Intervention de Guillaume Arnell

Réunion du 29 juin 2015 à 16h00
Accession de la nouvelle-calédonie à la pleine souveraineté — Adoption en procédure accélérée d'un projet de loi organique dans le texte de la commission

Photo de Guillaume ArnellGuillaume Arnell :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président et rapporteur de la commission des lois, mes chers collègues, à mon tour, je tiens à saluer les deux personnalités de Nouvelle-Calédonie venues assister à nos débats, le président du congrès et le grand chef coutumier.

Voilà déjà près de deux décennies, le 5 mai 1998, selon l’accord de Nouméa, « le moment [était] venu de reconnaître les ombres de la période coloniale, même si elle [n’a pas été] dépourvue de lumière ».

Au terme d’événements qui ont marqué l’histoire du territoire calédonien, cet accord, faisant suite à l’improbable poignée de main entre un indépendantiste et un non-indépendantiste, ouvrait la voie à un compromis et à une pacification durables pour la Nouvelle-Calédonie.

Il rappelait les « ombres » de la colonisation française et les traumatismes subis par la population kanake, tout en rendant hommage aux différentes communautés qui ont participé à la mise en valeur de la Nouvelle-Calédonie. À la différence des logiques qui ont présidé aux indépendances successives, l’accord de Nouméa s’efforçait de réconcilier et de construire une société civile avant qu’il ne soit question de fonder un État-nation.

Prévoyant un référendum d’autodétermination à l’horizon de 2018, ce texte rappelait que « la décolonisation est le moyen de refonder un lien social durable entre les communautés qui vivent aujourd’hui en Nouvelle-Calédonie, en permettant au peuple kanak d’établir avec la France des relations nouvelles correspondant aux réalités de notre temps ».

La perspective de ce référendum tant attendu, d’une importance cardinale, mais dont la simplicité peut être trompeuse, est désormais proche. La France a reconnu le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, et c’est précisément dans ce cadre que s’inscrit aujourd’hui la consultation du corps électoral calédonien. Il est de notre responsabilité, à la lueur des processus de décolonisation plus ou moins réussis qui ont émaillé l’histoire mondiale, que cet événement se passe dans le plus grand respect de tous, dans la continuité de ces vingt-sept dernières années marquées par l’apaisement.

Nous le savons, rien n’est acquis et les équilibres trouvés restent précaires. Le rôle de l’État français est donc d’accompagner le processus, sans ingérence, en donnant à la population calédonienne les moyens de s’exprimer, dans le respect de la lettre et de l’esprit de l’accord de Nouméa. Comme l’a souligné la présidente du Gouvernement de Nouvelle-Calédonie, Cynthia Ligeard, devant l’Assemblée des Nations-Unies, le 8 octobre dernier, l’avenir de ce territoire ne se fera « ni les uns sans les autres, ni les uns contre les autres ».

Le présent projet de loi s’inscrit dans cette démarche, qui doit conduire, selon les termes de l’accord de Nouméa, le corps électoral calédonien à voter pour ou contre le « transfert à la Nouvelle-Calédonie des compétences régaliennes, l’accès à un statut international de pleine responsabilité et l’organisation de la citoyenneté en nationalité ».

Nous saluons la démarche loyale et respectueuse engagée par le Gouvernement, qui doit permettre aux différents protagonistes de cette marche de l’histoire de rendre compte de leurs points de vue et d’arriver finalement à un accord.

Le projet de loi organique a fait l’objet d’un avis du Conseil d’État, dont il reprend les préconisations, et a rencontré l’adhésion du comité des signataires de l’accord de Nouméa. En commission, le Gouvernement a accepté de voir son texte amendé pour faire droit aux remarques résultant de la réunion du 5 juin dernier de ce comité. Il s’agit d’un préalable important en vue de sécuriser, en la légitimant, la future consultation.

Deux points, essentiels en ce qu’ils cristallisent de nombreuses tensions, sont abordés.

Premier point : la question de la constitution même du corps électoral qui participera au référendum d’autodétermination, laquelle fait depuis longtemps débat. Comme vous avez eu l’occasion de le rappeler lors de votre audition, madame la ministre, il y a, « parmi les forces politiques en présence, un réel souhait commun que la consultation se déroule dans les meilleures conditions et avec des listes établies de la façon la plus transparente ».

La solution choisie, qui consiste à faciliter les inscriptions d’office sur la liste électorale spéciale pour deux nouvelles catégories d’électeurs, à savoir les électeurs admis à participer à la consultation du 8 novembre 1998 et les électeurs relevant du statut civil coutumier, semble répondre à ces exigences de transparence démocratique sans lesquelles cette consultation ne serait qu’un trompe-l’œil.

Nous nous félicitons qu’un accord sur ce sujet ait été trouvé.

Second point : l’amélioration de la composition et du fonctionnement des commissions administratives spéciales, avec la présence d’une personnalité qualifiée indépendante, sans voix délibérative, et l’octroi de nouveaux pouvoirs au président participent également de cette transparence. Là encore, la volonté des partenaires calédoniens a été respectée puisque le Gouvernement a accepté de remplacer le second magistrat, ce qui était son premier choix, par un observateur indépendant.

Quant aux missions de la commission d’experts indépendants, elles ont été précisées, conformément aux vœux du comité calédonien.

La Nouvelle-Calédonie se prépare à entrer dans une phase politique difficile, durant laquelle se manifesteront des revendications et des divisions parfois inattendues. Toutefois, après vingt-sept années de paix, il importe que cette consultation n’ouvre pas un nouveau cycle de violences et qu’elle se déroule dans le climat le plus apaisé possible.

Lors de sa visite de novembre dernier, le chef de l’État a évoqué ainsi l’avenir de la Nouvelle-Calédonie : « les Néo-Calédoniens auront le dernier mot ! ». C’est ce que nous souhaitons collectivement ici, car il s’agit bien d’une condition sine qua non de la réussite de la construction d’un destin commun.

Les membres du RDSE, conscients des responsabilités qui leur incombent, approuveront ce texte d’équilibre, en songeant, en premier lieu, à l’intérêt de nos compatriotes néo-calédoniens.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion