Merci, Monsieur le Président, et merci Mesdames les sénatrices et Messieurs les sénateurs, de m'accueillir ce matin, pour commenter l'actualité du Bourget, et surtout celle de la LPM.
En ce qui concerne le Rafale, il y a matière à satisfaction car « l'équipe France » a gagné ses paris sur cette exportation depuis longtemps attendue. Nous savions que le choix de la polyvalence du Rafale fait par nos armées et la direction générale de l'armement (DGA) était pertinent et que les forces étaient pleinement satisfaites du Rafale quand elles l'ont opéré tant en Afghanistan, qu'en Libye au Mali et plus récemment en Iraq. Cependant jusqu'à présent nous n'avions pas encore réussi à l'exporter. C'est désormais chose faite. Cette réussite provient, au-delà des qualités propres à l'avion et aux démonstrations faites par nos armées en opération, des évolutions d'un contexte stratégique et géopolitique. Cela a directement des effets dans la programmation militaire. En effet, sur 26 avions prévus dans la LPM, 12 sont déjà livrés. Il reste donc 14 Rafale à livrer. Si l'export n'avait pas été au rendez-vous, il y aurait eu un risque d'arrêt de la chaîne pendant plus de quatre ans, susceptible de porter préjudice à la production.
Aujourd'hui, il y a deux contrats en cours : celui qui concerne l'Égypte pour 24 avions, et celui qui concerne le Qatar pour 24 avions également -dont l'accord, signé, n'entrera en vigueur que lorsque nous aurons reçu le premier paiement. Je rappelle que lorsque les 14 avions restant sur les 26 avions prévus par la LPM seront livrés, nous serons à 152 Rafale livrés à l'issue de cette programmation. Ainsi, il restera tout de même, sur la commande de la quatrième tranche, 28 avions à livrer ; cette nouvelle série de livraisons devrait démarrer en 2019 ou 2020, cela reste à confirmer. Enfin, pour respecter le format de 225 avions défini par le Livre blanc pour les armées françaises, en tenant compte de l'attrition, c'est-à-dire des quelques appareils qui ont été perdus depuis la mise en service du Rafale, nous aurons des tranches supplémentaires pour une cinquantaine d'avions qui ne sont pas encore contractualisés.
Pour l'Inde, les négociations se poursuivent. Le schéma contractuel actuel vise à livrer 36 avions dans un premier temps produits en France contre 18 avions dans le contrat MMRCA. En ce qui concerne les 90 avions complémentaires pour arriver aux 126, dont la vente était initialement envisagée, rien aujourd'hui n'est assuré, mais pour répondre aux demandes des autorités indiennes de « Make in India », il y aurait intérêt à prévoir une construction locale pour ces futures commandes.
Le succès appelant le succès, d'autres pays sont aujourd'hui intéressés par le Rafale. Le contrat avec l'Égypte a véritablement ravivé l'intérêt d'un certain nombre de pays avec lesquels nous sommes en discussion ; de nouveaux contrats pourraient se conclure d'ici un an.
Dans le cadre du contrat avec l'Égypte et compte tenu du fait que c'était le premier contrat, l'État a accepté de prélever six avions Rafale sur les forces armées françaises. Trois premiers avions ont été mis au standard égyptien ces derniers mois et seront convoyés cet été vers l'Égypte. Trois autres avions biplaces ont été prélevés pour être livrés l'année prochaine, en avance de phase, à la demande des autorités égyptiennes. Ces six avions seront « remboursés » à l'Armée de l'air d'ici 2018, afin de ne pas gêner la montée en puissance du second escadron Rafale nucléaire. La montée en puissance de l'armée de l'air n'est donc absolument pas touchée par le contrat égyptien. Bien sûr, il faut former les pilotes égyptiens ; cela s'est réalisé au sein de l'armée de l'air, qui apporte dans ce domaine toutes ses compétences sous la responsabilité de Dassault. La tâche ne fut pas difficile car il s'agissait de former des pilotes aguerris de Mirage 2000 et de F16.
En ce qui concerne l'actualisation de la LPM, l'industrie s'est évidemment réjouie de la hausse du budget. Cependant, j'émets une réserve quant à la part du budget de la défense dans le PIB, qui reste insuffisante compte tenu des enjeux et de la cohérence du modèle français reposant sur une industrie qui apporte aux armées les outils de leur souveraineté. Avec un effort de 1,47 % du PIB, la France est éloignée du standard de l'OTAN visant un budget de défense égal à 2 % du PIB, hors pensions. Nous connaissons les contraintes budgétaires du moment, mais nous pensons que dans les années à venir, il faudra revoir cet effort de défense à la hausse, afin de conserver cet outil industriel qui, vous l'avez rappelé, est un succès ; non seulement car les matériels développés répondent de façon adéquate à la demande militaire, mais également car, grâce à l'export, nous avons obtenu un surplus profitable à notre balance commerciale. Ceci n'est pas négligeable pour l'emploi, les commandes à l'export visant des équipements construits sur le sol français. De plus, la technologie militaire permet de renforcer nos positions dans le domaine civil, qui favorise également la balance commerciale. Je vous rappelle que le chiffre d'affaires de Dassault provient à 80 % de l'export, alimenté par cette technologie duale. L'argent public qui est investi dans le secteur de la défense, et particulièrement dans l'aéronautique de défense, est donc véritablement bénéfique à l'économie française.
Concernant la marine, la LPM prévoit la modernisation de l'Atlantique 2, qui est en cours, et la livraison de Falcon 50 de surveillance maritime, qui se révèlent nécessaires au vu de l'actualité. Nous avons également réussi à exporter le Falcon 2000 de surveillance maritime, au Japon, qui était en concurrence avec l'américain Boeing allié au canadien Bombardier. Cette exportation, moins visible, nous ouvre toutefois une nouvelle voie et un nouveau produit, puisque le Falcon 50 n'est plus en production. La vente de ce Falcon 2000, équipé d'un radar Thalès, représente un réel succès qui prouve que la compétitivité française est une réalité dès lors que l'excellence est au rendez-vous.
La LPM prévoit aussi la préparation du futur qui, pour nous, est principalement tournée vers les UCAV (Unmanned Combat Air Vehicle) dans le cadre de la coopération franco-britannique issue des accords de Lancaster House. Il s'agit d'explorer la capacité de développer un avion de chasse commun sans pilote à bord ; le programme s'appelle FCAS DP (Future Combat Air System Demonstration Phase). Ces études ont été lancées l'année dernière et se poursuivent. Dans un an et demi, nous devrions savoir s'il y aura une étape ultérieure.
Enfin, nous pensons que l'Europe se doit de développer le domaine stratégique des drones de surveillance, et particulièrement les drones MALE (Moyenne Altitude Longue Endurance), afin de s'autonomiser à l'égard des États-Unis. Nous en avons les capacités : nous avons les liaisons de données, les radars, l'électronique et la capacité de l'intégrer dans un objet volant, dans des réseaux. Nous nous sommes ainsi mis d'accord, avec Airbus et Finmeccanica, pour parvenir à une offre industrielle ; et nous nous réjouissons que les trois gouvernements, français, allemand et italien, aient signé une lettre d'intention. Nous attendons à présent un contrat vers l'industrie, qui tarde à venir. Vous avez certainement entendu mes propos relatant ces inquiétudes lors du Salon du Bourget, mais également ceux de Tom Anders. Nous reconnaissons que le Reaper est un bon drone, pour le moment ; mais nous revendiquons la préparation du futur et nous souhaitons que cela puisse se faire en Europe, car il s'agit d'un maillon important de la grande chaîne du système aéronautique. L'automatisation du champ de bataille est en marche et nous avons le choix entre être un sous-traitant des États-Unis ou continuer et poursuivre les efforts de la technologie pour équiper nos forces armées.