Il est exact que les dispositions dont la suppression est proposée résultent d’un amendement, adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, que le Gouvernement a présenté à la suite des annonces faites par le Premier ministre au début du mois de juin dernier. Le Sénat ayant à en connaître pour la première fois, je tiens à lui fournir les explications nécessaires sur les intentions et la démarche du Gouvernement.
D’abord, les dispositions du code du travail visées par le présent article ne sont pas de celles qui relèvent du champ de la négociation. On ne peut donc pas nous reprocher de ne pas avoir respecté ce que le droit ne prévoit pas ! Au demeurant, c’est bien parce que nous respectons la négociation sociale dans tous les domaines où elle est de règle que je n’ai pas accepté l’inscription dans le projet de loi de dispositions relatives aux accords de maintien dans l’emploi dits « offensifs » ou à la hiérarchie des normes, ces dispositions n’ayant pas été soumises à la négociation.
C’est pour la même raison que, en première lecture, je n’ai pas voulu modifier les accords de maintien dans l’emploi dits « défensifs », qui faisaient l’objet d’une évaluation par les partenaires sociaux ; celle-ci a été publiée quelques jours avant que les dispositions touchant à ces accords ne soient introduites dans le projet de loi à l’Assemblée nationale.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous le répète : nous avons respecté en tous points le rôle des partenaires sociaux. Seulement, il ne résulte pas de ce principe que nous devrions nous interdire de légiférer sur tout ce qui relève du champ social.
La méthode que le Gouvernement a suivie est donc conforme au droit.
Ensuite, la France n’a pas jusqu’ici fixé de plafond aux indemnités décidées par les conseils de prud’hommes, contrairement à la plupart de ses voisins, au premier rang desquels l’Allemagne, la Belgique et l’Italie, qui a récemment pris des mesures dans ce domaine. Le présent article prévoit un encadrement des indemnités – parlons clair : il s’agit de dommages et intérêts - mis à la charge de l’employeur, sous la forme de montants minimaux et maximaux entre lesquels le juge fixera la somme appropriée.
Remarquez qu’il n’est proposé ni de désindividualiser ni de soumettre à un barème contraignant la fixation de ces indemnités.
Plusieurs études réalisées par la Chancellerie ayant établi que ces dommages et intérêts présentaient une très forte volatilité selon les lieux et les situations, sans que ces variations paraissent suffisamment justifiées par des circonstances individuelles, le Gouvernement a souhaité, pour corriger cette dispersion excessive sans retirer de droits aux salariés, instaurer des montants planchers et des montants plafonds.
Je signale que ces indemnités encadrées concernent le seul contentieux de la cause réelle et sérieuse ; elles sont indépendantes des indemnités de licenciement légales ou conventionnelles, qui restent inchangées et qui, le cas échéant, s’ajoutent aux premières.
Les études que nous avons menées ont fait apparaître que les indemnités versées au titre des heures supplémentaires non payées ou des heures indues, complémentaires des dommages et intérêts, représentent en général plus de 50 % de la somme totale touchée par le salarié.
En outre, les dispositions de cet article ne s’appliqueront pas en cas de nullité du licenciement ; ainsi, en cas de discrimination, de harcèlement ou de licenciement abusif du salarié protégé, aucun plafond ne s’imposera au juge.
En conséquence, mesdames, messieurs les sénateurs, l’encadrement instauré par cet article ne s’appliquera qu’aux dommages et intérêts versés aux salariés en cas de licenciement individuel sans cause réelle et sérieuse. Ce dispositif lève une incertitude reconnue comme un facteur de fragilité de notre système.
La moitié des licenciements sont individuels ; un peu moins de 40 % prennent la forme d’une rupture conventionnelle et 13 % environ sont des licenciements économiques. Un tiers des licenciements individuels sont portés devant les conseils de prud’hommes. C’est dire si la question dont nous traitons n’est pas mineure : elle couvre, en vérité, un grand nombre de situations. Or la dispersion des dommages et intérêts, en dehors des cas graves que j’ai mentionnés, contribue au manque de lisibilité de notre système, aussi bien pour les salariés les plus fragiles que pour les employeurs, en particulier les plus modestes.
Tels sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les principes qui ont guidé le Gouvernement dans sa démarche.
J’ajoute, pour conclure, que l’ANI de 2013, transposé par la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi, a fixé un barème de conciliation. Le Gouvernement sera amené à réviser ce barème à la hausse par voie réglementaire, la pratique ayant montré qu’il était trop faible pour fonctionner. Les montants minimaux et maximaux prévus au présent article sont nettement plus généreux. Le référentiel de conciliation, destiné à inciter les parties à se concilier, sera donc rendu plus favorable aux salariés, afin d’être cohérent avec le présent dispositif.
Le Gouvernement, dont j’ai tâché de vous exposer la position, est naturellement défavorable aux trois amendements identiques d suppression.