Intervention de Catherine Troendle

Commission mixte paritaire — Réunion du 2 juillet 2015 à 13h15
Commission mixte paritaire sur le projet de loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'union européenne

Photo de Catherine TroendleCatherine Troendle, vice-présidente :

Je conclurai en disant que les deux rapporteurs ont conduit un travail très approfondi, de très grande qualité, empreint d'un souci de compromis. À mes yeux, on ne peut que regretter que ce travail n'ait pas permis de rendre positive la conclusion de la commission mixte paritaire.

Au-delà des efforts réalisés par MM. Dominique Raimbourg et François Zocchetto, il n'en reste pas moins que la méthode suivie sur ce projet de loi pose question.

À cet égard, je partage le point de vue de M. Guy Geoffroy. Selon moi, on peut tout d'abord s'étonner d'un certain dévoiement de la procédure accélérée qui a été engagée sur ce texte, déposé sur le bureau du Sénat le 23 avril 2014. Si cette procédure accélérée se justifie parfaitement au regard des retards de transposition des décisions-cadres et directives concernées par ce texte, il n'est pas acceptable qu'un délai de plus de quatorze mois s'écoule entre le dépôt du texte sur le bureau de la première assemblée saisie et la réunion d'une commission mixte paritaire.

J'ajoute qu'on ne peut également que s'étonner de la méthode consistant, pour la seconde assemblée saisie, à insérer de nombreux articles additionnels sans aucun lien avec l'objet du projet de loi, dont certains portent des réformes lourdes sur les plans politique et juridique, sans que le Sénat ne puisse les examiner en commission et en séance publique. Cela a, du reste, été reconnu par le rapporteur pour l'Assemblée nationale, M. Dominique Raimbourg.

Ce sont ainsi vingt-huit articles additionnels qui sont proposés à l'examen des sept sénateurs membres de la commission mixte paritaire qui seront les seuls au sein de la Haute assemblée à avoir eu la possibilité de se prononcer dans des conditions qui sont loin d'être satisfaisantes.

Outre ce problème de principe sur la méthode, il me semble que le projet de loi soulève un problème de constitutionnalité, particulièrement au regard de la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur les cavaliers législatifs, puisqu'on ne saurait sérieusement plaider, pour vingt-sept des vingt-huit articles additionnels, qu'ils présentent un lien, même indirect, avec l'objet du texte en discussion.

Enfin, j'évoquerai la disposition relative à l'information des autorités administratives, par les autorités judiciaires, en cas d'enquête ou d'instruction sur des faits touchant, de près ou de loin, à la pédophilie : l'amendement dit « Villefontaine » au sujet duquel les rapporteurs n'ont pas réussi à trouver un terrain d'entente.

Je remercie le député Pierre Lellouche pour le travail remarquable qu'il a réalisé en amont, dans le cadre de l'élaboration de sa proposition de loi. Celle-ci a proposé une solution qui, pour l'instant, n'a malheureusement pas été retenue.

Comme l'Assemblée nationale, le Sénat est très attaché à la protection de nos enfants, et il est essentiel qu'ils puissent être mis à l'abri, dans les meilleurs délais, des prédateurs sexuels. Mais cette exigence de protection doit s'inscrire dans un cadre juridique respectueux du principe constitutionnel de présomption d'innocence. Nul n'ignore que ces affaires, et les enquêtes qui s'y attachent, sont souvent compliquées : certes, la parole de l'enfant doit être écoutée et pleinement prise en considération. Mais dans le même temps, il faut prendre garde à ne pas jeter l'opprobre sur des personnes qui, dans certaines situations, peuvent faire l'objet d'accusations se révélant par la suite infondées. À cet égard, je partage le point de vue du député Pierre Lellouche.

Je regrette que députés et sénateurs n'aient pas pu trouver là un terrain d'entente et j'espère que les deux assemblées mettront à profit la nouvelle lecture pour dégager une solution consensuelle en la matière, qui allie ces deux exigences.

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