Intervention de Jacques Rapoport

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 9 juillet 2015 à 14h30
Audition de M. Jacques Rapoport candidat proposé aux fonctions de président délégué du directoire de la sncf

Jacques Rapoport, candidat proposé aux fonctions de président délégué du directoire de la SNCF :

En matière de gares, le groupe parle désormais d'une seule voix, ce qui facilite les choses. Les premiers éléments révélant la création de valeur de la constitution unique de ce groupe commencent à se manifester. Tout se fait dans le parfait respect de l'égalité d'accès, sous le contrôle de l'Araf, qui ne nous a adressé aucune critique à ce sujet. Bref, ce qu'a voté le législateur se met en place.

L'état technique du réseau ferré et son état financier, dégradé, sont des sujets difficiles. Si le législateur a décidé d'une réforme, c'est parce que le système marchait mal.

Le fil rouge des rapports, depuis celui de l'École polytechnique fédérale de Lausanne en 2005 jusqu'au tout dernier après Brétigny, en passant par celui que le Sénat avait commandé à la Cour des comptes, est que le réseau a anormalement vieilli. Environ 15% des 14 000 kilomètres les plus empruntés, soit la moitié du réseau, sont considérés hors d'âge. Sans être dangereux, ils auraient dû être renouvelés plus tôt. Il en est résulté une hausse des ralentissements d'un tiers depuis quatre ans. La situation est plus difficile encore sur les voies régionales. Les minutes perdues du fait des incidents ont augmenté de 40 %.

Le réseau ferré national étant un monopole naturel, il ne sait pas se comparer à l'extérieur, ce qui est indispensable. Il existe cependant une plateforme européenne des gestionnaires d'infrastructures ferroviaires, PRIME. L'âge moyen des voies et des aiguillages est de 33 ans en France contre 20 ans en Allemagne. Nous investissons 2,5 milliards en renouvellement contre 3,5 milliards pour les Britanniques dont le réseau est plus petit d'un tiers. Les Allemands, dont le réseau est légèrement plus grand, viennent d'obtenir l'augmentation de ce budget de 3 à 4 milliards par an. La contrepartie est une moindre maintenance courante : 1,7 milliard par an, contre 2 milliards en France. Le vieillissement du réseau dégrade la qualité et la productivité en accroissant le coût de la maintenance. Dernier élément du diagnostic : au total, nous investissons plus que les Allemands dans le réseau ferré puisque notre volume de développement, qu'il s'agisse des quatre LGV en construction ou des contrats de plan État-région (CPER), représente 3 milliards par an contre 1 à 1,5 milliard par an en Allemagne.

Ces projets de développement ont pour conséquence la saturation de l'appareil de production de travaux. Augmenter les effectifs ou la sous-traitance est faisable pour la construction de nouvelles lignes, mais plus délicat en maintenant la continuité du service sur un réseau marqué par cent ans de strates technologiques successives. Le savoir-faire des cheminots est sans équivalent. L'augmentation de la sous-traitance, dont je suis partisan, ne peut être que progressive. La nécessaire création d'un tissu industriel d'entreprises compétentes en travaux ferroviaires sur réseau exploité demande du temps. Les effectifs, eux, augmentent depuis quatre ans, mais les temps d'acquisition des compétences sont longs, en raison de ces strates technologiques. Enfin, notre réseau ferré, en étoile, compte très peu de voies d'évitement en cas de travaux et il est compliqué de couper des lignes très empruntées.

Vous pensez sans doute, après ce diagnostic, que je n'ai plus que mes yeux pour pleurer ? À moyen terme, la mise en place d'un groupe public ferroviaire offre les moyens de répondre à cette situation. Nous devons donner la priorité au renouvellement. Nous ne sommes pas hostiles au développement, mais il n'est pas possible de tout mener de front. Il faut une politique industrielle dynamique, ce que SNCF Réseau rend possible avec l'industrialisation des travaux, le développement d'un savoir-faire externe, le déploiement des innovations, notamment numériques. Si la situation est délicate, les solutions existent à condition d'avoir de la visibilité à moyen terme, ce que vous avez prévu dans la loi, avec le contrat de performance pour lequel mon impatience est grande...

Le redressement financier, ensuite. Notre dette explose depuis 2011, à un rythme de 3 milliards d'euros par an. C'est simple : quand on dépense plus que ses recettes, on s'endette. La dette est due à une très forte croissance des investissements techniques, en raison de ressources d'investissement trop faibles pour l'accélération du renouvellement et le grand nombre de projets de développement. La situation, sur le papier, n'est pas mauvaise. Les péages étant relativement élevés en France, les recettes commerciales couvrent totalement les dépenses de fonctionnement : nous atteignons le petit équilibre. La redevance d'accès de l'État et du Stif, fournit 2 milliards d'euros d'autofinancement, ce qui n'est pas suffisant. Cette somme, tout de même très importante, est malheureusement consommée par les frais financiers. L'autofinancement net des investissements est de quelques centaines de millions d'euros pour des investissements de six à sept milliards d'euros par an. La dette vient polluer un système de financement assez sain.

Nous avons trois solutions. La première est la règle d'or inscrite dans la loi ferroviaire et la loi Macron : en imposant que l'investissement de développement soit financé par ceux qui le demandent, elle supprime 1,5 milliard de dette supplémentaire par an.

La deuxième est d'améliorer la productivité. Je me suis engagé sur 500 millions d'euros de gains de productivité au cours des cinq premières années de SNCF Réseau. Nous allons les faire, parce que maîtriser complètement son activité offre au gestionnaire d'infrastructure une visibilité autorisant des plans industriels d'efficacité - la situation de Nantes-Saint-Gilles et Nantes-Pornic ne se reproduira plus dans un système intégré. Dans la deuxième moitié du contrat décennal, la productivité sera différente puisque les dépenses de maintenance auront baissé.

La troisième solution, sans parler de la réinternalisation des résultats de SNCF Mobilités, est de régler le problème de la dette. Nous sommes en mesure de stabiliser la dette en 2025. D'ici là, elle augmentera à un rythme plus lent, en raison des investissements forts.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion