Intervention de Emmanuel Macron

Réunion du 1er juillet 2015 à 21h20
Croissance activité et égalité des chances économiques — Vote sur l'ensemble

Emmanuel Macron :

Je souhaite à mon tour vous remercier, mesdames, messieurs les sénateurs, pour le travail que vous avez accompli. Plusieurs d’entre vous ont rappelé que nos débats ont été plus courts lors de cette nouvelle lecture. Pourtant, nous avons presque atteint 450 heures de travail en séance publique lors de ces deux lectures cumulées. Les débats ont donc été particulièrement nourris.

Le Sénat a enrichi ce projet de loi en première lecture, avant que l’Assemblée nationale ne le consolide. Nombre de dispositions – j’ai eu l’occasion de le rappeler – ont su traverser les différentes étapes de l’examen de ce texte, qu’il s’agisse du suramortissement fiscal, de plusieurs dispositions tendant à améliorer la sécurité juridique du projet de loi ou d’une meilleure couverture territoriale en matière de téléphonie mobile et fixe. Il s’agit d’acquis obtenus lors de l’examen du texte au Sénat. La trentaine d’amendements qui ont été adoptés visent à améliorer ce texte sur de nombreux points, y compris juridiques. Le Gouvernement reprendra d’ailleurs à son compte des amendements lors de la lecture définitive à l’Assemblée nationale. À ce titre, j’ai indiqué par mes prises de position ceux qui retiendront particulièrement l’attention du Gouvernement.

Dans les prochains jours ou les prochaines semaines, nous parviendrons à l’examen de ce texte en lecture définitive. Aujourd’hui, après toutes ces heures de débat, nous voulons qu’il puisse entrer en vigueur le plus rapidement possible.

Je tiens vraiment à remercier le président de la commission spéciale et les rapporteurs pour le travail accompli, toujours dans un esprit extrêmement constructif. Nous avons partagé de nombreux désaccords – et c’est normal – mais toujours avec beaucoup de courtoisie. Nos échanges ont été marqués par le souci que chacun a eu de défendre ses positions avec conviction.

Je souhaite également remercier l’ensemble des groupes politiques qui ont été présents tout au long de ces débats en nouvelle lecture, moins nuitamment cette fois-ci que la fois précédente, comme plusieurs d’entre vous l’ont rappelé. La Haute Assemblée m’a fait prendre conscience de la tradition qui la caractérise d’aller au fond des choses, et de sa préoccupation de porter ses convictions avec une courtoisie républicaine que j’ai tout particulièrement appréciée.

Mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai eu à cœur de convaincre, tout en sachant que je n’y suis pas systématiquement parvenu. Le débat a néanmoins toujours été respectueux, de part et d’autre.

Je souhaite enfin remercier l’ensemble des agents du Sénat et de nos collaborateurs. Ils ont été un peu moins mis à contribution que lors de la première lecture, mais ont tout de même montré une grande disponibilité et un grand professionnalisme.

Monsieur Requier, lors de votre explication de vote, vous avez cité Les Fleurs du mal de Baudelaire. Je vous répondrai, comme Rimbaud dans Adieu, qu’il reste « la réalité rugueuse à étreindre, paysan ! »

Au fond, bien au-delà des postures et de ce que nous voulions, chacune et chacun, préserver, nous aurions été en mesure de trouver un consensus sur ce texte en protégeant les professions réglementées et en décidant de ne changer que peu de choses en matière de droit du travail. Mais je ne suis pas persuadé que nous aurions ainsi contribué à faire avancer le pays.

Oui, ce texte a créé des fronts de part et d’autre, des points de dissensus multiples, parce que nous évoluons dans une société démocratique, mûre, dans laquelle se sont constitués des intérêts et qui, par sédimentation, a élaboré son droit, a construit progressivement à la fois des principes et des normes. Il est normal de chercher à les faire vivre, à les adapter au réel, sans jamais – je le crois – renier les principes de justice et d’efficacité. On peut en débattre évidemment, car je sais que tout le monde ne partage pas cette idée, mais on doit le faire en cherchant cette ligne de crête qui permet de faire avancer le pays sans revenir sur nos principes les plus fondamentaux.

Ni le conservatisme, ni le libéralisme à tout crin, ni encore une forme de vision statutaire de la société ne doivent prendre le dessus sur cette volonté de redonner du mouvement à un pays et à une économie qui en ont besoin. C’est peut-être aussi cela qui a parfois pu déranger avec ce texte.

Aujourd’hui, l’essentiel est de mettre ce projet de loi en conformité avec le réel, pour filer la métaphore du poème de Rimbaud. Or le « mettre au réel » signifie que l’on soit en mesure, très rapidement – dans la foulée de la promulgation de la loi –, de publier les décrets d’application prévus et de réaliser une évaluation semestrielle. En effet, nous pouvons nous être trompés sur certains points. Je ne prétends pas détenir la vérité et pense que la pire des erreurs, aujourd’hui, serait de postuler pour autrui et de ne rien faire.

J’ai donc souhaité que l’on puisse faire entrer en vigueur rapidement ce texte, mais aussi l’évaluer de manière régulière, tous les semestres. Cette loi ne transformera pas tout, de même que les résultats positifs ou négatifs que nous pourrons constater ne lui seront assurément pas intégralement imputables. Néanmoins, nous pourrons avec un peu de rigueur en observer les effets et les évaluer. Ainsi, je l’espère, nous ferons avancer le débat.

Pour conclure, je vous promets que les choses ne s’arrêteront pas là ! Je veux également vous rassurer, madame Lienemann : je sais désormais en quoi consiste une « odyssée » législative. Je ne prétends certes pas en mener une de la sorte tous les semestres, mais nous conserverons sur l’entrepreneuriat, sur le numérique et sur beaucoup d’autres sujets la volonté de poursuivre les réformes, car la société et l’économie évoluent à grande vitesse. Nous avons certes nos principes à protéger, mais nous avons beaucoup de libertés et d’opportunités à donner à nos concitoyens. Ce mouvement continuera donc dans le même esprit.

Merci encore, mesdames, messieurs les sénateurs, pour ces quinze heures – cette fois-ci – de débat partagé !

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