Vous nous avez en effet fait parvenir un questionnaire auquel nous avons prévu de répondre durant cette séance. Nous vous enverrons une note écrite comportant des chiffres et des données qu'il vous sera plus facile d'intégrer.
En matière de Crédit Impôt Recherche, le cabinet Taj conseille surtout les grands groupes de notre clientèle, mais aussi des entreprises de taille intermédiaire (ETI) ou des PME. Il s'agit de sociétés françaises et internationales.
J'ai monté l'activité consacrée au CIR il y a onze ans, après avoir mené mes travaux sur ce sujet à la demande du ministre François d'Aubert. Compte tenu des besoins qui se faisaient jour, j'ai embauché des ingénieurs, chose bizarre dans un cabinet d'avocats. Je me sentais en effet relativement incompétent pour parler de recherche avec un docteur en biologie. Le CIR représente chez Taj 9 % du chiffre d'affaires. Il s'agit d'une activité relativement mineure, mais qui constitue une compétence que nous devons maîtriser, surtout si nos clients désirent investir dans la recherche.
Pour ce qui est du coût du chercheur, la France, selon nos chiffres, se situe plutôt dans la moyenne de l'OCDE, mais non à la deuxième place. Je pense que c'est suffisant. Certes, la Chine est très en pointe dans le secteur de la recherche, surtout dans les sciences appliquées, mais la France a, quant à elle, une forte tradition de recherche dans le domaine des mathématiques, où nous possédons une réputation mondiale. La France est donc, de ce point de vue, naturellement attractive.
Étant dans la moyenne, nous avons la capacité d'attirer ou de conserver des centres de recherche. Sans le CIR, nous ne serions plus dans la moyenne, mais dans le plus haut des pays chers, ou dans le bas des pays attractifs, et nos atouts naturels ne joueraient plus. C'est pourquoi la moyenne suffit selon moi.
Le débat sur l'optimisation, l'abus ou le détournement du CIR par des conseils - en innovation, avocats ou experts-comptables - constitue un sujet plus complexe. Le CIR ou la recherche ne sont pas des sujets qui se prêtent à l'optimisation fiscale. On parle en réalité d'investissements lourds et longs, structurants. La réflexion fiscale se mène en amont pour savoir si l'on investit ou non en France.
Beaucoup de critères peuvent jouer, dont le critère fiscal, mais une fois qu'on a décidé d'investir, on est lié pour des années à un centre de recherche, que l'on ne peut transférer facilement.
On peut optimiser fiscalement la propriété intellectuelle, mais notre système de CIR ne subventionne que l'emploi de chercheur en France.
Il existe quasiment partout dans le monde des régimes destinés à attirer la propriété intellectuelle. On trouve en France un régime favorable aux brevets, comportant un taux réduit d'impôt sur les sociétés concernant les produits de ces brevets, mais non en faveur des marques ou la propriété intellectuelle, contrairement aux autres pays.
Tous les pays mènent une compétition destinée à attirer la propriété intellectuelle, tout comme les emplois de chercheurs, et ce depuis fort longtemps, mais si la propriété intellectuelle relève d'un domaine incorporel, les centres de recherche et l'emploi, eux, constituent un domaine bien tangible.
J'ai dit que les gens qui connaissent le moins bien la fiscalité sont ceux qui en parlent le plus. Je ne vise pas ici l'administration, mais une grande partie des conseils des entreprises. Ce qui est frappant, en France, c'est la naïveté des entreprises et le manque de professionnalisme des conseils qui touchent à la matière fiscale.
La France est un paradis où le conseil fiscal se transforme en produit miracle ! Une partie de la loi Macron sanctuarise d'ailleurs cette activité, puisque n'importe qui aujourd'hui peut se prétendre conseiller fiscal, ce qui est une spécificité française. C'est tentant ! Les entreprises françaises sont très naïves dans ce domaine. Un conseil en innovation vous garantit de gagner beaucoup d'argent grâce au CIR et, le jour du contrôle fiscal, il est n'est de toute façon plus là !
On le voit bien dans les dossiers que nous avons à défendre, et ce dans beaucoup d'autres domaines fiscaux. Il existe un nombre important de conseils incompétents, réglementés ou non, qui n'accompagnent pas leurs clients dans la durée. Ce sont des irresponsables, et les entreprises ont tendance à croire en des promesses impossibles à tenir.
Que pourrait-on faire pour éviter cela ? J'entends beaucoup parler de labellisation. C'est une fausse bonne idée. La labellisation présente plusieurs inconvénients. L'État aura-t-il les moyens de contrôler régulièrement les cabinets qu'il aura labellisés ? La labellisation n'a en effet de valeur que si on exerce un contrôle régulier. Dans le cas contraire, on crée une rente de situation extrêmement dangereuse.
La meilleure labellisation, selon moi - je sais que c'est impopulaire - c'est le contrôle fiscal. Il s'agit du meilleur outil d'égalité devant l'impôt. Le contrôle fiscal a beaucoup changé. L'administration a dû s'équiper et se professionnaliser pour contrôler le CIR. Elle a fortement augmenté le nombre de scientifiques qui y participent. Nous les avons souvent en face de nous : ils sont compétents. Ils ne connaissent pas la partie fiscale, mais ce n'est pas leur métier. L'administration fiscale la connaît pour eux. Ils font des efforts, apprennent et se forment. J'imagine que beaucoup viennent du ministère de la recherche.
Le contrôle fiscal, en France, est l'un de ceux qui ont le meilleur niveau au monde. J'ai exercé dans plusieurs pays, et je préfère vivre un contrôle fiscal en France plutôt qu'aux États-Unis ou en Angleterre. Les choses sont beaucoup plus professionnelles, bien moins irrationnelles et agressives dans notre pays.
Le régime est encore relativement récent, mais les choses vont se mettre en place. L'administration effectue son travail. On lit souvent dans la presse que les redressements de CIR qu'opère l'administration fiscale étranglent les PME, mais ce n'est pas toujours l'administration qui est en faute, certains conseils en innovation n'ayant jamais lu le code des impôts. Faire confiance à un conseil qui n'est visiblement pas équipé peut indéniablement créer des sinistres !
Il serait facile, pour limiter ce facteur, que la puissance publique rappelle aux PME qu'elles doivent s'assurer que leur conseil possède les connaissances juridiques et fiscales, d'une part et, d'autre part, des compétences en matière d'ingénierie.