Intervention de Nathalie Goulet

Réunion du 9 juillet 2015 à 14h30
Accord france–états-unis d'amérique relatif à l'indemnisation de victimes de la shoah — Adoption définitive en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Nathalie GouletNathalie Goulet :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le texte que nous nous apprêtons à voter aujourd’hui n’est pas anodin : il a suscité, dans la presse et à l'Assemblée nationale, un certain nombre de réactions, parfois négatives, et beaucoup d’interrogations.

À la lecture des comptes rendus des débats à l’Assemblée nationale, j’ai éprouvé une grande perplexité, et même été un peu choquée, comme l’a exprimé Josette Durrieu en commission, devant la marchandisation de cette période de l’histoire, moi qui suis issue d’une famille dont tous les membres ont été déportés à la suite de la rafle du Vél’ d’Hiv, le 16 juillet 1942.

C’est dans cet esprit que j’ai sollicité l’honneur d’être rapporteur de ce texte, pour mieux comprendre ce qui s’était passé à l'Assemblée nationale. Contrairement aux députés, nous avons mené des auditions, qui m’ont permis d’y voir plus clair dans ce dossier.

Monsieur le secrétaire d'État, vous avez rappelé les étapes de la négociation de l’accord. Pour ma part, je tenterai d’apporter au Sénat quelques éclaircissements complémentaires.

Tout d’abord, cet accord ouvre-t-il une nouvelle série d’indemnisations pour les victimes juives de la Shoah, créant par là même une inégalité entre les différentes catégories de déportés et leurs ayants droit ?

Cette idée d’opérer un classement des déportés est assez insupportable. Nous connaissons tous, dans nos départements, des anciens combattants, des pupilles de la nation qui sont eux aussi concernés par cette période. Charles Revet ne me contredira pas.

La réponse à cette première question est négative. Il s’agit en réalité du dernier acte d’une période particulièrement sombre de notre histoire. La liste des dispositifs d’indemnisation existants figure dans le rapport : celui que nous nous apprêtons à approuver aujourd'hui la complète de façon définitive.

Il s’agit d’indemniser un petit nombre de déportés juifs partis de France et n’ayant jamais été indemnisés. Quelle que soit l’ancienneté des faits, notre droit, comme le droit international, reconnaît le droit à réparation, même tardive. C'est un droit universel et opposable.

Ce fonds sera-t-il le dernier ? Oui. Il présente un caractère particulièrement original et innovant : les États-Unis géreront ce fonds à leurs frais pour l’ensemble des victimes n’ayant pas déjà été indemnisées – j’insiste sur ce point, car il risque de susciter des questions dans nos départements –, quelle que soit leur nationalité, à l’exception des ressortissants des quatre pays, mentionnés dans le rapport, avec lesquels des accords bilatéraux ont été conclus.

Il s’agit donc d’un accord pour solde de tout compte par le biais d’un fonds international qui dégage de façon définitive la France, ses démembrements et la SNCF de toute recherche en responsabilité.

La SNCF est-elle dès lors garantie contre tout recours et action sur le sol américain ? La réponse est positive : cette garantie vaudra non seulement sur le sol américain, mais partout ailleurs dans le monde, dès lors que le fait générateur est la déportation de victimes de la Shoah depuis la France.

De ce fait, les procédures en cours et pendantes devant les tribunaux américains feront l’objet d’un désistement d’actions et d’instances, et les projets de loi déposés devant le Congrès ou autres instances devront être retirés ou se verront opposer le veto du Président des États-Unis.

La SNCF, dès lors blanchie des accusations hâtivement portées contre elle, pourra aussitôt retrouver droit de cité dans les appels d’offres internationaux et reprendre sa place dans la compétition pour un certain nombre de marchés.

À ce stade, je voudrais faire un commentaire.

Nous sommes là face aux effets pervers des class actions américaines : des avocats ont démarché des victimes en vue de les inciter à engager des procédures, ce qui a provoqué un effet « boule de neige ». Un certain nombre de congressmen ont déposé des projets de loi, ce qui a entraîné les conséquences que nous connaissons.

Il n’est d’ailleurs pas douteux qu’outre le préjudice commercial extrêmement important subi par la SNCF, les indemnisations prononcées par les tribunaux américains risqueraient d’être autrement plus élevées que la somme allouée au fonds d’indemnisation dont la création est prévue par cet accord : il n’est qu’à se souvenir du montant de l’amende infligée récemment à BNP-Paribas, dans un tout autre domaine.

Dans ce contexte où le souvenir d’une page sombre de notre histoire se mêle à des considérations commerciales, nous sommes en présence d’un accord transactionnel, qui comporte points faibles et avantages.

Devant cette équation, j’ai souhaité rappeler, durant les auditions et dans l’annexe 10 du rapport, le rôle extrêmement important des cheminots de la SNCF dans la Résistance, …

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