En première lecture, le Sénat avait créé à l’initiative du président Retailleau un article 55 bis A allégeant l’obligation d’information préalable des salariés en cas de cession de leur entreprise. Nous nous accordions alors à considérer qu’en l’état, ce dispositif constituait un frein à la transmission d’entreprises, à rebours de l’objectif affiché initialement. Il introduisait en effet un risque pratique d’atteinte à la confidentialité des négociations de reprise, ce qui fragilisait considérablement la démarche, ainsi, surtout, qu’un risque contentieux d’annulation de la cession elle-même. Ce dernier paramètre, très important, avait conduit au dépôt de cet amendement.
Sur cette base, sans contrevenir à la règle de l’entonnoir, le Gouvernement a proposé devant l’Assemblée nationale d’adapter ce dispositif en reprenant les propositions formulées par notre collègue députée Fanny Dombre Coste à l’issue de la mission qu’il lui avait confiée.
Sans doute ces adaptations sont-elles insuffisantes, s’agissant d’un dispositif qui paraît intrinsèquement inadapté à la vie des affaires.
La commission spéciale s’est donc interrogée : était-il préférable d’engranger des évolutions allant, tout de même, dans le sens de nos vœux, en particulier concernant la suppression du risque de nullité de la cession, remplacée par une amende ? Au demeurant, l’opportunité des poursuites est laissée à l’appréciation du procureur de la République et le montant de l’amende, confié à la décision du juge.
Par l’amendement à l’origine de la création de cet article, nous avions supprimé toute sanction au défaut d’information des salariés.
Ce n’est pas totalement exact en droit ordinaire. En effet, les salariés auraient conservé la possibilité de solliciter l’indemnisation de la perte de chance dont ils auraient été victimes parce qu’ils n’auraient pas pu proposer une reprise. Notre texte ne prévoyait donc pas la suppression totale des sanctions.
Deux solutions s’offraient par conséquent à la commission. D’une part, nous pouvions engranger les modifications apportées au texte par l’Assemblée nationale, sous réserve de l’adoption de quelques amendements, rédactionnels ou autres, déposés en particulier par le groupe UDI-UC. D’autre part, nous pouvions considérer que le texte qui nous revient aujourd’hui ne saurait améliorer la compétitivité de nos entreprises.
Entre ces deux possibilités, la commission a choisi celle qui lui a paru la plus pragmatique : elle a accepté le texte de l’Assemblée nationale, puisqu’il comportait tout de même un certain nombre d’avancées. Nous prévoyons en outre l’adoption de quelques amendements de précision : or si vous votez l’amendement n° 43 rectifié, ils n’auront plus d’objet.
En conclusion, la commission a émis un avis défavorable sur votre amendement, madame Gruny, et vous demande de bien vouloir le retirer. Je pense toutefois avoir expliqué très objectivement le dilemme qui peut se poser à la lecture de cet amendement et de ses motivations.