Intervention de Michèle André

Réunion du 15 juillet 2015 à 14h30
Accord européen relatif à la grèce — Déclaration du gouvernement suivie d'un débat et d'un vote

Photo de Michèle AndréMichèle André :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, à l’issue d’une période au cours de laquelle chacun a pu douter, à un moment où à un autre, de l’avenir de la Grèce au sein de la zone euro, une solution semble enfin se dessiner. Le temps est maintenant venu pour les représentations nationales des États membres de la zone euro de se prononcer, à leur tour, sur le principe de ce troisième plan d’aide.

Bien qu’aucun texte constitutionnel, organique ou législatif ne l’impose, le parlement français est consulté. Aussi, je tiens à remercier le Gouvernement d’avoir demandé un vote à l’issue de sa déclaration, sur un sujet d’une importance essentielle du fait de ses implications non seulement financières, mais surtout politiques.

En effet, si une posture seulement économique avait dominé le projet européen voilà maintenant plus de vingt ans, la zone euro ne serait pas. Cette dernière ne présentait alors pas, et ne présente d’ailleurs toujours pas, les caractéristiques économiques propres à une zone monétaire. Elle est « autre chose » qu’une construction économique.

La dimension politique a été négligée tant par les tenants d’une sortie de la Grèce de la zone euro que par les opposants au programme d’assistance soumis à la République hellénique par l’Eurogroupe. Elle a pourtant conduit à la déclaration de l’Eurogroupe du 12 juillet, qui marque le souhait unanime des membres de la zone euro de continuer de compter la Grèce parmi ses membres.

Cette dimension politique, et même géopolitique, voire géostratégique, sur laquelle vous avez insisté à juste titre, monsieur le ministre, s’illustre également dans les conditions entourant la préparation du lancement du troisième « soutien à la stabilité » octroyé par le Mécanisme européen de stabilité, le MES. Aucune des interventions précédentes du mécanisme, en faveur des banques espagnoles puis de Chypre, n’aura présenté une dimension politique aussi forte.

Le traité instituant le MES prévoit que celui-ci peut accorder un soutien « si cela est indispensable pour préserver la stabilité financière de la zone euro dans son ensemble et de ses États membres » et « sur la base d’une stricte conditionnalité ».

Il prévoit aussi que des États n’appartenant pas à la zone euro peuvent également participer au plan d’aide, ce qui ne serait pas illégitime, compte tenu des enjeux pour l’ensemble de l’Union européenne.

La décision d’octroyer une aide est prise d’un commun accord par le Conseil des gouverneurs, constitué des ministres des finances, sauf lorsque la Commission européenne et la Banque centrale considèrent qu’il faut agir d’urgence, car il existe une menace sur « la soutenabilité économique et financière de la zone euro ».

Dans ce cas, la décision peut être prise à la majorité qualifiée, mais les États disposant de plus de 15 % des voix disposent d’un droit de veto.

L’article 33 de la loi de finances rectificative du 14 mars 2012 ne prévoit pas de vote du Parlement, mais une information des commissions des finances, lorsqu’une telle décision est prise. Cependant, nous voyons aujourd’hui que le Gouvernement peut décider de son propre chef d’aller au-delà de sa stricte obligation légale.

Dans le cas de la Grèce, la déclaration du sommet de la zone euro du 12 juillet fixe les conditions politiques du déclenchement de la procédure de soutien du MES.

Des mesures d’urgence sont demandées à la Grèce : elle doit modifier sa gouvernance budgétaire en instituant l’équivalent de notre Haut Conseil des finances publiques et en créant son mécanisme de correction automatique des dérapages par rapport à la trajectoire de solde structurel ; elle doit aussi transposer les règles de la directive dite BRRD en matière de résolution bancaire.

La sévérité des réformes économiques et fiscales a fait l’objet de nombreuses critiques. Il est vrai que ces réformes sont exigeantes, d’autant qu’elles devraient être accompagnées d’une trajectoire de finances publiques rigoureuse.

Mais n’est-ce pas légitime ? Les États de la zone euro s’apprêtent à concéder une assistance financière supplémentaire de plus de 80 milliards d’euros, venant s’ajouter aux 180 milliards d’euros d’aides qu’ils ont déjà consenties à la Grèce depuis 2010. Or une telle concession ne pouvait être acceptée sans que la Grèce montre sa détermination à redresser ses comptes publics et son économie, en particulier pour des pays qui se sont eux-mêmes imposé d’importants efforts d’ajustement, comme l’Espagne, le Portugal, l’Irlande ou les États baltes.

Par conséquent, les conditionnalités soumises à la Grèce constituent une exigence politique déterminant l’acceptation du programme d’assistance par les populations européennes et leurs dirigeants.

La France a pesé de tout son poids lors des négociations, de manière à préserver la place de la Grèce au sein de la zone euro. En cela, elle a fait son devoir. En effet, notre pays a pleinement contribué à préserver la stabilité de la zone euro et, par extension, la pérennité du projet européen.

Nos intérêts budgétaires et patrimoniaux sont protégés, puisque l’Eurogroupe a écarté une réduction du montant nominal de la dette grecque, même s’il envisage, de nouveau, d’allonger la période de grâce, ainsi que la maturité des prêts accordés à la Grèce. Surtout, l’essentiel du programme d’assistance financière serait porté par le MES, sans qu’il soit nécessaire de faire appel à de nouveaux apports des États de la zone euro et sans accroître la dette des États participants.

Je veux terminer en insistant sur le fait qu’il faut tirer les leçons des deux premiers plans d’assistance. La Grèce ne sera pas livrée à elle-même pour mettre en œuvre la conditionnalité. L’accord du 12 juillet rappelle qu’elle va formuler une demande d’assistance technique. Ce point est essentiel, surtout pour la France, qui a fait le choix d’accompagner la Grèce plutôt que de la stigmatiser. Notre assistance doit être partenariale et non punitive.

Lorsque je constate que l’accord du 12 juillet prévoit que la Commission européenne dégage 35 milliards d’euros sur son budget et tend à augmenter le montant des préfinancements pour les investissements en Grèce, ou que le plan Juncker va être mobilisé, je veux croire que les Européens ont compris que l’objectif essentiel est la cohésion et la stabilité de la zone euro, qui doit être plus qu’une simple zone de changes fixes. Elle doit pleinement demeurer un projet politique.

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