Intervention de François Zocchetto

Commission mixte paritaire — Réunion du 2 juillet 2015 à 13h15
Commission mixte paritaire sur le projet de loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'union européenne

Photo de François ZocchettoFrançois Zocchetto, rapporteur pour le Sénat :

L'Assemblée nationale a adopté vingt-huit nouveaux articles, ne présentant pas de lien avec l'objet du texte et renvoyant, pour certains, à de graves questions qui auraient mérité un examen parlementaire complet. La procédure accélérée se justifie par l'objet limité du texte initial et par la nécessité de procéder, dans les temps, aux transpositions requises.

Le projet de loi comptait initialement huit articles. À l'initiative du Gouvernement, le Sénat a adopté cinq nouveaux articles, dont trois portant sur une adaptation au droit de l'Union européenne, un résolvant une difficulté posée par une censure du Conseil constitutionnel s'agissant des gardes à vue en matière de criminalité organisée et un dernier réparant un oubli de la loi sur la prévention de la récidive concernant le caractère exécutoire de la conversion de la contrainte pénale en peine d'emprisonnement. Ce faisant, le Sénat est resté dans les limites du droit d'amendement, d'autant plus que l'Assemblée nationale était assurée de pouvoir examiner, pour sa part, chacun de ces points en séance publique.

Je regrette que l'Assemblée nationale ait considérablement modifié le périmètre initial du texte, les vingt-huit nouveaux articles traitant notamment de la prise en compte des conditions de détention sur l'obtention des remises de peine, de la transmission d'informations pénales aux administrations, afin d'assurer la protection des mineurs, et de la création d'une majoration des amendes pénales au profit de l'aide aux victimes.

Bien que nombre de ces mesures soient pertinentes, à l'instar de la correction de la malfaçon législative relative au financement des partis politiques, d'autres appellent en revanche un débat et leur accumulation pose une question de principe : les limites du droit d'amendement en première lecture ont été dépassées, ce qui porte atteinte aux prérogatives du Sénat, en particulier dans le cadre de la procédure accélérée.

Malgré ces réserves générales, je me suis efforcé, avec M. Dominique Raimbourg, rapporteur pour l'Assemblée nationale, de parvenir à un consensus entre nos deux assemblées et je souligne la qualité et la cordialité de nos échanges. Alors qu'il aurait été possible de converger sur de nombreux points, aucun accord n'a pu être trouvé sur l'article 5 septdecies A, relatif à l'information par le parquet des administrations employant ou exerçant une tutelle sur une personne impliquée dans une enquête pénale.

Ce dispositif présente trois défauts majeurs. Le premier est sa généralité puisqu'il ne se limite pas aux atteintes contre les mineurs et s'étend à toute infraction et à toute administration. Le deuxième est son caractère gravement attentatoire à la présomption d'innocence, puisqu'il intervient avant toute condamnation pénale. Enfin, il opère un transfert de responsabilité de l'autorité judiciaire vers l'administration pour prendre les mesures préventives nécessaires contre la personne mise en cause. Ce transfert est problématique, non seulement parce qu'il prive la personne en cause de tout recours, mais aussi parce qu'il laisse les administrations totalement démunies face à un problème qui les dépasse. En effet, toute mesure conservatoire prise par celles-ci pourrait être analysée comme une sanction, alors même qu'elles n'ont pas accès au dossier de l'enquête et qu'elles ne pourront la motiver.

Je suis favorable à un mécanisme s'appuyant sur les obligations du contrôle judiciaire. L'interdiction d'exercer une activité au contact des mineurs devrait être rendue systématique, sauf appréciation contraire du juge, en présence d'indices graves et concordants de la participation de la personne en cause à la commission de l'infraction poursuivie. Bien entendu, l'administration serait informée de cette mesure, comme elle le serait en cas de condamnation. Un tel dispositif permettrait d'éviter la situation dénoncée dans l'affaire dite « de Villefontaine » ainsi que les conséquences dramatiques d'informations délivrées trop tôt, en violation de la présomption d'innocence.

Cette divergence de fond, associée à la question de principe déjà évoquée, explique l'absence d'accord sur les dispositions restant en discussion.

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