J’ai exprimé le jour même, à cette tribune, l’affliction et les sentiments provoqués par la violence de sa disparition, que rien ne laissait présager.
Jean Germain n’a tout simplement pas supporté l’idée que son honneur et sa réputation puissent être mis en cause.
Si la vie politique est violente, un homme public a droit, comme tout autre citoyen, au respect de sa dignité.
Jean Germain était un homme d’engagement. Il l’a démontré tout au long d’une vie publique très largement consacrée à sa chère ville de Tours, qui l’avait vu naître, mais aussi à son village de Bourgueil, qui lui était très cher.
Il était un élu local passionné, un parlementaire estimé, un juriste et un universitaire réputé.
Élu conseiller municipal de Tours en 1983, Jean Germain aura dirigé, pendant près de vingt ans, cette ville à laquelle il était viscéralement attaché.
En un demi-siècle – jusqu’en 2014 –, Tours n’aura connu que deux maires : Jean Royer et Jean Germain. C’est sans doute en 1995 que notre collègue connut la plus grande joie de sa vie publique en succédant, à la surprise de nombreux observateurs d’alors, à celui qui avait dirigé la ville durant trois décennies.
Prendre la suite de Jean Royer n’était pas facile à assumer. Jean Germain l’a fait à sa façon : consensuelle, réfléchie et pondérée. De 1995 à 2014, il a fait de la gestion de la ville de Tours et de son agglomération l’œuvre de sa vie.
Jean Germain fut un bâtisseur et un aménageur. Habité par l’idée de transformer sa ville, il a mené à bien, avec détermination et compétence, de nombreux projets. Je citerai, bien sûr, la réalisation du tramway, qui a contribué à faire entrer Tours dans la modernité et qui, traversant la ville du nord au sud, a profondément modifié le paysage urbain. J’évoquerai aussi la réalisation du quartier « Montconseil » ou encore la création de la zone commerciale, de loisirs et d’habitat des « 2 Lions ».
Comme beaucoup de maires attachés à leur ville, Jean Germain n’ignorait rien de la sienne : il connaissait chaque rue, chaque place, chaque jardin, chaque école, chaque crèche, sans oublier bien sûr les bords de la Loire, à l’embellissement desquels il tenait beaucoup.
Jean Germain était parvenu à ces résultats par cette culture du dialogue et ce sens du compromis qui le caractérisaient et dont les Tourangeaux et les Tourangelles lui savaient gré puisqu’ils l’élurent à trois reprises à la tête de leur ville.
Il mit ces mêmes qualités au service de son action au sein de la région Centre, dont il fut, de 1998 à 2011, le premier vice-président, chargé des finances, mais aussi de la planification, des relations internationales et de la communication. Dans ces fonctions, il fit encore la preuve de ses qualités de gestionnaire et d’administrateur.
Dès son arrivée dans notre hémicycle, Jean Germain fut un parlementaire compétent, actif et estimé de ses collègues.
Juriste de formation, Jean Germain était préparé au rôle de législateur puisque, après avoir été, de 1982 à 1985, directeur de cabinet d’André Laignel, alors président du conseil général de l’Indre, il avait exercé des fonctions similaires à l’échelon national lorsque celui-ci, membre de plusieurs gouvernements, fut successivement chargé de la formation professionnelle, puis de la ville et de l’aménagement du territoire.
Cet investissement dans la vie politique nationale, Jean Germain l’avait par ailleurs conforté au travers de son engagement politique, en étant secrétaire national du parti socialiste chargé des études, puis membre du conseil national du parti socialiste et délégué national chargé de l’éducation et des universités.
Jean Germain fut élu au palais du Luxembourg le 25 septembre 2011 pour y représenter son département, l’Indre-et-Loire.
Membre de la commission des finances, il y exerça d’abord les fonctions de rapporteur spécial du budget de la ville et du logement, avant de se consacrer, à partir de 2012, à la mission « Relations avec les collectivités territoriales ». Sur ce sujet délicat qu’il maîtrisait parfaitement, ses rapports faisaient autorité, tout comme ses rapports annuels sur le projet de loi de règlement du budget de l’État.
Notre collègue se révéla ainsi, en quelques années, un membre éminent et actif de la commission des finances du Sénat, dont il était devenu le vice-président au mois d’octobre dernier.
Son activité dans l’hémicycle n’était pas moindre. Nous avons encore en mémoire la qualité de ses interventions, ici même, il y a quelques mois, lors de l’examen par le Sénat du projet de loi relatif à la transition énergétique.
Il assura également la présidence du groupe interparlementaire d’amitié France-Liban, responsabilité qu’il exerça avec passion et engagement, je peux en témoigner. Il avait parfaitement senti que les liens entre le Liban et la France relevaient de bien autre chose que des « affaires étrangères ».
Le 16 janvier dernier, Jean Germain avait été chargé d’une mission sur la réforme des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales auprès de trois membres du Gouvernement : Mme Marylise Lebranchu, M. André Vallini et M. Christian Eckert. Nous aurons bientôt l’occasion de débattre de propositions qu’il avait contribué à faire émerger dans ce cadre, notamment sur la réforme de la dotation globale de fonctionnement.
Ce besoin impérieux d’activité qui caractérisait notre collègue, cette soif de connaissances qui ne l’avait jamais quitté, Jean Germain les tenait de sa formation et de ses débuts en tant qu’universitaire.
Docteur en droit public, il avait été maître de conférences en droit constitutionnel et en finances publiques, avant de devenir vice-président, puis président de l’université François-Rabelais de Tours.
À ce titre, il avait ouvert un certain nombre de chantiers, qui vont de la professionnalisation nécessaire de filières universitaires à l’accompagnement de la démocratisation de l’accès à l’enseignement supérieur, en passant par l’ouverture européenne des cursus, notamment au travers du programme Erasmus.
Après qu’il eut été nommé inspecteur général de l’éducation nationale, en 1993, Pierre Moscovici et Jack Lang, respectivement ministres des affaires européennes et de l’éducation, lui confièrent, en 1999, une mission sur les moyens d’accroître la mobilité des étudiants et des enseignants dans l’espace européen. Un rapport sur « l’Europe des connaissances et du savoir » fit et fait encore autorité.
« Il est des êtres, j’en suis, pour lesquels injustice et déshonneur sont insupportables ». Ces mots figurent parmi les derniers de Jean Germain. Le Sénat de la République ne doit pas les oublier.
À nos collègues du groupe socialiste et républicain, à ceux de la commission des finances, qui ont perdu un de leurs membres les plus appréciés, ainsi qu’à notre collègue Stéphanie Riocreux, qui a la lourde charge de succéder à Jean Germain, je tiens à redire notre sympathie.
À ses deux enfants, à tous les membres de sa famille, à celle et ceux qui ont accompagné sa vie pendant de nombreuses années, je veux dire à nouveau que nous n’oublierons pas Jean Germain et que sa mémoire est ici vivante, au-delà même des symboles qu’incarne le Sénat, parce que ses dernières paroles sont une exigence pour nous tous.
La parole est à Mme la ministre des affaires sociales.