La présentation de cet amendement vaudra également pour les amendements nos 458, 464, 463, 457, 459, 462, 460 et 461, étant entendu que ces amendements, qui déclinent une même proposition, ont pour objet pédagogique de démontrer la nécessité pour l'État de se préserver une large majorité dans le capital de GDF et de ne pas laisser cette entreprise partir dans le privé, en faisant apparaître jusqu'où il ne faut pas aller. L'intervention à l'instant de notre collègue de l'UC-UDF montre, d'ailleurs, que cette conviction est parfois partagée au-delà des travées de l'opposition...
Avec l'article 10, nous sommes au coeur d'un sujet qui a suscité les passions lors des débats à l'Assemblée nationale et qui les suscite également chez nous. C'est en effet le coeur de votre projet de loi, monsieur le ministre, celui autour duquel tout tourne, celui dont tout dépend, celui qui motive votre précipitation et votre hâte d'en finir avec l'idée même d'entreprise publique.
Après les dangereuses et néfastes adaptations de notre appareil juridique national, exigées par les directives européennes d'ouverture du marché de l'énergie à la concurrence, auxquelles nous nous sommes opposés dans les articles précédents, nous sommes maintenant entrés dans le vif du sujet avec cet article consacré au capital de GDF et au contrôle de l'État.
Avec ce texte, le Gouvernement aurait, selon ses dires, décidé de donner à GDF les moyens de poursuivre son développement au niveau européen et mondial, et de doter l'entreprise des armes nécessaires pour rester compétitive. Louables intentions si elles correspondaient à la réalité, mais celle-ci est tout autre !
En effet, après les péripéties et les révélations de la semaine dernière sur les « grenouillages » financiers menés par M Pinault, et malgré les démentis embarrassés de M le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, et de M le ministre délégué à l'industrie, les masques sont tombés : il s'agit bel et bien de privatiser d'abord GDF, par pure idéologie, hors de toute considération d'intérêt national et d'efficacité économique, pour pouvoir ensuite livrer l'entreprise et ses 14 millions de clients aux projets, financiers plus qu'industriels, de groupes privés.
M. Breton a d'ailleurs reconnu ce calendrier à deux reprises la semaine dernière, la première fois, en comité restreint, devant la commission des affaires économiques, la seconde fois, mercredi dernier, en séance publique : « Une fois que le Sénat aura pris le temps de délibérer et aura, je l'espère, voté ce texte, nous entrerons dans la troisième phase, celle des projets industriels. Suez et GDF travaillent ensemble depuis plusieurs mois, ce n'est un secret pour personne. Le projet industriel élaboré par les entreprises sera proposé aux conseils d'administration. L'État, qui est majoritaire au conseil d'administration de GDF, jouera alors tout son rôle. »
Mais quel rôle l'État pourra-t-il encore jouer, mes chers collègues ? Quels moyens d'action aura-t-il face à la toute-puissance des intérêts coalisés ou concurrents de Suez, mais aussi d'Enel, de Pinault, voire d'E.ON ou de Gazprom ?
Je crains fort que l'État n'ait plus qu'à s'incliner devant le projet industriel - difficile, s'il y en a vraiment un, à cerner, comme nous l'avons fait apparaître au cours de la présentation de nos précédents amendements - qui sera proposé aux conseils d'administration des entreprises, et cela quel que soit le cas de figure.
En effet, mes chers collègues, si vous approuviez l'article 10, l'État ne serait tout simplement plus majoritaire, puisqu'il ne détiendrait pas plus d'un tiers du capital, contrairement à ce qu'affirmait, il y a encore peu, M Breton.
Cela équivaudrait à signer un chèque en blanc pour de hasardeuses opérations, et ce n'est pas « l'action spécifique » devant prétendument protéger certains actifs stratégiques de l'entreprise, actifs que la Commission de Bruxelles exige de réduire considérablement, qui pourrait jouer efficacement ce rôle.
Face à cette perspective inquiétante et dangereuse pour l'intérêt national et pour les usagers, il n'y a pas d'autre alternative que d'en revenir à une réelle maîtrise publique du secteur de l'énergie.
Et que dire des derniers développements, parus aujourd'hui dans la presse, de la bataille rangée qui oppose les PDG de Suez et de Gaz de France ? Chacune de ces entreprises convoite les dépouilles de l'autre - surtout celles de GDF, d'ailleurs - et cherche à s'emparer des pouvoirs de décision dans la future entité.
Tout cela ne fait pas vraiment penser à un projet industriel ! Pour l'opinion publique, il devient clair que ce projet de loi, et plus particulièrement son article 10, que nous examinons aujourd'hui, aura de graves conséquences.
Mes chers collègues, qu'on le veuille ou non, tout dépend du taux de la participation de l'État dans le capital de GDF, que nous vous proposons donc de relever significativement.
Tel est l'objet de l'amendement n° 465, mais aussi des amendements n° 458, 464, 463, 457, 459, 462 et460, qui tendent à faire passer la part détenue par l'État du tiers à des montants s'échelonnant, selon les modifications proposées, entre 70 % et 95 % du capital de Gaz de France.