Intervention de René Danesi

Délégation sénatoriale aux entreprises — Réunion du 21 mai 2015 : 1ère réunion
Compte rendu du déplacement des membres de la délégation dans l'hérault le 11 mai 2015

Photo de René DanesiRené Danesi :

J'aimerais pour ma part revenir sur les différences d'interprétation de la norme par les fonctionnaires. À mon sens, ce phénomène est inévitable. À moins de rendre les règles plus précises et plus directives, ce que nous voulons à tout prix éviter, les administrations déconcentrées auront toujours une latitude d'interprétation. En tant que maire d'une petite commune rurale depuis plus de 40 ans, j'ai eu l'occasion de voir passer beaucoup de fonctionnaires et naturellement, chacun interprète les mêmes textes à sa façon : ce qui était admis 8 jours auparavant ne l'est plus 8 jours après. Néanmoins, auparavant il était toujours possible de faire appel au directeur départemental des finances publiques et dans la vaste majorité des situations, le bon sens l'emportait. Or, aujourd'hui, les administrations en charge d'interpréter les normes, telles que la DREAL, sont en lien direct avec les ministères et court-circuitent les représentants de l'État dans les territoires, préfets régionaux et départementaux. Ainsi, ces derniers se retrouvent impuissants face au pouvoir d'interprétation de ces administrations. Deux solutions s'offrent alors : d'une part, le gouvernement pourrait faire acte d'autorité et affirmer que les DREAL relèvent des préfets de région ; de toute façon, il n'y aura bientôt plus que 13 interprétations possibles au lieu de 22 actuellement. D'autre part, le gouvernement pourrait lui-même prendre en charge les difficultés liées aux distorsions de concurrence induites par la multitude d'interprétations en indiquant la solution à retenir en cas d'interprétation divergente selon les régions concernées. Dans les deux cas, le politique doit intervenir car si on laisse toute latitude aux administrations, il y aura toujours une interprétation différente de la même norme.

Par ailleurs et pour rester dans la thématique de l'excès de normes, je souhaiterais revenir sur la part de responsabilité respective de l'Union européenne et de la France dans ce phénomène. En effet, il est usuel d'opposer l'origine communautaire des normes pour justifier le fait que l'on ne peut y toucher. Néanmoins, quiconque s'intéresse un peu à la question ne peut manquer de constater que la France a une fâcheuse tendance à durcir la norme européenne, ce que ne font pas nos voisins. On aboutit à une distorsion de concurrence intracommunautaire durement subie par les entreprises françaises. J'en veux pour preuve le sort des abattoirs alsaciens: il y a trente ans, la France a décidé de fermer les plus petits abattoirs en prenant prétexte d'une norme européenne sur les critères de qualité de viande. En réalité, il existait deux normes : l'une, d'origine communautaire, concernait la viande destinée à l'exportation ; l'autre, concernait cette fois les viandes destinées à la consommation locale. Alors que l'Allemagne s'est empressée de distinguer entre les viandes destinées à l'export et à la consommation locale, ce qui lui a permis de préserver ses petits abattoirs, la France a exigé l'application de la norme la plus dure quel que soit le marché de consommation final, ce qui laissa l'Alsace avec un seul abattoir pour toute la région. Quelques années plus tard, le Conseil général du Haut-Rhin a dû financer un abattoir pour permettre aux éleveurs locaux de maintenir leur activité et une étude a été lancée pour rechercher les causes de la disparition des infrastructures existant peu de temps auparavant, étude financée par le même Conseil général. C'est cette étude qui a mis en lumière le durcissement de la norme par la France, alors que la responsabilité avait toujours été rejetée sur Bruxelles.

De même, un apprenti en Allemagne peut monter sur une échelle de 10 mètres, quand, en France, il ne peut pas grimper sur un escabeau. Ce sont pourtant les mêmes directives communautaires qui s'appliquent.

Plus récemment, j'ai de nouveau fait l'expérience des effets pervers et du surcoût liés à ce phénomène de durcissement des normes lorsqu'il a fallu débourser plus d'un million d'euros pour des travaux visant à assurer la délivrance d'une eau contenant moins de 100 nano grammes d'atrazine par litre. En effet, la production de maïs génère de l'atrazine qui se décompose dans les sols et dont on retrouve des traces dans l'eau potable. Le préfet, sous la pression des associations écologiques, a menacé ma commune de devoir distribuer de l'eau minérale à ses habitants s'il s'avérait que l'eau dépassait le seuil des 100 nano grammes d'atrazine. L'eau de ma commune contenant 250 grammes d'atrazine, j'ai dû débourser plus un million d'euros pour me conformer à la règle. Cet investissement important pour une commune de 5 000 habitants, a été co-financé par le Conseil général et l'Agence générale de l'eau, soit avec les deniers du contribuable. Or, en creusant un peu, il m'est apparu que la norme européenne est en réalité de 400 nano grammes d'atrazine par litre d'eau et la norme mondiale de 2 000 nano grammes ! On peut s'interroger sur la pertinence de cette dépense publique, là où des communes dans des situations identiques de l'autre côté du Rhin n'ont pas eu à dépenser de telles sommes pour répondre aux exigences de la norme communautaire. On a le sentiment que notre pays multiplie les normes qui engendrent des dépenses publiques et au bout du compte, nous devons financer une dette de plus de 1 000 milliards d'euros. À mon sens, des économies substantielles ainsi qu'une vraie simplification pourraient émaner d'une remise à plat de ces normes pour se conformer au standard européen, sans tomber dans l'excès de zèle.

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