Intervention de Laurent Fabius

Réunion du 15 juillet 2015 à 14h30
Accord européen relatif à la grèce — Déclaration du gouvernement suivie d'un débat et d'un vote

Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mesdames, messieurs les sénateurs, chers amis, je vais vous donner lecture du discours que M. le Premier ministre prononce en ce moment même devant l’Assemblée nationale. Vous verrez que cet exercice me posera une petite difficulté, que je me permettrai de vous signaler le moment venu.

« L’Union européenne vient de vivre des moments difficiles et même historiques.

« Il y a toujours des esprits résignés, qui pensent que l’on ne peut plus écrire l’histoire, que nos vieilles nations, fatiguées par le fardeau des siècles, devraient renoncer, que nos destins se décident ailleurs, indépendamment de nos volontés. Et il y a bien sûr ceux qui souhaitent voir l’Europe se disloquer.

« Nos compatriotes, qui ont suivi les évolutions de la situation grecque au jour le jour, ont bien senti que quelque chose de fondamental se jouait et que notre destin pouvait basculer. En effet, au-delà de l’avenir de la Grèce, c’est aussi, d’une certaine façon, l’avenir de la construction européenne qui était en cause.

« Or, une fois encore, il faut constater que l’Europe, au moment où nous nous exprimons, est en train de surmonter une crise qui aurait pu lui être fatale.

« Sans un accord, en effet, nous aurions laissé un pays et abandonné un peuple à un sort extrêmement difficile sur le plan économique, fait de dévaluation, d’inflation, d’effondrement des salaires, de faillite des banques et des entreprises, de risques de divisions, de déstabilisations, mais devant aussi subir des conséquences géopolitiques et géostratégiques » – nous en avons parlé l’autre jour – « que personne ne peut nier. Sans un accord, nous aurions donné une image inquiétante de l’Europe vis-à-vis du monde, c'est-à-dire de tous nos partenaires, des États-Unis, de la Chine et des autres grands pays, et nous aurions, en quelque sorte, tiré un trait sur une certaine conception de la solidarité européenne.

« La France ne pouvait pas l’accepter. » Je l’ai dit ici même, au nom du Gouvernement, il y a quelques jours.

« Notre pays a su faire entendre sa voix, peser de tout son poids, grâce, en particulier, au Président de la République. Nous avons estimé que l’on ne faisait pas sortir un pays de l’Union européenne comme cela, au gré des aléas, et que le fatalisme, les égoïsmes, le chacun pour soi, quelles que soient les difficultés, ne pouvaient pas être le langage de l’Europe.

« La semaine dernière, vous avez tous souhaité que nous débattions ici, pour que la parole de la représentation nationale se fasse entendre ». Le président Larcher était intervenu en ce sens. « De fait, l’Europe doit toujours se construire avec le peuple et ses représentants.

« C’est dans cette même logique que le Président de la République a souhaité que le Parlement se prononce, par un vote, sur le contenu de l’accord.

« Quelques mots sur cet accord.

« D’abord, il constitue la réaffirmation que la place de la Grèce est dans la zone euro et pleinement dans l’Union européenne.

« Il n’y a donc pas de “Grexit”, pour reprendre un mot que je ne trouve pas très joli, « ni de “Grexit temporaire”, idée dangereuse et, en réalité, compte tenu des mécanismes, assez impraticable, qui reviendrait sans doute au même.

« Nous entendons parler d’“humiliation”, mais, même si les choses sont très difficiles, l’humiliation aurait sans doute été, pour ce pays, d’être chassé de la monnaie unique, alors que l’immense majorité des Grecs souhaitent la conserver.

« Cet accord est aussi la réaffirmation de la volonté de dix-neuf États souverains de préserver l’intégrité et la stabilité de la zone euro.

« Quand on l’examine en détail, on constate que l’accord qui va faire l’objet de votre vote comporte trois dispositions principales.

« Première mesure : la Grèce va pouvoir disposer de financements importants, en contrepartie d’engagements sur un certain nombre de réformes.

« Un nouveau programme d’aide financière, sur trois ans, dans le cadre du Mécanisme européen de stabilité, comprendra entre 82 et 86 milliards d’euros, en complément de deux précédents programmes. C’est malheureusement indispensable au regard de la situation financière et économique d’un pays qui ne peut aujourd’hui absolument pas se financer sur les marchés.

« La négociation de ce programme prendra nécessairement plusieurs semaines. Il y a donc urgence à mettre en place un financement-relais dans les tout prochains jours. La Grèce a devant elle d’importantes échéances de remboursement, notamment à l’égard de la Banque centrale européenne, qui a joué et continue de jouer un rôle majeur pour apporter des liquidités. C’est pourquoi la France est pleinement mobilisée pour définir, avec ses partenaires, les modalités de ce financement.

« Le nouveau programme d’aide financière sur trois ans exige, et c’est normal, le respect de conditions strictes. En liant leurs destins, les pays de l’Union se donnent des règles qui doivent valoir pour tous.

« Dès ce soir, la Grèce devrait voter des réformes importantes sur la TVA, de manière à dégager plus de recettes, et sur le système de retraites, sujet très délicat, pour en garantir la viabilité.

« La semaine prochaine, la Grèce doit faire adopter le code de procédure civile, car il faut accélérer les procédures judiciaires et réduire les coûts. Elle devra ensuite mener d’importantes réformes pour améliorer le fonctionnement de son économie, notamment le marché des biens de consommation, le marché de l’énergie ou encore le marché du travail.

« Un programme de privatisations est également prévu. Un fonds indépendant, localisé en Grèce et placé sous l’autorité du gouvernement grec – la France y a insisté, pour que la souveraineté de la Grèce soit respectée – gérera la vente d’un certain nombre d’actifs. Les produits générés permettront à la Grèce de disposer progressivement d’une somme d’un montant total de 50 milliards d’euros » – c’est beaucoup d’argent ! – « pour rembourser la recapitalisation des banques, diminuer la dette et soutenir l’investissement, et donc la croissance.

« Enfin, la Grèce s’engage à moderniser en profondeur son administration publique et va notamment créer une agence des statistiques indépendante. » Vous vous rappelez sans doute que, par le passé, des travestissements de la réalité avaient donné lieu à des controverses.

« Les choix faits par le gouvernement de M. Tsipras ne sont certainement pas faciles. Alors qu’ils ont déjà subi les effets d’une crise économique et sociale sans précédent, les Grecs devront faire des efforts supplémentaires. Ces efforts sont indispensables – c’est tout le problème – et, il faut y insister, sans commune mesure avec l’appauvrissement de la population grecque qu’aurait provoqué un Grexit. » Les deux solutions doivent toujours être comparées, même si chacune a ses inconvénients.

« Il faut saluer le courage du Premier ministre grec

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