J’ai été très attentive au débat et aux échanges qui viennent d’avoir lieu.
Personne n’est à l’aise quand il s’agit de déroger à la loi Littoral. J’ai eu l’occasion, dans d’autres circonstances et sur d’autres sujets, de défendre farouchement, et avec succès, la loi Littoral, contre un certain nombre de tentatives visant à l’assouplir. On l’a vu notamment dans le cadre des installations des énergies renouvelables.
J’en conviens, mesdames, messieurs les sénateurs, cet amendement vous est soumis tardivement. Si tel est le cas, c’est parce qu’il a fallu du temps pour l’élaborer. Voilà des années que ce territoire attend un certain nombre de décisions pour permettre un traitement correct des déchets.
Nous avons été saisis d’une demande des élus, une demande unanime du syndicat de traitement des déchets, le syndicat mixte pour la valorisation des déchets de Corse, le SYVADEC, qui regroupe l’ensemble des collectivités de Corse, quelle que soit la sensibilité politique des élus. C’est bien le moment de faire preuve de pragmatisme et de donner des moyens aux collectivités territoriales, sous le contrôle des préfets.
J’entends bien la façon dont vous réagissez – à juste titre – par rapport à la rédaction du texte. Toutefois, celle-ci ne remet pas en cause la procédure des installations classées. Vous vous interrogez sur les avis des coopérations intercommunales ou des conseils municipaux ; je vous réponds que vous avez satisfaction, car le processus se situe bien dans le cadre extrêmement rigoureux des installations classées, c’est-à-dire qu’il y a enquête publique, contrôle de la conformité avec le plan d’élimination des déchets, contrôle de l’impact environnemental de ces installations et avis des commissions des sites.
De plus, le moment est propice pour engager des partenariats intelligents et constructifs. En effet, le projet de loi sur la transition énergétique dont nous discutons prévoit des normes plus fortes en matière de traitement des déchets. C’est précisément l’occasion d’imposer aux territoires qui demandent une dérogation l’obligation d’anticiper ces différentes normes et de devenir des territoires exemplaires avant l’heure en matière de « zéro gaspillage zéro déchet ».
Il a fallu négocier ; il n’était pas question de lâcher rapidement, si je puis dire, une dérogation à la loi Littoral. On a même négocié pied à pied. J’ai attendu d’avoir des engagements écrits de la collectivité corse pour vous présenter cette mesure. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle cet amendement vous est soumis tardivement ; je vous prie de m’en excuser, mais ses dispositions se rapportent parfaitement à la question de l’économie circulaire.
Dans une lettre datée du 8 juillet dernier, que j’ai ici et que je peux bien évidemment vous transmettre, le SYVADEC s’engage à prendre plusieurs mesures : réduction du gaspillage alimentaire, avec un lancement d’appels à projets dès maintenant ; compostage individuel ou de proximité ; réemploi, en exploitant, notamment, les conditions de mise en place de la consigne ; déclinaison des principes de consommation, d’achat et d’utilisation responsables ; expérimentation d’une tarification incitative ; réduction de plus de 30 % du volume de déchets enfouis ; réduction des déchets produits de 16 000 tonnes ; optimisation de la collecte sélective des emballages ménagers et des journaux ; accompagnement de la rénovation des déchetteries ; soutien à la création et à l’optimisation de centres de tri.
Ce syndicat a également des objectifs en termes de traitement des déchets dans le secteur du bâtiment, tels que l’accompagnement des initiatives liées à la valorisation des déchets.
Bref, tout un travail a été fait, et les financements nécessaires devront faire l’objet d’une délibération en bonne et due forme, afin que le préfet, sous le contrôle du ministère de l’écologie, soit assuré que les engagements pris sur un « territoire zéro gaspillage zéro déchet » – ce territoire s’impose à lui-même des normes qui deviendront obligatoires dans quelques années – puissent lui servir de base lors de la demande de dérogation, dans le cadre d’une enquête publique concernant une installation classée. On est vraiment là dans une dynamique constructive.
Par ailleurs, on ne peut pas faire comme si les problèmes n’existaient pas. Cela ne me fait pas forcément plaisir de devoir me retrousser les manches pour régler cette difficulté, car je suis très attachée à la loi Littoral. Néanmoins, je ne peux pas demander à notre pays d’être à l’avant-garde et d’être exemplaire dans le domaine du traitement des déchets si, parallèlement, je refuse de répondre de manière pragmatique à certaines préoccupations.
En la matière, c’est moi qui prends un risque, en accordant une dérogation à la loi Littoral. Croyez-moi, mesdames, messieurs les sénateurs, il n’est pas facile pour moi de prendre cette mesure eu égard à la façon dont je défends cette loi, aux rapports de force qui se font parfois jour et aux différentes pressions qui s’exercent pour défendre cette loi. Toutefois, je veux que mon action soit cohérente avec les efforts que je demande.
On peut sortir de ce problème par le haut, en faisant en sorte que la Corse et les outre-mers, qui rencontrent également des problèmes importants, avec des décharges sauvages, soient des territoires exemplaires.
Certes, on peut fermer les yeux : on peut choisir de ne pas modifier le dispositif et de laisser ces collectivités se débrouiller seules sur le terrain.