Intervention de Michel Billout

Réunion du 15 juillet 2015 à 14h30
Programmation militaire pour les années 2015 à 2019 — Explications de vote sur l'ensemble

Photo de Michel BilloutMichel Billout :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au lendemain d’un 14 juillet placé sous le signe de la lutte contre le terrorisme et de la sécurité de nos compatriotes, nous sommes amenés à nous prononcer sur l’actualisation de la loi de programmation militaire 2015-2019.

Je voudrais tout d’abord souligner le sérieux et la responsabilité qui ont caractérisé nos débats la semaine dernière. Ce n’est pas seulement dû à une trop faible présence en séance – elle s’est d’ailleurs bien améliorée cet après-midi ! Cela vient plutôt du fait que chacun a pris conscience que permettre à nos armées d’assurer l’intégrité du territoire, de protéger nos compatriotes et de défendre les intérêts vitaux de la nation ne doit pas donner lieu à des querelles et à des calculs politiciens.

Bien entendu, avoir une telle conscience n’exclut pas l’affirmation de convictions divergentes et l’expression de désaccords importants sur la politique de défense menée par le Gouvernement.

C’est pourquoi je rappelle que nous avions pris soin de souligner, dans la discussion générale, que nos appréciations portaient sur des mesures rendues nécessaires par l’évolution du contexte, et non sur les grands principes de la loi de programmation initiale, sur laquelle nous conservons nos désaccords de fond.

Les aspects positifs de cette actualisation viennent essentiellement des leçons que nous avons su tirer de l’engagement intensif de nos forces, de l’évolution des menaces et des besoins nouveaux qui sont apparus depuis le mois de décembre 2013.

Ces enseignements ont trouvé une juste traduction en termes budgétaires – je n’y reviendrai pas – en matière d’effectifs, d’entretien des matériels et de commandes de nouveaux équipements. Pour ce qui concerne les effectifs, nous apprécions particulièrement la pause qui est faite sur la trajectoire d’une déflation inconsidérée.

Il aura malheureusement fallu la multiplication d’attentats sur le territoire national pour que l’on se rende compte que ces suppressions d’emplois, dont la seule justification était de faire des économies au profit des équipements, nous rendraient incapables de faire face à une situation de crise imprévue.

Ces coupes drastiques ne pouvaient d’ailleurs qu’avoir de graves conséquences sur la cohérence et les capacités de notre outil de défense conventionnel, au risque de l’affaiblir.

En outre, selon le dernier rapport du Haut Comité d’évaluation de la condition militaire, cette politique de restructuration, à laquelle se sont ajoutés les effets désastreux des dysfonctionnements du système de paie Louvois, a également eu des répercussions très négatives sur le moral des militaires et de leurs familles, le tout sur fond d’une situation sociale dégradée, qui entame la confiance des personnels dans l’institution.

C’est pourquoi, même si cela ne fait pas partie, stricto sensu, de l’actualisation de la loi de programmation, notre groupe accorde une grande importance à la reconnaissance du droit d’association des militaires, qui auront désormais la possibilité de créer des associations nationales professionnelles. Sur ce point, nous préférons nous aussi le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale à celui qui a été retenu par le Sénat. Dans un tel contexte, nous ne pouvons que souhaiter que ces associations trouvent rapidement leur place et qu’elles jouent leur rôle avec efficacité.

Toujours sur la question des effectifs, je voudrais souligner que les difficultés apparues dans la mise en œuvre de l’opération Sentinelle montrent combien il est maintenant nécessaire de mener une réflexion sur la doctrine d’emploi de nos armées sur le terrain intérieur.

Il s’agit en effet d’une conception nouvelle de la protection du territoire, puisqu’elle est fortement recentrée sur le territoire national.

À cet égard, un récent vol de munitions a révélé, par les défaillances mises en lumière dans la protection de certaines installations militaires, une utilisation des forces terrestres pour protéger la population et les lieux de culte contre les menaces terroristes qui a porté préjudice à la sécurité des installations militaires. Je suis certain, monsieur le ministre, que vous prendrez rapidement les mesures qui s’imposent, à la suite du rapport qui doit vous être remis sur ce sujet.

Pour juger de la programmation militaire, il faut savoir si son actualisation nous donnera, à la fois, les moyens d’assurer la protection de notre territoire national et de nos compatriotes et ceux d’intervenir simultanément sur plusieurs théâtres extérieurs. Heureusement, vous ne prétendez plus mieux dépenser en réduisant de façon drastique le format de nos armées.

L’un des effets de ces économies est surtout d’avoir permis de payer fort cher des technologies qui ne correspondent pas au type de conflits ou d’opérations dans lesquels nos armées sont engagées. C’est pourquoi nous persistons à croire que, pour adapter nos forces à la stratégie définie dans la programmation militaire que vous proposez, il est nécessaire de réduire le coût de nos forces nucléaires.

Ce n’est pas de notre part, comme voudraient le faire croire ceux qui caricaturent nos positions, une opposition purement idéologique, de principe, aux armes nucléaires. C’est seulement considérer que l’apparition de nouveaux acteurs stratégiques au comportement irrationnel crée maintenant une source d’instabilité qui menace la planète tout entière. Il serait donc logique de réduire nos armements nucléaires à leur niveau de « stricte suffisance », sans entamer leur crédibilité ni provoquer une perte de compétences.

Par ailleurs, même si ce n’est pas le sujet aujourd'hui, il conviendrait de réfléchir à notre politique de commerce des armes. Certains pays destinataires se trouvent directement ou indirectement impliqués dans le soutien de ceux que nous combattons au Sahel ou en Irak et qui commettent tant d’atrocités, également, en Syrie, en Libye, en Tunisie ou sur notre sol.

En conclusion, monsieur le ministre, les aspects positifs de ce projet de loi d’actualisation ne nous semblent pas suffisants pour modifier une programmation qui donnerait à notre pays les moyens de mettre en œuvre un modèle d’armée à même de répondre efficacement à l’évolution des enjeux internationaux, ainsi qu’aux besoins de sécurisation du territoire national.

En outre, la stratégie arrêtée dans le cadre de la loi de programmation militaire initiale, notamment concernant la dissuasion nucléaire, étant maintenue, le groupe CRC ne pourra voter ce projet de loi.

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