Je souhaiterais d’abord revenir sur la motivation de votre amendement, puis expliquer, de manière synthétique, ce que le Gouvernement a cherché à faire lors de la nouvelle lecture à l’Assemblée nationale.
Tout d’abord, au travers de votre amendement, vous proposez de limiter le droit d’information des salariés aux seuls cas de cessation d’activité de l’entreprise. Cependant, vous définissez cette cessation d’activité par la radiation du registre du commerce et des sociétés, le RCS. Cela soulève une difficulté technique : la confusion entre radiation du RCS et cessation d’activité rend la procédure d’information des salariés quasi inopérante ou, du moins, inadaptée à tout besoin.
Je m’en explique. La cessation d’activité elle-même n’entraîne pas automatiquement la radiation du RCS : au contraire, elle est l’occasion d’une inscription spéciale à ce registre. En l’occurrence, la radiation du RCS constitue l’acte ultime avant la disparition de la personnalité juridique de l’entreprise. Aussi, vous proposez dans votre amendement d’informer les salariés deux mois avant cet ultime acte de décès de l’entreprise, si je puis m’exprimer ainsi.
De surcroît, dans le fil chronologique de la cessation d’activité, la radiation du RCS a lieu alors que l’entreprise, le plus souvent, a déjà licencié la plupart de ses salariés, n’a déjà presque plus de clients et de fournisseurs et n’est donc, de toute façon, plus en situation d’être reprise. L’approche adoptée dans votre amendement relève donc, à mon sens, d’une espèce de contournement. Allez donc plutôt au bout de votre logique, et supprimez toute forme d’information des salariés, quelle qu’elle soit ! En considérant que le droit d’information des salariés est couvert par un délai de deux mois avant la radiation du RCS, vous ne donnez la possibilité aux salariés, dont la majorité aura d’ailleurs déjà été licenciée, que de reprendre une entreprise qui aura cessé d’être viable.
Vous voyez bien qu’un problème technique se pose, à moins que cette mesure ne procède d’une démarche cynique, ce que je ne saurais supposer.
Dans ces circonstances, je vous recommanderai vivement de retirer cet amendement ; à défaut, l’avis du Gouvernement serait défavorable. Outre les raisons que je viens de rappeler, j’inscris cet avis dans la continuité des propos tenus à l’instant par M. le rapporteur.
Je voudrais à présent vous expliquer en quoi nous avons, dans cet article, amélioré le dispositif issu de la loi relative à l’économie sociale et solidaire. Celui-ci, considéré comme trop lourd, pouvait faire réagir certaines organisations patronales.
Tout d’abord, à la lumière des travaux rendus par Mme la députée Fanny Dombre-Coste, nous avons limité le droit d’information des salariés aux seuls cas de vente. Cela représente déjà, à mes yeux, une clarification importante : les cessions intragroupe et les cessions familiales ne sont plus couvertes par le droit d’information des salariés, ce qui constitue une correction de bon sens.
Ensuite, nous avons remplacé la sanction de nullité par un mécanisme d’amende civile plafonnée à 2 %, ce que les organisations patronales jugent raisonnable. Cela ne risque pas de menacer la viabilité de l’entreprise, alors que la nullité pouvait, quant à elle, condamner le repreneur à péricliter et était donc attentatoire à la soutenabilité de l’entreprise.
Enfin, nous avons rendu plus opérant le mécanisme même du droit d’information préalable. Il est certes toujours possible, et même nécessaire, d’informer les salariés par lettre recommandée deux mois avant la cessation d’activité. À ce dispositif s’ajoute désormais, dans la continuité de l’article 18 de la loi relative à l’économie sociale et solidaire, la possibilité de procéder à une réunion annuelle d’information des salariés, qui dispense l’entreprise de l’obligation formelle de la lettre recommandée.
Ce mécanisme exprime l’esprit suivant, que je pense nous partageons : il faut que, de manière régulière, se tienne dans une entreprise une discussion autour du projet entrepreneurial. §À l’occasion de cette discussion, le chef d’entreprise informe les salariés de son souhait de cesser l’activité ou de céder l’entreprise. On peut alors constater l’existence, ou non, d’une volonté des salariés de reprendre l’entreprise. Cette manière de faire est la meilleure.
Ainsi, par les modifications apportées lors de la nouvelle lecture par l’Assemblée nationale, nous avons largement allégé le formalisme initial qui était, je le reconnais, sans doute un peu excessif.