Intervention de Louis Nègre

Réunion du 9 juillet 2015 à 10h30
Transition énergétique — Discussion en nouvelle lecture d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Louis NègreLouis Nègre, au nom :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, il n’est plus temps d’attendre. Il n’y a pas d’autre voie que celle d’engager toutes nos forces, tout de suite, dans une transition énergétique. Il y va de l’avenir de nos enfants et de nos petits-enfants. Le réchauffement climatique, la disponibilité des ressources, l’érosion de la biodiversité, l’impasse économique de notre modèle de développement nous poussent à agir vite, et à voir loin.

Désormais, la prise de conscience indispensable pour pouvoir agir est universelle. Les États-Unis et la Chine, les deux plus grands pollueurs du monde, viennent enfin de signer un accord dans ce domaine. Le vice-ministre chinois de l’environnement a confirmé, voilà quelques jours, ici même au Sénat, la volonté de son pays de s’engager résolument dans la lutte contre le changement climatique. Le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki Moon, rappelle qu’il n’y a pas de planète B, et un autre leader mondial, le pape François, vient de publier une encyclique décapante, Laudato si, sur la sauvegarde de la « maison commune ». C’est dire si l’alerte est massive et générale !

La question qui nous est posée est simple : « Comment réduire notre dépendance aux énergies fossiles pour aller vers une économie décarbonée, et réussir ainsi la transition énergétique pour une croissance verte, qui est absolument indispensable ? »

Mes chers collègues, le texte adopté par le Sénat en mars dernier a considérablement enrichi et équilibré le projet initial. La Haute Assemblée avait fait preuve d’un état d’esprit particulièrement constructif. Je vous remercie, madame la ministre, de l’avoir confirmé.

Détermination, responsabilité et pragmatisme ont été le fil conducteur de nos travaux. La conférence sur le climat, la COP 21, qui se déroulera en décembre prochain à Paris, ajoute un degré d’exigence supplémentaire. La France, honneur oblige, se doit de se distinguer pour sauver l’avenir de la planète.

C’est pourquoi, madame la ministre, comme mon collègue Ladislas Poniatowski, je regrette profondément l’échec de la commission mixte paritaire du 10 mars dernier, exclusivement dû – nous le savons tous – au refus du Président de la République et de la majorité de l’Assemblée nationale de tout compromis sur la seule question de l’échéance de la réduction de la part du nucléaire dans le mix électrique.

La plus grande partie du projet de loi faisait l’objet d’un large consensus. Le texte avait été enrichi par tous les groupes, sur toutes les travées de nos deux assemblées. C’est le seul article premier qui a fait échouer, pour des raisons idéologiques, la tentative de mettre en œuvre une transition énergétique unanime et consensuelle.

Le Sénat avait fait un pas significatif en acceptant l’objectif de réduction du nucléaire à 50 %. En revanche, l’Assemblée nationale n’a pas souhaité faire un pas vers nous, torpillant ainsi un consensus qui était à portée de main. Il y a là à mon avis un immense gâchis.

Malgré cela, je vous le redis, madame la ministre, les sénateurs sont attachés aux bienfaits de la co-construction législative. Ce texte, qui a été sensiblement amélioré, a confirmé la modernité démocratique que constitue le bicamérisme.

À l’issue de la nouvelle lecture du projet de loi par l’Assemblée nationale, sur les 111 articles sur lesquels la commission du développement durable était compétente, 67 articles restent en discussion. Je tiens à souligner que nombre de nos apports ont été conservés par l’Assemblée nationale, ce dont je me félicite.

J’en viens au détail des principales dispositions restant en discussion. Concernant le titre III relatif aux transports, un quart des articles sont encore en discussion. La commission du développement durable a apprécié favorablement la principale modification introduite à l’Assemblée nationale par le Gouvernement, dans la mesure où elle constitue l’aboutissement de la réflexion sur la notion de « véhicule propre ». Nous avions en effet soulevé la limite intellectuelle qu’il y avait à appeler « propres » des véhicules qui ne peuvent l’être complètement si l’on tient compte de l’ensemble de leurs émissions au cours de leur cycle de vie, c’est-à-dire de leur empreinte écologique. L’Assemblée nationale a donc remplacé dans tout le projet de loi la notion de « véhicules propres » par une distinction entre « véhicules à faibles émissions » et « véhicules à très faibles émissions », qui seront définis par référence à des seuils fixés par décret. La commission du développement durable a choisi de conserver cet apport, qui combine exigence en matière de qualité de l’air et accompagnement gradué de la filière industrielle automobile, auquel je rends hommage : si le moteur diesel n’avait fait aucun progrès pendant près d’un demi-siècle, six normes européennes différentes – une tous les trois ans – sont intervenues en l’espace de dix-huit ans, nous permettant d’obtenir le meilleur dans ce domaine.

Quant à la nouvelle obligation introduite concernant les flottes de bus de transports urbains, la commission du développement durable a tenu à préciser que le décret devrait aussi tenir compte de leur date d’acquisition.

Enfin, la commission a choisi de revenir au texte du Sénat sur deux points durs : d’une part, la fixation par la programmation pluriannuelle de l’énergie d’objectifs de biocarburants conventionnels et, d’autre part, le caractère facultatif des plans de mobilité que les entreprises doivent mettre en œuvre.

Concernant le titre IV, relatif aux déchets et à l’économie circulaire, de nombreuses modifications ont été apportées par les députés. La commission du développement durable n’est pas revenue sur les améliorations techniques intégrées par l’Assemblée nationale. En revanche, nous avons souhaité, par cohérence, revenir à la position du Sénat sur plusieurs sujets.

Concernant les installations de tri mécano-biologique, ou TMB, nous avons voulu préciser au maximum la portée de l’objectif d’évitement de création de ces nouvelles installations. Un consensus s’est dégagé pour dire qu’il ne faut pas faire de TMB en première intention, à la place du tri à la source des biodéchets, mais que ces structures peuvent être pertinentes dans d’autres cas, notamment pour préparer des combustibles solides de récupération. Ce cadre étant posé, notre philosophie, au Sénat, est de faire confiance aux collectivités et aux élus locaux.

Quant aux déchets plastiques, la commission du développement durable est revenue à la position du Sénat qui nous a semblé constituer le bon équilibre entre ambition et réalisme. Nous avons supprimé l’interdiction de la vaisselle jetable en plastique et rétabli une obligation de tri à la source de ces déchets. Concernant les sacs en plastique, nous sommes revenus au texte, construit en séance publique lors de la première lecture avec vous, madame la ministre, qui autorise les sacs de caisse compostables, je le précise, en compostage domestique.

Enfin – et c’est probablement l’un des apports les plus significatifs dans ce titre IV –, nous avons sécurisé le dispositif de la responsabilité élargie du producteur concernant les bateaux, « la REP navires », introduit par le Sénat. Un prélèvement, déterminé chaque année en loi de finances, sera effectué sur le droit annuel de francisation et de navigation, afin de résoudre le problème du stock historique de bateaux hors d’usage. De cette manière on ne remet pas en cause le principe de la REP : le flux sera financé par les metteurs sur le marché. Mais on pourra ainsi traiter enfin le stock de près de 300 000 navires hors d’usage, sans mettre en danger les ressources du Conservatoire du littoral.

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