Intervention de Philippe Baptiste

Commission d'enquête Réalité du détournement du crédit d'impôt recherche — Réunion du 11 mai 2015 à 14h05
Audition de M. Philippe Baptiste directeur général délégué à la science du centre national de la recherche scientifique »

Philippe Baptiste, directeur général délégué à la science du Centre national de la recherche scientifique » :

Nous sommes prêts à les mutualiser. Nous avons réalisé une opération de ce type dans les partenariats que nous avons en particulier avec des sociétés d'accélération du transfert de technologies (SATT). C'est une discussion qui pourrait être ouverte à un moment ou à un autre. Pour ma part, je pense que le brevet pour le brevet ne sert à rien. Malheureusement, le dépôt de brevet était un indicateur dans notre précédent contrat d'objectifs et de moyens (COM), mais ce n'est pas en soi le but du jeu. L'intérêt est de valoriser et de transférer, que ce soit à travers les brevets, les start-up ou d'autres structures.

Nous avons également beaucoup de laboratoires communs construits conjointement par, en général, un grand groupe, le CNRS et une université, éventuellement le tout à l'étranger où on colocalise des chercheurs et des industriels, et nous travaillons ensemble, le cas échéant avec des accords de pays.

S'agissant du CIR lui-même, il faut lever une première ambiguïté : le CNRS n'est pas soumis à l'impôt et ne perçoit donc pas de CIR. En revanche, nous avons deux filiales de droit privé, FIST (France Innovation Scientifique et Transfert) et CNRS Édition, qui sont, elles, soumises à l'impôt. Néanmoins, leur activité est déficitaire et elles n'ont, je crois, jamais payé l'impôt sur les sociétés (IS).

Derrière la recherche, se posent des questions d'innovation, de conception de nouveaux produits et de recherche de nouveaux marchés pour nos entreprises. Il nous semble très important que la recherche menée soit une recherche de qualité et en quantité dans les entreprises et les industries sur le territoire national. Sinon l'écosystème général ne fonctionnera pas. Il est donc fondamental, de notre point de vue, qu'une activité de R&D intense soit conduite dans le monde industriel.

Qui fait de la recherche aujourd'hui dans les entreprises ? Les études montrent qu'il s'agit en général des industriels et aussi, de manière de plus en plus significative, des entreprises intervenant autour du software. Vous connaissez comme moi les difficultés rencontrées à l'heure actuelle par la France en termes de renouveau industriel. Et nous n'avons pas de grands champions européens du software, pourtant gros pourvoyeur de R&D. Même si nous avons bien entendu Dassault Systèmes en France ou SAP (« Systems Applications and Products in Data Processing ») en Allemagne, nous n'avons pas les grands géants du Web que nous pouvons voir aux États-Unis. L'effort des entreprises en R&D pourrait être plus élevé qu'il ne l'est aujourd'hui, en particulier en France. Une étude de l'Organisation de la coopération et du développement économiques (OCDE), dont les résultats sont confirmés par une autre étude de l'Association nationale de la recherche et de la technologie (ANRT), montre que la Corée, le Japon, la Suède, l'Allemagne et les États-Unis affichent une intensité de R&D au sein des entreprises nettement plus élevée que la nôtre. Cette situation devrait nous questionner.

Le CIR est aujourd'hui un dispositif de soutien majeur à la R&D des entreprises, complété par des aides directes et indirectes. Les grands patrons d'entreprise en parlent comme un élément déterminant dans les discussions sur l'implantation d'un centre de R&D ou d'un nouveau programme de recherche. Il ne faut néanmoins pas surestimer cet aspect. Ce n'est jamais à cause du seul CIR qu'un groupe crée une activité de recherche dans le pays, il faut évidemment que le terreau soit favorable. La recherche amont est tout de même de très bonne qualité, les infrastructures sont nombreuses et variées (CNRS et autres EPST, universités et établissements publics à caractère industriel et commercial - EPIC -). Aujourd'hui, le CIR peut être l'élément qui fait pencher la balance, il ne faut considérer ce dispositif comme un outil d'optimisation fiscale. Il va permettre également de réduire le coût du chercheur en entreprise et c'est vraiment indispensable. Je vous ai parlé des grands groupes mais cela vaut également pour les PME puisque les PME de moins 50 personnes perçoivent deux tiers du CIR. J'aurais quelques difficultés à vous jurer que ceci explique la montée en puissance de nos contrats de recherche avec les PME, mais je constate cette symétrie des formes.

La valorisation du doctorat en entreprise est également un enjeu mis en avant dans le questionnaire. Si je devais être un peu provocateur, je dirais que cette question ne devrait même pas se poser. Aux États-Unis, un sur deux ou un sur trois des patrons des grandes entreprises ou des entreprises de taille moyenne détient un Ph.D. Ils ont donc consacré un temps significatif de leur carrière au travail en laboratoire de recherche, dont ils connaissent le fonctionnement. Le jour où ils devront mobiliser des compétences et du savoir-faire pour les aider dans la construction de leur entreprise, ils sauront où les trouver. Je crains que, s'agissant des patrons du CAC40 ou des PME, nous ne soyons pas sur les mêmes chiffres. Il faut dépasser le débat opposant le doctorat au diplôme d'ingénieur. Quel que soit le titre, il faut qu'il y ait une formation par la recherche.

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