Cet article constitue un véritable bouleversement : à la différence de ce qui existe dans tous les autres domaines du droit, le salarié ne sera plus pleinement indemnisé et les dommages ne seront plus intégralement réparés. Une nouvelle fois, ce chamboulement se fait au bénéfice des entreprises qui fraudent et au détriment des salariés victimes d’injustice.
L’instauration de ce plafonnement a été minimisée par ses auteurs. Pour ces derniers, les maxima retenus étant supérieurs à la moyenne constatée en pratique, ce dispositif n’aurait aucune incidence. Si tel est le cas, pourquoi prévoir des maxima ? Pourquoi ne pas laisser l’intégralité du préjudice comme seul « plafond de verre » ? Dans le même sens, les minima sont rabaissés et passent à deux, quatre ou six mois de salaire, selon les effectifs de l’entreprise...
Ce barème, qui s’appuie sur le principe selon lequel, pour créer de l’emploi, il faut sécuriser les entreprises – on vient encore d’en voir différents exemples – et ne pas trop les sanctionner quand elles ne respectent pas la loi, n’emportera que des conséquences néfastes pour les salariés : baisse des réparations, incitation à « laisser couler » et à ne pas poursuivre les employeurs, développement d’une certaine défiance de nos concitoyens salariés – déjà présente – vis-à-vis de la justice… Car c’est là que le bât blesse : comment donner confiance en la justice quand les entreprises qui ne respectent pas la loi sont protégées, qui plus est par un gouvernement qui se veut de gauche !
En outre, de nombreux salariés vont renoncer à des poursuites du fait d’une faible réparation du dommage et de délais toujours plus longs.
Il s’agit d’une nouvelle étape dans la destruction de la protection des salariés, déjà mise à mal dans le passé, notamment par la convention d’assurance chômage de 2014, qui permet à Pôle Emploi de ponctionner les réparations accordées aux salariés au titre du délai de carence, par la réduction des délais de consultation des représentants du personnel en 2013, par le raccourcissement de la prescription en matière d’exécution et de rupture de contrat, par les rappels de salaire ou encore avec la première tentative d’instauration d’un barème à la demande des organisations patronales.
Cet article nous pose donc un problème de fond et révèle une vision de la société dans laquelle le salarié ne doit pas être protégé de l’entreprise, laquelle ne doit pas être sanctionnée. Nous ne pouvons que nous opposer à cette vision qui renforce le fort et affaiblit le faible, alors même que ce dernier constitue la principale richesse de notre pays.