'exprimaient nos adhérents : la France est compétitive pour implanter un centre de recherche par rapport à l'Allemagne, et ce grâce au CIR. Sans ce crédit d'impôt, la France serait plus coûteuse que l'Allemagne, puisque de l'autre côté du Rhin le taux de cotisations sociales est plafonné.

Les grandes entreprises étrangères comme françaises partagent cette vision du CIR. Nous n'avons pas connaissance de cas dans lesquels le CIR serait considéré comme un moyen de pure optimisation fiscale.

Debut de section - Permalien
Amina Tarmil, directrice adjointe des affaires fiscales de l'AFEP

Le CIR est bien réaffecté au budget du centre ou du service de recherche qui est à l'origine des dépenses de recherche constituant l'assiette du CIR. Bien que le CIR soit perçu par la société mère, il est réalloué aux filiales qui l'ont généré - les conventions d'intégration qui prévoient la neutralité fiscale, c'est-à-dire la grande majorité d'entre elles, en disposent ainsi.

Les principales difficultés identifiées concernant le CIR sont l'instabilité et la façon dont se déroule le contrôle fiscal. Dans la mesure où la recherche se déroule dans le temps, le dispositif pour être efficace doit bénéficier d'une certaine stabilité - or, il est constamment au coeur des débats, soit pour le remettre en cause, soit pour le raboter. Ces débats « polluent » le CIR, ce qui est regrettable.

La deuxième composante de l'instabilité résulte des fréquents changements de doctrine fiscale, bien que la loi reste identique. Le coût budgétaire du CIR pour l'État est certes important, mais une remise en cause du CIR pour les entreprises aurait également un impact très lourd.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Delattre

Il s'agit davantage de mieux le contrôler que de le supprimer ! L'intérêt qu'y portent les parlementaires est bien compréhensible au vu du poids du dispositif : 5,5 milliards d'euros, ce n'est pas rien. Mais un relatif consensus existe quant aux grandes lignes du crédit d'impôt recherche.

Debut de section - Permalien
François Soulmagnon, directeur général de l'association française des entreprises privées (AFEP)

En effet, bien qu'il n'y ait pas eu de modifications sur le plan législatif depuis quelques années, les débats récurrents sur une éventuelle remise en cause du dispositif font naître des craintes chez certaines des entreprises - qui sont assez frileuses, il faut le savoir. Comme la recherche s'enclenche sur un cycle long, dès lors qu'existe une crainte sur la pérennité du CIR, il y a des réticences à l'intégrer dans les calculs préalables à la décision d'implantation.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Berson

Le CIR n'a-t-il pas été, grâce aux différentes réformes et en particulier celles de 2008, amélioré et stabilisé ?

Debut de section - Permalien
François Soulmagnon, directeur général de l'association française des entreprises privées (AFEP)

Absolument.

Debut de section - Permalien
Amina Tarmil, directrice adjointe des affaires fiscales de l'AFEP

La réforme de 2008 a été tout à fait fondamentale.

Cependant, les débats permanents sur le dispositif créent des inquiétudes, en particulier chez les investisseurs étrangers.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Delattre

J'insiste sur le fait que le contrôle n'a rien à voir avec la remise en cause. Je crois que les chefs d'entreprise alimentent eux-mêmes leurs peurs. Le Président de la République a sanctuarisé le CIR - sous ce quinquennat, les craintes semblent donc injustifiées. C'est une majorité de droite qui a renforcé le CIR en 2008 et la première pierre en avait été posée sous le gouvernement de Pierre Mauroy. Le consensus existe donc bel et bien.

Il ne faut pas qu'à chaque contrôle, à chaque rapport de la Cour des comptes, qui ne fait que son travail, des inquiétudes infondées prennent le dessus. Il est normal que le Parlement ait le souci de comprendre si le dispositif correspond à l'intérêt général auquel toute politique publique se doit de concourir.

Debut de section - Permalien
François Soulmagnon, directeur général de l'association française des entreprises privées (AFEP)

Nous partageons votre analyse. Il y a eu une grande continuité politique en matière de CIR. De nombreuses améliorations sont intervenues.

Ce que l'on constate, et c'est pour cela que nous le signalons, c'est que des annonces de possibles remises en cause produisent des effets de repli chez certains investisseurs.

Ce qui est plus ennuyeux, c'est que l'instabilité découle pour partie de l'administration fiscale elle-même. D'une part, nous avons dû faire face à une modification assez forte de l'interprétation de la loi concernant la prise en compte des dépenses de sous-traitance, qui a beaucoup durci les relations inter-entreprises. D'autre part, nous entendons des récriminations de grandes entreprises, mais aussi de PME, sur la façon dont les contrôles fiscaux sont menés. Le contrôle fiscal, dans son principe, est évidemment tout à fait nécessaire. Mais les modalités selon lesquelles il est effectué sont ressenties comme extrêmement agressives et remettant en cause les programmes de recherche eux-mêmes. Cette critique s'adresse d'ailleurs moins aux agents de la DGFIP qu'à certains des experts du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche. Une vraie divergence d'appréciation existe sur la nature de la recherche industrielle, parfois très appliquée, et la vision qu'en ont les experts du ministère de la recherche.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Delattre

Le secrétaire d'État chargé du budget, que nous avons reçu récemment, nous a indiqué qu'il mettait en place, pour ce genre de difficultés, une médiation nationale. Il y aura donc la possibilité d'un dialogue contradictoire, y compris avec le scientifique du ministère.

Debut de section - Permalien
François Soulmagnon, directeur général de l'association française des entreprises privées (AFEP)

Le Gouvernement a mis en place, et pas uniquement sur le CIR, à la suite de beaucoup de récriminations sur la nature des contrôles et l'instabilité des règles appliquées, toute une série de dispositifs. Nous espérons qu'ils porteront leurs fruits et nous saluons cet effort.

Debut de section - Permalien
Amina Tarmil, directrice adjointe des affaires fiscales de l'AFEP

L'instabilité résulte davantage de la doctrine. L'instruction fiscale d'avril 2014 a remis en cause la sous-traitance agréée : on ne peut plus bénéficier du CIR au titre des dépenses excédant le plafond du donneur d'ordres.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Delattre

Au sein de vos adhérents, combien d'entreprises dépassent le seuil des 100 millions d'euros ?

Debut de section - Permalien
François Soulmagnon, directeur général de l'association française des entreprises privées (AFEP)

Des groupes comme Sanofi ou Thales sont au-delà de ce seuil, de par la nature de leurs activités. L'administration fiscale doit disposer de statistiques plus complètes.

Debut de section - Permalien
Amina Tarmil, directrice adjointe des affaires fiscales de l'AFEP

Pour en revenir à la sous-traitance, la modification d'avril 2014 est venue remettre en cause la structuration des groupes. Ce changement est lié à une jurisprudence européenne qui avait invalidé le dispositif français, en considérant qu'il fallait traiter de la même façon la sous-traitance conduite en France et la sous-traitance réalisée au sein de l'Union européenne. À partir de là, ont été créés des seuils, entre 2 et 12 millions d'euros selon la situation de l'organisme sous-traitant, afin d'éviter un financement trop important par l'État français de la sous-traitance réalisée à l'étranger. Depuis l'instruction fiscale d'avril 2014, l'entreprise sous-traitante privée agréée ne peut plus bénéficier du CIR, même si elle est domiciliée en France.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Delattre

De quelle façon les grandes entreprises sont-elles touchées par ces changements ?

Debut de section - Permalien
François Soulmagnon, directeur général de l'association française des entreprises privées (AFEP)

Une entreprise comme Altran, par exemple, qui ne fait que de la recherche technologique, c'est son métier, en sous-traitance des grands groupes, est directement impactée.

Notre souhait serait d'abord que l'on évite les modifications rétroactives. Que l'on passe à un autre modèle de prise en compte de dépenses de sous-traitance, on peut l'admettre - après tout, l'exécutif est dans son rôle. Mais la remise en cause du passé paraît très problématique.

Le nouveau modèle a en outre un certain nombre d'inconvénients : il ne donne plus aucun avantage à la France par rapport aux autres pays européens en matière de sous-traitance. L'ancien système des sous-traitants agréés était très astucieux en termes de développement économique français. Maintenant, les filières doivent être restructurées de telle façon que l'on continue à bénéficier de la recherche mais aussi des fruits de cette recherche. Nous avons été désagréablement surpris par l'évolution du coût fiscal du taux réduit d'impôt sur les sociétés (IS) sur les redevances de de brevet, qui est passé de 600 millions d'euros à 400 millions d'euros. Pour nous, c'est un dispositif attractif, important, complémentaire du CIR. Cela signifie que certaines entreprises localisent de plus en plus leurs brevets à l'extérieur de la France. C'est un sujet extrêmement important : c'est bien de faire de la recherche, mais c'est encore mieux si existe une sorte de « droit de suivi ». Si la France bénéficie de la recherche, des droits de propriété intellectuelle, du pilote... Elle aura également l'industrie sur son territoire. Le taux réduit d'IS sur les redevances de brevet nous semblait à la fois avantageux et pas trop agressif - manifestement, ce n'est plus le cas. C'est lié à un point que vous avez soulevé dans votre questionnaire écrit : les réflexions autour de l'action 5 du projet BEPS (Base Erosion and Profit Shifting) de l'OCDE. Certaines actions de ce projet concernent un changement des règles relatives à la répartition des coûts et profits entre les différents pays. L'action 5 est spécifique à la propriété intellectuelle. Cette action nous paraît poser problème en termes d'assiette : elle est orthogonale à notre système de taux réduits, qui serait mis en charpie car il deviendrait illégal. Or, il importe de conserver un système attractif pour la propriété intellectuelle, en aval de la recherche, en France. Nous sommes inquiets et avons alerté le Gouvernement de façon très forte.

Nos inquiétudes concernent également les prix de transfert (actions 8, 9 et 10). Les grandes entreprises trouveront des solutions, à terme, et elles chercheront à éviter la double taxation. Nous préférerions que la propriété intellectuelle reste dans les pays occidentaux : notre ancrage, nos centres de recherche, y sont situés. Nous pensons qu'il y a tous les fondamentaux en France pour réussir en matière de propriété intellectuelle. Bien sûr, des problèmes existent, par exemple concernant le capital-risque. Mais notre écosystème est de qualité. Nous ne devons pas faire de faux pas dans la négociation internationale.

Debut de section - Permalien
Amina Tarmil, directrice adjointe des affaires fiscales de l'AFEP

Le projet BEPS est composé de quinze actions qui constituent deux volets. Le premier concerne la lutte contre la fraude et la planification agressive, le second les modalités de répartition des bénéfices entre les pays. Sur le premier point, les entreprises sont tout à fait volontaires. Le deuxième sujet nous inquiète davantage : la modification de la répartition, en s'éloignant des principes qui ont prévalu jusqu'à aujourd'hui, se ferait au bénéfice des pays émergents.

Debut de section - Permalien
François Soulmagnon, directeur général de l'association française des entreprises privées (AFEP)

Le principe ancien que nous avions développé dans les pays de l'OCDE consistait à lier le profit au lieu de création de valeur - là ou se faisait la recherche, les fonctions de siège. Aujourd'hui, la création de valeur est de plus en plus diffuse. Prenons l'exemple de l'entreprise Starbucks : où la valeur est-elle créée ? Face à cette incertitude, la tentation existe d'affirmer que la valeur est créée sur le lieu de consommation. C'est un discours que portent haut et fort les pays émergents - nous connaissons d'ailleurs de nombreux exemples de pays émergents dont la fiscalité est non conforme aux conventions internationales, qui cherchent à attraire, en fonction du lieu de consommation, le profit.

Debut de section - Permalien
Amina Tarmil, directrice adjointe des affaires fiscales de l'AFEP

Concernant le contrôle fiscal, les grandes entreprises sont constamment en contrôle, y compris sur le CIR. Le recours aux experts du ministère de la Recherche, bien que croissant, n'est pas automatique: ceux-ci sont mobilisés sur demande du vérificateur. Le dialogue avec l'expert, quand il intervient, n'apparaît pas satisfaisant. Les entreprises ne peuvent donc pas s'expliquer sur la nature de leurs projets. Elles ont constaté des rejets de dépenses de recherche et développement de manière forfaitaire : par exemple, seul un certain pourcentage d'un projet est retenu dans le CIR, ou une certaine proportion du coût d'un chercheur.

En raison des réticences rencontrées dans le cadre des contrôles, les grandes entreprises ont formalisé des procédures internes, des outils de documentation, pour anticiper au mieux les difficultés. Un problème majeur subsiste : l'absence de contact contradictoire avec l'agent du MESR. Une piste d'amélioration consisterait donc à rendre obligatoire le dialogue entre l'expert et l'entreprise. Il faudrait que toutes les garanties qui s'appliquent au vérificateur fiscal soient les mêmes pour l'expert du MESR : confidentialité, absence de conflit d'intérêt...

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Delattre

Les grandes entreprises ne sont-elles pas outillées pour faire face aux contrôles ? Peu de redressements fiscaux sont effectués au sein des grandes entreprises.

Debut de section - Permalien
François Soulmagnon, directeur général de l'association française des entreprises privées (AFEP)

Pour une partie, les grandes entreprises anticipent le comportement des vérificateurs et présentent des programmes réduits pour éviter aux vérificateurs de faire la coupe.

Soyons clairs : bien que quelques problèmes existent, qui doivent être réglés, le CIR demeure pour les grandes entreprises un outil majeur de localisation de leurs centres de recherche. Faisons simplement attention à conserver cette attractivité.

Debut de section - Permalien
Amina Tarmil, directrice adjointe des affaires fiscales de l'AFEP

D'autres pays développent ce type d'outils, notamment des pays émergents. Le CIR est fondamental en matière de localisation et même de maintien de la recherche. Beaucoup d'entreprises nous ont affirmé que le CIR avait pu jouer un rôle sur le maintien de dépenses de recherche en France au détriment d'autres pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Delattre

Nous sommes plutôt d'accord là-dessus. Brigitte Gonthier-Maurin souhaiterait poser quelques questions.

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Gonthier-Maurin

J'aimerais entendre votre point de vue sur le projet européen ACCIS (« Assiette commune consolidée pour l'impôt des sociétés »).

Peut-être également avez-vous un point de vue sur les difficultés des start-ups, qui faute de moyens de développement peuvent être délocalisées, rachetées et qui pourtant sont des supports de recherche importants, y compris à l'ombre de grands groupes ?

Debut de section - Permalien
François Soulmagnon, directeur général de l'association française des entreprises privées (AFEP)

Nous ne disposons pas de chiffres. Nous avons mené récemment une réflexion sur le numérique, à l'instigation de Mme Lemaire, sujet sur lequel il y a beaucoup de start-ups très intéressantes. Ce qui en est ressorti, en dehors de sujets fiscaux, c'est le fait que les deuxième et troisième tours de table faisaient souvent appel à des fonds d'investissement chinois, américains... J'avais discuté avec l'une des responsables d'un pôle d'incubation de jeunes entreprises : 60 % étaient reprises par des fonds étrangers. C'est une difficulté. Ce chiffre ne correspond pas à celui des biotechs, ou de l'électronique. Mais il témoigne d'un écueil non résolu sur les investisseurs de deuxième ou troisième tour. Bpifrance ne peut pas assurer ce rôle.

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Gonthier-Maurin

Que pensez-vous de la possibilité de cumul entre le CIR et le CICE ?

Debut de section - Permalien
François Soulmagnon, directeur général de l'association française des entreprises privées (AFEP)

Selon nous, il n'y a pas de cumul, ou alors de façon très marginale. Le CICE concerne les salaires compris entre 1 et 1,6 SMIC. Au contraire, le CIR inclut les salaires des chercheurs ou assistants chercheurs, dont le salaire n'est pas du tout dans cette tranche de revenus. Peut-être que des contrôles ont révélé l'existence d'un tel cumul ; je l'ignore. Mais pour nous, ces deux mesures ne s'adressent pas aux mêmes employés. Un chercheur reçoit entre deux et trois SMIC a minima et les salaires augmentent rapidement : l'excellence se paie.

Debut de section - Permalien
Amina Tarmil, directrice adjointe des affaires fiscales de l'AFEP

Concernant le projet ACCIS, nous l'avons toujours soutenu : il résoudrait un certain nombre d'obstacles que les entreprises rencontrent au sein de l'Union européenne. Cependant, se pose la question de la possibilité d'une unanimité sur un tel dispositif.

À l'occasion des Assises de la fiscalité, lancées au début de l'année 2014, les assiettes de l'impôt sur les sociétés en France et en Allemagne ont été comparées. Les règles sont peu ou prou les mêmes en matière d'amortissement, de charges financières... Le différentiel se fait beaucoup sur le taux : ACCIS soulève également cette problématique.

Debut de section - Permalien
François Soulmagnon, directeur général de l'association française des entreprises privées (AFEP)

C'était une question que chacun avait en tête au début des Assises de la fiscalité. On peut regretter que les résultats n'aient pas été diffusés. Le Trésor et la direction de la législation fiscale (DLF) avaient conduit une étude extrêmement intéressante sur la comparaison France-Allemagne. Ils ont confirmé notre sentiment : il existe des différences ponctuelles sur certains dispositifs entre le système français et le système allemand, mais quand on les prend globalement, les avantages sont équivalents.

Un rapprochement des taux apparaît donc souhaitable, mais nous nous heurtons à un problème de finances publiques. Une baisse du taux permettrait de rapatrier une partie de l'assiette - les britanniques l'ont d'ailleurs observé quand ils ont ramené leur taux à 20 % - mais entraînerait tout d'abord de moindres rentrées fiscales.

Le commissaire européen Pierre Moscovici a indiqué qu'il ferait des propositions d'ici juin pour essayer de contourner la difficulté de l'unanimité en matière fiscale. Une coopération renforcée pourrait être envisagée, pour tenter d'éviter l'obstacle de l'unanimité en matière de fiscalité. Nous attendons ces propositions.

Pour résumer, nous sommes favorables au projet ACCIS, mais nous sommes perplexes quant à la capacité des partenaires européens à mener ce projet jusqu'à son terme.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Delattre

Concernant les prix de transfert, le dispositif a été modifié il y a deux ans afin d'améliorer les choses, n'est-ce pas ?

Debut de section - Permalien
François Soulmagnon, directeur général de l'association française des entreprises privées (AFEP)

Tout à fait. Nous aimerions passer un message au sujet des prix de transfert : les règles sont ce qu'elles sont. Le fait d'avoir lancé BEPS entraîne la déstabilisation de tous les acteurs, qui anticipent que les règles vont être bouleversées. Si l'on s'achemine vers un rattachement davantage tourné vers les lieux de consommation, prenons garde au fait que nous sommes en train de scier la branche sur laquelle nous nous trouvons. Nous trouvons qu'il est imprudent d'aller aussi vite. Cela ne veut pas dire qu'à terme, un changement global ne doit pas être envisagé. Cela peut avoir sa légitimité en termes de politique internationale et permettrait de mieux répartir des richesses entre les différents pays. Mais cela doit être accompagné d'une vraie stratégie économique pour maintenir en Europe ce qui, finalement, va payer nos retraites. Nous sommes des pays vieillissants : notre meilleure garantie de retraite, c'est d'avoir la propriété intellectuelle et les recettes qui lui sont liées.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Delattre

La propriété intellectuelle est parfois un peu fragile...

Debut de section - Permalien
Amina Tarmil, directrice adjointe des affaires fiscales de l'AFEP

Stratégiquement, la propriété intellectuelle est liée au centre de décision : il s'agit d'un élément fondamental de la valeur ajoutée.

Debut de section - Permalien
François Soulmagnon, directeur général de l'association française des entreprises privées (AFEP)

Nous souhaitons simplement attirer l'attention sur le fait que le projet BEPS va bien au-delà de l'optimisation fiscale et de la fiscalisation des GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon).

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Delattre

La difficulté pour nous aujourd'hui, c'est que nous consommons massivement Google, Apple...

Debut de section - Permalien
François Soulmagnon, directeur général de l'association française des entreprises privées (AFEP)

Mais les Chinois consomment LVMH et L'Oréal !

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Delattre

Google et Apple, et derrière eux les États-Unis auront la force d'imposer un certain nombre d'évolutions fiscales. On l'a vu avec le secret fiscal suisse !

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François Soulmagnon, directeur général de l'association française des entreprises privées (AFEP)

Attention : le projet BEPS ne règle pas du tout le problème de la fiscalité des entreprises américaines.

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Amina Tarmil, directrice adjointe des affaires fiscales de l'AFEP

Il faut également noter que ces quinze actions ne consistent qu'en des recommandations : après accord politique, il reviendra à chaque pays de le mettre en oeuvre dans son ordre juridique interne.

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François Soulmagnon, directeur général de l'association française des entreprises privées (AFEP)

Les États-Unis ont déjà annoncé qu'ils ne le feraient pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Delattre

Nous devrons donc nous revoir pour continuer le dialogue sur ces sujets.

Debut de section - Permalien
François Soulmagnon, directeur général de l'association française des entreprises privées (AFEP)

Nous vous transmettrons deux notes, dont l'une est plus synthétique que l'autre, que nous avons réalisées sur ces sujets.

La réunion est levée à 18 heures 35.