Commission mixte paritaire

Réunion du 2 juillet 2015 à 13h15

Résumé de la réunion

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La réunion

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La réunion est ouverte à 13 h 15.

Conformément au deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution et à la demande du Premier ministre, une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne s'est réunie à l'Assemblée nationale le jeudi 2 juillet 2015.

Elle procède tout d'abord à la désignation de son bureau, constitué de M. Jean-Jacques Urvoas, député, président, Mme Catherine Troendlé, sénateur, vice-présidente, M. Dominique Raimbourg, député, étant désigné rapporteur pour l'Assemblée nationale, M. François Zocchetto, sénateur, étant désigné rapporteur pour le Sénat.

La commission examine ensuite les dispositions restant en discussion.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

L'Assemblée nationale a adopté vingt-huit nouveaux articles, ne présentant pas de lien avec l'objet du texte et renvoyant, pour certains, à de graves questions qui auraient mérité un examen parlementaire complet. La procédure accélérée se justifie par l'objet limité du texte initial et par la nécessité de procéder, dans les temps, aux transpositions requises.

Le projet de loi comptait initialement huit articles. À l'initiative du Gouvernement, le Sénat a adopté cinq nouveaux articles, dont trois portant sur une adaptation au droit de l'Union européenne, un résolvant une difficulté posée par une censure du Conseil constitutionnel s'agissant des gardes à vue en matière de criminalité organisée et un dernier réparant un oubli de la loi sur la prévention de la récidive concernant le caractère exécutoire de la conversion de la contrainte pénale en peine d'emprisonnement. Ce faisant, le Sénat est resté dans les limites du droit d'amendement, d'autant plus que l'Assemblée nationale était assurée de pouvoir examiner, pour sa part, chacun de ces points en séance publique.

Je regrette que l'Assemblée nationale ait considérablement modifié le périmètre initial du texte, les vingt-huit nouveaux articles traitant notamment de la prise en compte des conditions de détention sur l'obtention des remises de peine, de la transmission d'informations pénales aux administrations, afin d'assurer la protection des mineurs, et de la création d'une majoration des amendes pénales au profit de l'aide aux victimes.

Bien que nombre de ces mesures soient pertinentes, à l'instar de la correction de la malfaçon législative relative au financement des partis politiques, d'autres appellent en revanche un débat et leur accumulation pose une question de principe : les limites du droit d'amendement en première lecture ont été dépassées, ce qui porte atteinte aux prérogatives du Sénat, en particulier dans le cadre de la procédure accélérée.

Malgré ces réserves générales, je me suis efforcé, avec M. Dominique Raimbourg, rapporteur pour l'Assemblée nationale, de parvenir à un consensus entre nos deux assemblées et je souligne la qualité et la cordialité de nos échanges. Alors qu'il aurait été possible de converger sur de nombreux points, aucun accord n'a pu être trouvé sur l'article 5 septdecies A, relatif à l'information par le parquet des administrations employant ou exerçant une tutelle sur une personne impliquée dans une enquête pénale.

Ce dispositif présente trois défauts majeurs. Le premier est sa généralité puisqu'il ne se limite pas aux atteintes contre les mineurs et s'étend à toute infraction et à toute administration. Le deuxième est son caractère gravement attentatoire à la présomption d'innocence, puisqu'il intervient avant toute condamnation pénale. Enfin, il opère un transfert de responsabilité de l'autorité judiciaire vers l'administration pour prendre les mesures préventives nécessaires contre la personne mise en cause. Ce transfert est problématique, non seulement parce qu'il prive la personne en cause de tout recours, mais aussi parce qu'il laisse les administrations totalement démunies face à un problème qui les dépasse. En effet, toute mesure conservatoire prise par celles-ci pourrait être analysée comme une sanction, alors même qu'elles n'ont pas accès au dossier de l'enquête et qu'elles ne pourront la motiver.

Je suis favorable à un mécanisme s'appuyant sur les obligations du contrôle judiciaire. L'interdiction d'exercer une activité au contact des mineurs devrait être rendue systématique, sauf appréciation contraire du juge, en présence d'indices graves et concordants de la participation de la personne en cause à la commission de l'infraction poursuivie. Bien entendu, l'administration serait informée de cette mesure, comme elle le serait en cas de condamnation. Un tel dispositif permettrait d'éviter la situation dénoncée dans l'affaire dite « de Villefontaine » ainsi que les conséquences dramatiques d'informations délivrées trop tôt, en violation de la présomption d'innocence.

Cette divergence de fond, associée à la question de principe déjà évoquée, explique l'absence d'accord sur les dispositions restant en discussion.

Debut de section - Permalien
Dominique Raimbourg, rapporteur pour l'Assemblée nationale

Je partage les regrets de M. François Zocchetto, mais aussi l'appréciation favorable qu'il avait faite de nos échanges. Nous avons tous deux essayé de trouver une solution dans un climat de confiance et nos discussions ont été ouvertes.

Je comprends parfaitement que le Sénat puisse être quelque peu froissé d'avoir à examiner en commission mixte paritaire vingt-huit articles ajoutés au texte initial par l'Assemblée nationale. Néanmoins, ces articles ne sont pas dénués de tout lien avec le texte. Par exemple, les dispositions relatives à l'aide aux victimes ont tout à fait leur place dans ce texte.

S'agissant d'un projet de loi ayant trait à la procédure pénale, la tentation était grande de profiter de son examen pour mettre à jour un certain nombre de textes. Et les députés n'ont pas résisté à cette tentation bienvenue.

Un accord aurait pu être trouvé sur l'essentiel, dans la mesure où les dispositions du projet de loi ont été adoptées par la majorité de l'Assemblée nationale et où l'opposition au sein de cette assemblée s'est abstenue. Il ne s'agit donc pas de dispositions très clivantes posant beaucoup de difficultés.

La difficulté porte sur l'amendement relatif aux agressions à caractère sexuel commises par les enseignants.

Beaucoup de sociétés se sont donné des procédures pour déterminer quand et comment un individu doit être déclaré coupable. Ces procédures prennent du temps. Pendant ce temps, il est nécessaire de prendre des mesures. La détention, jadis « préventive » et désormais « provisoire », en est une. Ces mesures sont difficiles à prendre. À l'occasion de l'affaire « de Villefontaine », on a constaté un dysfonctionnement dans le dispositif français.

C'est peut-être parce que les députés ont tenté un peu vite de répondre à ce dysfonctionnement que le texte que nous avons adopté n'était pas complètement mûr. Il va falloir retravailler cette question et déterminer une solution à une vraie difficulté : trouver le chemin de crête entre la protection de la présomption d'innocence et la nécessité de mettre des enfants à l'abri de comportements inadaptés - pour dire les choses de façon euphémistique - voire prédateurs - pour les dire de façon plus dramatique.

Je regrette autant que mon collègue l'échec de cette commission mixte paritaire. Malgré tous nos efforts fournis la veille, malgré les nombreux échanges téléphoniques que nous avons eus et malgré les nombreuses rédactions envisagées, nous ne sommes pas parvenus à un accord. Nous y reviendrons et peut-être trouverons-nous une solution.

Debut de section - Permalien
Pierre Lellouche, député

Les violences sexuelles contre les enfants en milieu scolaire sont d'autant plus inacceptables qu'elles causent des dommages irréversibles aux personnes les ayant subies. C'est la troisième fois depuis l'affaire de Villefontaine que j'essaie d'apporter une réponse : la première, par une proposition de loi que j'ai déposée, la deuxième, dans le cadre de la proposition de loi relative à la protection de l'enfant et la troisième dans la cadre du présent projet de loi. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale n'est pas abouti ; il est très difficile de trouver une juste mesure entre deux extrémités : la parole de l'enfant et le risque de détruire une vie, d'une part, en transmettant à l'administration un rôle d'accusation qui n'est pas le sien ; l'impuissance face à des cas avérés, d'autre part. Mme Christiane Taubira a souhaité que l'information soit transmise au moment de l'enquête, ce qui fait peser des risques s'agissant de la présomption d'innocence. Il serait préférable de rendre systématique la peine d'interdiction d'exercer dès lors que la personne est condamnée pour une infraction contre des enfants.

La réflexion sur cette question doit se poursuivre dans le cadre de l'examen du présent projet de loi, de façon à rechercher l'efficacité et le respect du droit, sans clivage partisan. Le désaccord constaté aujourd'hui est positif, dans la mesure où il existe un accord sur l'objectif à atteindre.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Kaltenbach

Il semble y avoir un accord sur 95 % du texte et la disposition faisant l'objet d'un désaccord n'est pas aboutie, M. Dominique Raimbourg ayant lui-même reconnu qu'elle présentait des imperfections. Il est souhaitable qu'un accord puisse intervenir sur les dispositions ne posant pas de difficulté et que l'article 5 septdecies A soit supprimé et repris dans un autre texte.

Debut de section - Permalien
Guy Geoffroy, député

Je n'avais pas prévu d'intervenir, mais il me semble nécessaire de le faire à la suite de l'intervention de M. Philippe Kaltenbach, car la réalité ne me semble pas être tout à fait celle qui est décrite. Si députés et sénateurs sont d'accord pour dire que les choses ne sont pas mûres, il n'en reste pas moins qu'il y a dans ce projet de loi un nombre considérable d'articles qui n'ont rien à y faire, pour peu qu'on lui conserve le titre qui est le sien au moment où il est examiné - et cela a été la raison de l'abstention de l'opposition à l'Assemblée nationale. Il peut y avoir des dispositions pertinentes, mais elles relèvent, selon moi, d'un autre cadre.

Je ne suis pas d'accord avec la solution proposée par le sénateur Philippe Kaltenbach. Cette solution reviendrait à ce que les parlementaires adoptent tous les cavaliers législatifs d'origine gouvernementale et à ce qu'ils renoncent aux cavaliers législatifs issus d'une réflexion parlementaire sur une problématique au sujet de laquelle le Gouvernement a également proposé des solutions. Selon moi, ce n'est pas vraiment l'esprit dans lequel les députés ont construit leur travail dans l'hémicycle.

Il faut que la majorité et l'opposition construisent non pas un accord, mais le dépassement de leurs désaccords. Il faut que le projet de loi soit examiné en nouvelle lecture dans chacune des assemblées et que, malgré le désaccord de principe sur le fait qu'il s'y trouve de nombreuses dispositions qui ne devraient pas s'y trouver, les réflexions des uns et des autres puissent se rapprocher dans le cadre d'un continuum, au fil des lectures successives.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Je conclurai en disant que les deux rapporteurs ont conduit un travail très approfondi, de très grande qualité, empreint d'un souci de compromis. À mes yeux, on ne peut que regretter que ce travail n'ait pas permis de rendre positive la conclusion de la commission mixte paritaire.

Au-delà des efforts réalisés par MM. Dominique Raimbourg et François Zocchetto, il n'en reste pas moins que la méthode suivie sur ce projet de loi pose question.

À cet égard, je partage le point de vue de M. Guy Geoffroy. Selon moi, on peut tout d'abord s'étonner d'un certain dévoiement de la procédure accélérée qui a été engagée sur ce texte, déposé sur le bureau du Sénat le 23 avril 2014. Si cette procédure accélérée se justifie parfaitement au regard des retards de transposition des décisions-cadres et directives concernées par ce texte, il n'est pas acceptable qu'un délai de plus de quatorze mois s'écoule entre le dépôt du texte sur le bureau de la première assemblée saisie et la réunion d'une commission mixte paritaire.

J'ajoute qu'on ne peut également que s'étonner de la méthode consistant, pour la seconde assemblée saisie, à insérer de nombreux articles additionnels sans aucun lien avec l'objet du projet de loi, dont certains portent des réformes lourdes sur les plans politique et juridique, sans que le Sénat ne puisse les examiner en commission et en séance publique. Cela a, du reste, été reconnu par le rapporteur pour l'Assemblée nationale, M. Dominique Raimbourg.

Ce sont ainsi vingt-huit articles additionnels qui sont proposés à l'examen des sept sénateurs membres de la commission mixte paritaire qui seront les seuls au sein de la Haute assemblée à avoir eu la possibilité de se prononcer dans des conditions qui sont loin d'être satisfaisantes.

Outre ce problème de principe sur la méthode, il me semble que le projet de loi soulève un problème de constitutionnalité, particulièrement au regard de la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur les cavaliers législatifs, puisqu'on ne saurait sérieusement plaider, pour vingt-sept des vingt-huit articles additionnels, qu'ils présentent un lien, même indirect, avec l'objet du texte en discussion.

Enfin, j'évoquerai la disposition relative à l'information des autorités administratives, par les autorités judiciaires, en cas d'enquête ou d'instruction sur des faits touchant, de près ou de loin, à la pédophilie : l'amendement dit « Villefontaine » au sujet duquel les rapporteurs n'ont pas réussi à trouver un terrain d'entente.

Je remercie le député Pierre Lellouche pour le travail remarquable qu'il a réalisé en amont, dans le cadre de l'élaboration de sa proposition de loi. Celle-ci a proposé une solution qui, pour l'instant, n'a malheureusement pas été retenue.

Comme l'Assemblée nationale, le Sénat est très attaché à la protection de nos enfants, et il est essentiel qu'ils puissent être mis à l'abri, dans les meilleurs délais, des prédateurs sexuels. Mais cette exigence de protection doit s'inscrire dans un cadre juridique respectueux du principe constitutionnel de présomption d'innocence. Nul n'ignore que ces affaires, et les enquêtes qui s'y attachent, sont souvent compliquées : certes, la parole de l'enfant doit être écoutée et pleinement prise en considération. Mais dans le même temps, il faut prendre garde à ne pas jeter l'opprobre sur des personnes qui, dans certaines situations, peuvent faire l'objet d'accusations se révélant par la suite infondées. À cet égard, je partage le point de vue du député Pierre Lellouche.

Je regrette que députés et sénateurs n'aient pas pu trouver là un terrain d'entente et j'espère que les deux assemblées mettront à profit la nouvelle lecture pour dégager une solution consensuelle en la matière, qui allie ces deux exigences.

Debut de section - Permalien
Jean-Jacques Urvoas, président

Je constate que la commission mixte paritaire ne peut pas parvenir à proposer un texte commun sur les dispositions restant en discussion du projet de loi.

En conséquence, la commission mixte paritaire a constaté qu'elle ne peut proposer un texte commun sur ce projet de loi.

La réunion est levée à 13 h 50