L’article 83 prévoit de simplifier, d’alléger, d’accélérer les procédures d’une institution jugée poussiéreuse : la justice prud’homale. Nous ne sommes pas opposés à la réforme de cette dernière ni à une accélération des délais de traitement. Je crois d’ailleurs que tous les salariés de ce pays souhaitent que le fonctionnement de cette institution soit amélioré. Néanmoins, je ne pense pas que les mesures proposées ici feront avancer les choses.
La réforme envisagée prévoit que le bureau de conciliation puisse, à défaut de conciliation, renvoyer les parties soit devant le bureau de jugement – dans sa formation plénière ou restreinte –, soit directement devant le bureau de départage.
Le renvoi direct vers ce dernier bureau pose problème. Outre le fait que les jugements issus de ce bureau font l’objet de 6 % d’appels supplémentaires que ceux des bureaux de jugement classiques, le projet de loi entraîne une remise en cause de notre modèle paritaire entre employeur et salarié. Ce bureau est en effet composé de deux conseillers – un salarié et un employeur – et d’un juge professionnel qui, bien souvent, impose ses conclusions aux deux autres membres. Il nous est proposé de généraliser l’échevinage, c’est-à-dire de donner davantage de place au juge professionnel et de réduire la portée des décisions paritaires. C’est une vision qui ne fait pas partie de notre culture de la justice professionnelle.
Il est également proposé d’établir un barème des indemnités susceptibles d’être versées au demandeur, sur la base d’un décret. Ce référentiel risque de créer une échelle, voire un plafonnement des indemnités, ce qui contrevient à la liberté de jugement des juges prud’homaux.
Par ailleurs, les critères proposés pour l’élaboration du référentiel, à savoir l’ancienneté, l’âge et la situation du demandeur, sont purement subjectifs, et créent une inégalité de traitement devant la loi, ce qui est contraire à l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.
Enfin, il est prévu d’étendre la procédure participative. Celle-ci, inspirée du droit collaboratif anglo-saxon, consiste en la conclusion d’une convention entre les parties, en vue de rechercher une solution à un conflit. Il est aujourd’hui possible d’y recourir dans le cadre d’un divorce ou d’un litige entre client et fournisseur, par exemple. La raison pour laquelle cette procédure n’est pas appliquée au droit du travail aujourd’hui est simple : le contrat de travail suppose un lien de subordination entre l’employeur et le salarié, et il n’est pas possible de considérer ses parties comme suffisamment égales pour signer une convention entre elles.
Si nous permettons le règlement de conflits relevant du droit du travail loin des prud’hommes, dans le secret de la négociation, il est certain que ces conventions seront défavorables au salarié puisque les employeurs ont à leur disposition des moyens de pression non négligeables.