Un calendrier dense de contacts politiques a permis, durant les six derniers mois, de renouveler et d’approfondir notre coopération dans tous les domaines.
Les visites en France des ministres marocains de la justice et des libertés, de la communication, des finances, de l’éducation nationale et de la formation professionnelle, ainsi que de l’environnement, se sont succédé.
De leur côté, les ministres français des affaires étrangères, de l’intérieur et des finances se sont rendus au Maroc. La rencontre de haut niveau, présidée par le Premier ministre Manuel Valls et le chef du gouvernement marocain Abdelilah Benkirane, a réuni à la fin du mois de mai, à Paris, vingt-deux ministres français et marocains. Cette rencontre, au cours de laquelle une vingtaine d’accords a été signée, a illustré la densité du partenariat franco-marocain.
Mesdames, messieurs les sénateurs, avec l’approbation du texte qui vous est soumis aujourd’hui, il s’agit de confirmer et de renforcer les liens de confiance et d’amitié qui unissent la France et le Maroc. C’est particulièrement indispensable dans le contexte sécuritaire que nous connaissons actuellement.
Je connais les interrogations soulevées à l’occasion de l’examen de cet accord par la commission des affaires étrangères. Je rappellerai, pour y répondre, les clarifications apportées par le ministre des affaires étrangères et du développement international lors d’une audition devant la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale, le 11 juin dernier, puis par la secrétaire d’État chargée du développement et de la francophonie, lors du débat en séance publique à l’Assemblée nationale.
Le principal objectif de ce texte est de mettre en place un nouveau mécanisme d’information immédiate et de recueil d’informations. Il sera ainsi possible d’assurer une meilleure administration de la justice, ainsi qu’une conduite efficace et diligente des procédures, au regard notamment du principe de territorialité des poursuites. Ce texte vise donc à favoriser et à fluidifier les échanges entre les autorités françaises et marocaines, élément essentiel pour un travail efficace de la justice.
Ce texte est évidemment conforme aux principes de la séparation des pouvoirs et de l’indépendance de l’autorité judiciaire, consacrés par la Constitution. Il ne prévoit aucun mécanisme de dessaisissement du juge français au profit du juge marocain ou du juge marocain au profit du juge français. Le juge initialement saisi recueille, par le biais des autorités centrales, des observations et des informations auprès du juge de l’autre pays et, au vu des éléments éventuellement transmis, détermine les suites à donner à la procédure.
Si le texte prévoit que la clôture ou le renvoi doivent être prioritairement envisagés, c’est en raison des éléments d’extranéité de la procédure, pour une meilleure administration de la justice.
Sauf si le juge français décide de clore la procédure, celui-ci reste saisi du dossier, puisque le renvoi éventuel est effectué par une dénonciation officielle des faits, qui ne dessaisit pas le juge. Néanmoins, l’autorité judiciaire conserve en toutes hypothèses la possibilité de poursuivre la procédure, notamment pour garantir l'efficacité des investigations à mener ou pour éviter toute impunité. Contrairement à ce qui a pu être allégué, la poursuite de la procédure n’est donc pas limitée par l’absence de réponse ou l’inertie de l’autre partie.
Ce texte est également conforme à nos engagements internationaux, notamment aux règles applicables en matière de compétence quasi universelle. Il ne crée pas de mécanisme de dessaisissement ou de subsidiarité. Le juge initialement saisi demeure toujours libre de décider des suites qu’il entend donner à la procédure. L’article 23 bis de l’accord rappelle d’ailleurs que le dispositif de coopération et d’échanges s’inscrit dans le cadre des engagements respectifs de la France et du Maroc, pour contribuer à la bonne mise en œuvre des conventions internationales qui les lient.
Le nouvel article ne porte aucune atteinte au droit à un recours effectif des victimes françaises et étrangères de crimes et délits commis au Maroc. Bien au contraire, l’objectif de ce nouveau dispositif est de permettre une meilleure administration de la justice et la conduite efficace et diligente des procédures. En effet, la pratique démontre que les procédures menées en France pour des faits commis à l’étranger sont souvent longues et complexes, dans la mesure où les éléments de preuve se trouvent majoritairement hors du territoire national et nécessitent des demandes d’entraide. Le nouveau mécanisme introduit par l’article 23 bis, qui facilite l’échange d’informations entre les parties, contribuera à l’efficacité de la conduite des procédures, tout en préservant les critères de compétence des autorités judiciaires initialement saisies.
Enfin, et je sais que c’est un sujet d’interrogation, le texte s’applique aux ressortissants binationaux, comme l’a clairement indiqué Laurent Fabius. Si une procédure est engagée en France par un ressortissant marocain, franco-marocain ou d’une nationalité autre que française et marocaine contre un ressortissant marocain ou franco-marocain pour des faits commis au Maroc, l’accord prévoit que l’autorité judiciaire française recueille dès que possible auprès de l’autorité judiciaire marocaine ses observations ou informations.
Le juge marocain pourra prendre les mesures qu’il juge appropriées, y compris l’ouverture d’une procédure.
Le juge français, au vu des observations ou informations éventuellement reçues de son homologue marocain, déterminera, pour sa part, les suites qu’il donne à cette procédure : il peut s’agir d’un renvoi au juge marocain sous la forme d’une dénonciation officielle des faits, de la clôture ou de la poursuite de la procédure.
La réciproque vaut bien sûr pour les cas de procédures engagées au Maroc pour des faits commis en France.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le Maroc est un pays ami de la France, un partenaire stratégique avec lequel nous entretenons une relation d’amitié profonde et historique. Il est notre allié dans la lutte contre le terrorisme. Face aux enjeux régionaux de sécurité, de stabilité et de développement en Méditerranée et au-delà, la France et le Maroc ont plus que jamais besoin l’un de l’autre.
Garantir une circulation plus rapide et plus efficace de l’information en matière pénale, assurer une meilleure administration de la justice, renforcer la coopération judiciaire avec notre premier partenaire en Afrique : voilà autant de raisons d’approuver ce texte, dans le respect le plus total de notre Constitution et de nos engagements internationaux.
Par son vote décisif d’aujourd’hui, le Sénat va nous permettre de tourner définitivement la page d’une brouille regrettable, mais surmontable et surmontée, pour replacer les relations entre la France et le Maroc au bon niveau, celui de l’amitié indéfectible entre nos deux pays.